Le Passage des Ombres, par David Moitet
Il y a du Franck Thilliez chez David Moitet, a décrété le libraire Gérard Collard. Et c'est bien vrai ! A peine les premiers chapitres lâchés dans l'arène, et déjà le lecteur se sent attiré par l'intrigue palpitante, menée à fond de train, avec force détails sanguinolents, action pêchue, du mystère, de la manipulation et de l'espionnage à gogo, bref on ne s'ennuie pas du tout.
L'histoire débute en Égypte, Thomas Galion, ancien flic de la criminelle, profite d'un repos bien mérité avec son amie Maria. Mais ils vont brutalement être pris pour cible par des inconnus, qui vont tenter de les assassiner lors d'une banale séance de snorkelling. Ils vont s'en sortir in extremis, pour un court instant, car la chasse est lancée et les tueurs ne vont plus les lâcher. Leurs vacances de rêve ont viré au cauchemar, Thomas et Maria ignorent encore en quoi leur présence dérange et ne sont pas au bout de leurs surprises !
Au tout début de ma lecture, j'ai plusieurs fois eu l'impression d'avoir loupé un épisode et de prendre en cours une histoire qui avait commencé dans un roman précédemment paru, Suicide cellulaire : Apoptose en l'occurrence. C'est un peu embêtant, aussi j'ai tenté péniblement de raccrocher les wagons et de saisir les bribes d'une intrigue déjà élaborée. Et ainsi, de fil en aiguille, j'ai pu apprécier ce que l'on me proposait, car c'est un univers auquel j'ai été très sensible, passablement sombre et virulent, qui produit son petit effet. On y pénètre d'abord en étant sur ses gardes, on observe, avant d'être pris dans l'engrenage, grâce à des chapitres courts, un style net et précis. En clair, ça grince, ça crisse, ça vous cloue sur place, c'est pas mal du tout et ça donne envie d'aller plus loin.
Paradoxalement, le style simpliste et brut de décoffrage rend parfois l'ensemble lourd et maladroit (ajoutez aussi que la lettre rédigée par Leonard de Vinci n'a pas d'allure, dans le sens où elle n'est pas assez ampoulée et semble trop contemporaine). Ça et aussi le sentiment d'être complètement largué du fait de n'avoir pas lu la première partie de l'histoire... On a là un bon thriller décapant, mais mieux vaut procéder dans l'ordre (et lire Suicide cellulaire d'abord) pour vous éviter toute déconvenue.
City éditions, septembre 2013.
Le Chuchoteur, par Donato Carrisi
Cinq petites filles ont disparu.
Cinq petites fosses ont été creusées dans la clairière.
Au fond de chacune, un petit bras, le gauche.
Depuis qu’ils enquêtent sur les rapts des fillettes, le criminologue Goran Gavila et son équipe ont l’impression d’être manipulés. Chaque indice les mènent à des assassins différents. La découverte d’un sixième bras, appartenant à une victime inconnue, les convainc d’appeler en renfort Mila Vasquez, spécialisée des affaires d’enlèvement. Dans le huis clos d’un appartement converti en QG, Gavila et ses agents vont échafauder une théorie à laquelle nul ne veut croire : tous les meurtres sont liés, et l’œuvre d’un insaisissable tueur en série…
Au départ, j'étais intriguée par le phénomène de ce livre, porté par un bouche à oreille enthousiaste, récompensé par le prix SNCF du polar européen. Il ne m'en fallait pas davantage ! C'est par le livre-audio que j'ai choisi de tenter l'aventure, une expérience qui a généralement su se révéler concluante. En avant pour plus de 16 heures d'écoute (mine de rien) ! J'ai tout gobé, sursauté, allumé toutes les lumières de la maison dès que j'étais seule, j'ai flippé tout le temps et élaboré des tonnes de théorie. Mais je suis aussi restée sur mes gardes, méfiante vis-à-vis de la technique de l'auteur (eh oui). Celui-ci sait grandement nous manipuler via des artifices basiques (tension psychologique, angoisse et suspense, crimes répétés, sursauts dans l'intrigue, révélations fracassantes...). Le style est simple, mais oppressant. Par contre, les personnages sont fades, flous, englués dans des histoires sordides, comme si cela ne suffisait pas de suivre des criminels tordus et leurs forfaits accablants, on en rajoute une couche chez les enquêteurs !
L'auteur n'a certes pas produit une œuvre remarquable et exceptionnelle, mais sa technique est redoutable. Elle s'appuie sur une recette ancestrale, classique mais efficace. Au final, on n'a pas seulement UN tueur en puissance, mais la démonstration d'un cerveau retors, qui aime réveiller la petite étincelle en sommeil chez les psychopathes pas encore avérés. C'est sciant. L'interprétation, pour Audiolib, a eu toutefois ses limites - la lecture se fait lentement et produit des effets déprimants, elle nous prend aussi en otage et ne nous permet aucun recul face à cet univers glauque et suffoquant. Pour une fois, j'émets quelques réserves sur le choix du comédien.
Audiolib, novembre 2010. Texte intégral lu par Pierre Forest (durée d'écoute : 16 h 10).
Traduit de l'italien par Anaïs Bokobza, pour les éditions Calmann-Lévy.