14-18 : Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux par Dedieu
Un livre hommage aux poilus, avec des images violentes et réalistes, pour dire la guerre là où les mots ne sont plus.
Une lecture percutante, qui se dispense de grand discours (il n'y a d'ailleurs aucun texte, juste une phrase d'ouverture : Chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis) car les images sont fortes, bouleversantes et pleines d'émotion.
Certaines pages sont un peu dures, elles montrent les ravages laissés par les attaques par le gaz ou les explosions d'obus (une double page saisissante, montrant deux visages de soldats dévastés)... D'autres fois, les visages sont effacés et deviennent des squelettes.
C'est troublant à dire, mais ce livre est magnifique et rend un hommage sobre, délicat et intelligent aux héros de cette drôle de guerre.
A la fin de l'ouvrage, une enveloppe se trouve sur la page de garde. Elle contient une longue lettre d'Adèle, en réponse aux quelques mots de Gustave. La lettre de la femme du poilu, profondément intime, traduit ses craintes et son espoir de revoir celui qu'elle aime.
Cet album singulier dénonce la douleur muette des combattants ainsi que la solitude et les interrogations dont souffraient les proches.
Seuil jeunesse, février 2014
Un thé pour Yumiko, par Fumio Obata
Yumiko vit à Londres depuis dix ans et mène une carrière de graphiste avec succès. Même sa vie sentimentale est au beau fixe, puisqu'elle vient de se fiancer avec Mark. Le passé se rappelle douloureusement à elle lorsqu'elle apprend la mort de son père. Yumiko rentre alors au Japon pour assister à la traditionnelle cérémonie des obsèques.
D'abord groggy par le décalage horaire, Yumiko procède aux routines d'usage par automatisme, en se surprenant aussi de ne ressentir aucune émotion. Rien, absolument rien ne filtre. Certes, elle avait quitté son père et son pays en désaccord, elle était ambitieuse et voulait découvrir le monde tandis que son père espérait pour elle un avenir plus traditionaliste.
Ce retour aux sources finit par la déstabiliser, ça et sa vision obsédante d'un acteur du théâtre nô, qui la poursuit et cherche à lui faire passer un message. Yumiko n'est plus sûre de ses choix, ni de ses attentes. Elle a besoin de prendre le large, d'en discuter avec sa mère, une intellectuelle qui a toujours assumé son indépendance, bref ce voyage s'annonce plus perturbant qu'elle n'aurait pu l'imaginer.
C'est une très belle histoire, très touchante, qui nous interpelle sur nos rapports avec nos origines, la famille, les traditions, la perte et le deuil. On retrouve d'ailleurs beaucoup de finesse et de pudeur dans le dessin de Fumio Obata. L'ensemble est harmonieux et communique une grâce infinie, qui inspire respect et retenue. En somme, c'est une lecture pleine de subtilité, poignante et délicate, qui berce et séduit le lecteur en toute simplicité.
Gallimard, collection Bayou, mars 2014