Enfant 44, de Tom Rob Smith
L'histoire se passe dans la Russie de Staline, en 1953, les agents du MGB traquent les dissidents et les font disparaître sans rencontrer la moindre riposte. Le peuple se tait, se camoufle, range sa rancœur au fond de la poche. Leo Stepanovitch Demidov est un agent haut placé, ancien héros de guerre, officier zélé et convaincu d'œuvrer pour le bien du parti. Lorsqu'il se rend chez un vieil ami en plein deuil, il rassure la famille en expliquant que leur fils n'a pas été assassiné, mais tué accidentellement.
Il rentre à Moscou sur les traces d'un vétérinaire, aux idées réactionnaires, qui s'est fait la malle, Leo lui sauve la vie en le repêchant dans un lac gelé, tombe malade. Au sortir de sa convalescence, il est convoqué pour une nouvelle arrestation : celle de son épouse, Raïssa dont la grande beauté fait décidément bien des jaloux... Terrible cas de conscience pour notre agent, qui risque de perdre ses privilèges en subissant un exil forcé dans un coin perdu de l'Oural.
De nouveau, des crimes inexpliqués, des corps éviscérés de jeunes garçons ou jeunes filles retrouvés dans la forêt, des interrogations en pagaille, mais aussi un acharnement manifeste à ne pas générer d'enquête plus aboutie, plus fouillée. On suit les grandes lignes du parti, ou on subit son courroux. Leo fait face aux failles du système, avec une connaissance accrue des drames qui se jouent en coulisses.
L'histoire est rondement menée pendant les 3/4 du roman, ambiance terriblement glaciale du régime stalinien, qui fait découvrir le revers de la médaille, avec les corruptions, ambitions personnelles, bourrages de crâne, drames conjugaux, petits et grands mensonges... Le roman tient ses promesses et est franchement prenant. Par contre, l'intrigue policière fait doucement glousser dès lors qu'on bascule vers la perspective d'un dénouement grossier et aberrant. Autant dire que j'ai trouvé ça frustrant, niais, passablement décevant.
Toutefois je lirai sans hésiter la suite, avec dans l'ordre : Kolyma et Agent 6, car j'ai été agréablement surprise par la vitesse avec laquelle j'ai parcouru cette lecture !
Audiolib, avril 2009 ♦ texte intégral lu par Frédéric Meaux (durée : 12h 20) ♦ traduit par France Camus-Pichon pour les éditions Belfond ♦ disponible en format poche chez Pocket, janvier 2010
Monster, de Patrick Bauwen
Médecin urgentiste dans une petite ville de Floride, Paul Becker accueille un drôle de type que vient d'arrêter son ami policier, Cameron Cole, mais l'individu tente de s'échapper, retourne le cabinet puis est embarqué sans ménagement, laissant derrière lui un téléphone portable. Lorsque celui-ci sonne, Paul répond bêtement et bascule alors dans le terrier du lapin d'Alice !
Un inconnu le menace, son épouse et son fils disparaissent, son père surgit du passé, un enfant est kidnappé, un réseau pédophile est mis à jour, la police est sur les dents, Paul est soupçonné, il doit fuir, se cacher et affronter une force invisible, mais déterminée à lui rendre la vie infernale. Pourquoi, comment ? Bah, c'est ce qu'on se demande aussi.
Cela paraît gros, aberrant, trop facile et attendu, mais c'est paramétré exprès pour agripper le lecteur et rendre le récit happant, inquiétant et accrocheur. Cela se lit vite et bien, dans un registre divertissant, avec sueurs froides et pis tout ça. Par contre, ce n'est pas non plus aussi stupéfiant ni saisissant qu'on aurait pu le croire (trop de critiques dithyrambiques !), j'en avais certainement trop espéré, et au final j'ai trouvé ça limite présomptueux.
À la technique, c'est Antoine Tomé qui lit cette histoire aux allures cauchemardesques et aux ambitions vertigineuses. Il joue subtilement le jeu lorsqu'il se contente d'être le narrateur externe, car dès lors qu'il interprète les voix et les dialogues, au secours, c'est une horreur ! On se croirait dans un dessin animé au doublage ridicule, c'est franchement risible, insupportable et très décevant.
Audiolib, janvier 2009 ♦ texte intégral lu par Antoine Tomé (durée : 14h 22) ♦ éditions Albin Michel, 2009 ♦ Prix Maison de la Presse