Dans les rapides, de Maylis de Kerangal
« T'es rock, t'es pas rock. La vie rock. Ce n'est pas gravé sur les disques, ce n'est pas imprimé dans les livres. Une épithète consubstantielle, un attribut physique comme être blonde, nerveux, hypocondriaque, debout. Rock rock rock. Le mot est gros comme un poing et rond comme un caillou. Prononcé cent fois par jour, il ne s'use pas. Dehors le ciel bouillonne, léger, changeant quand les nuages pèsent lourd, des milliers de tonnes bombent l'horizon derrière les hautes tours, suspendus. Être rock. Être ce qu'on veut. Plutôt quelque chose de très concret. Demandez le programme ! »
Le Havre, 1978. Lise, Marie et Nina ont 15 ans et s'ennuient. Un dimanche de pluie, elles font du stop et dans la R16 pistache « déboule une voix de fille, une voix de fille qui sonne comme une voix de fille justement, une voix qui chante vite, et fort, et vite et fort et vit », la voix de Debbie Harry, la chanteuse de Blondie. Debbie qui s'impose aux garçons de son groupe, Debbie qui va devenir leur modèle. Les filles courent acheter le disque, le passent en boucle. Et rêvent en grand (New York, la liberté, le rock, la vie, etc.). Avec son style syncopé, son écriture débraillée et sa gouaille de rockeuse, Maylis de Kerangal injecte à son histoire une nostalgie euphorisante. Elle y clame la passion d'une époque, l'esprit d'une jeunesse désenchantée mais exubérante, la volonté de croire en ses rêves et de suivre son étoile. En clair, cette lecture vous galvanise ! La musique est partout, pas seulement Blondie et son image rock et glamour, on découvre également Kate Bush (« la petite voix, le filet d'or, le bijou du pendentif sur la gorge du rossignol ») à travers son album The Kick Inside qui va bouleverser l'unité du groupe. C'est à lire avec le casque sur les oreilles, pour une rencontre lumineuse et électrisante !
♪♫ en poche ! ♫♪ Folio, juin 2014 ♦ 1ère publication aux éditions Naïve, janvier 2007
Rosa Candida, par Audur Ava Olafsdóttir
Après la tragique disparition de sa mère, Arnljótur quitte le foyer familial pour donner un sens à sa vie. Il a proposé ses services de jardinier dans un monastère où se trouve une roseraie abandonnée. Il souhaite y développer la culture de la Rosa Candida, une rose à huit pétales, sans épine, que sa propre mère chérissait. Arnljótur s'éloigne de son père, trop pressant, et de son frère jumeau, isolé dans sa bulle d'autiste, mais aussi de sa petite fille, un bébé de quelques mois, qu'il a eu avec la petite amie d'un copain, un soir, en couchant avec elle dans la serre. Cette relation, mine de rien, le taraude. Au fil de son périple, ponctué de rencontres éclatantes, le garçon y revient sans cesse, sans prendre le temps d'analyser son rapport aux autres. Car à vingt-deux ans, on croirait davantage un môme de douze ans ! Il est désespérément naïf, niais, placide... il ne m'a inspiré que de l'agacement. Comment, alors, s'attacher à un récit dont le personnage central vous sort par les trous de nez ? C'est bien dommage, car l'écriture est séduisante, l'aura globale doucement envoûtante, mais les pérégrinations du jeune homme ne m'ont pas touchée. Du tout, du tout. Je suis restée en marge, un peu lassée par son ton geignard. Et l'ensemble m'a paru morne, ennuyeux, mis à part la rencontre extraordinaire avec le moine cinéphile. Je quitte donc ma lecture sur une note de dépit. Pas franchement bouleversée par ce rendez-vous qui aurait déjà comblé «300.000 lecteurs» !
Points - coll. points d'or ♦ novembre 2013 ♦ traduit par Catherine Eyjólfsson pour Zulma