Les trois pires histoires de pirates, de Thomas Bretonneau et Perceval Barrier
Un jour, Perceval Barrier lance un défi à son ami Thomas Bretonneau : lui écrire des histoires de pirates. « Pourquoi de pirates ? - Parce que j'aime ça ! J'aime Stevenson, j'aime les îles, j'aime les trésors ! » déclare Perceval. En voici le résultat.
L'ouvrage s'ouvre sur l'histoire de Richard, « Le garçon qui n'avait pas de perroquet ». C'est bien le seul au village et tout le monde se moque de lui. Mais ça lui passe par-dessus la tête. C'est son choix, après tout, de ne pas avoir de bestiole sur l'épaule. Ce serait injuste pour le volatile qui n'a pas demandé pareille destinée (selon lui).
Richard est réellement un garçon généreux. En se promenant sur la plage, il croise un bernard-l'ermite, un iguane et un oustiti et il distribue à l'envi son chapeau, son cache-œil et son crochet. Toute sa parure de pirate ! Aussi, pour célébrer pareil altruisme, la grande déesse millénaire, Tara-Tama, le couvre de cadeaux. Sauf qu'au moment de choisir son perroquet, Richard décline l'offre.
L'histoire suivante concerne « La chasse au trésor » de Pierric, un pirate qui n'a plus un sou en poche. Il se rappelle alors avoir enterré un trésor sur la plage, il y a bien longtemps. Il retourne sur les lieux, commence à creuser... et bing, il tombe sur une tortue. Bonne pâte, celle-ci propose de creuser avec lui, et cronch elle tombe sur une taupe des tropiques !
Puis bong, notre trio déterre un vieux sarcophage avec une momie à l'intérieur. Et voilà notre joyeuse bande en train d'unir leurs efforts, conjuguant blagues et coups de pelle dans l'attente du trésor. Car, finalement, le temps passant, une belle amitié s'est nouée entre ces énergumènes. Ils n'ont clairement plus envie de trouver le trésor, ... ils veulent continuer de le chercher à l'infini.
Cette histoire n'a pas manqué de me séduire ! Elle est excessive et incongrue, ce qui en fait tout le charme.
Comme pour la dernière histoire, « Le dernier pirate » alias Olaf le terrible. Après une dure vie de labeur, Olaf rêve de se poser sur une île déserte pour une retraite tranquille. Manque de bol, il rencontre une fillette intrépide, avide d'aventure. Elle est éblouie par les récits du pirate et rêve à son tour d'embrasser une telle carrière.
Pressé de s'en débarrasser, Olaf lui confie son attirail et l'expédie sur les mers... avant un remords de dernière minute. Finalement, il ferait bien de l'accompagner quelque temps, histoire de lui enseigner les astuces du métier.
Cette lecture s'est révélée rafraîchissante et pleine d'humour de bout en bout. Elle cultive avec malice les clichés sur les pirates, quitte à les parodier gentiment, car c'est pour mieux nous les faire aimer. Les illustrations sont saisissantes et s'emparent parfois d'un petit détail pour déclencher le fou rire général. Perceval Barrier s'est déjà rendu coupable des 3 contes cruels (avec Matthieu Sylvander).
Bref, j'ai beaucoup aimé et vous suggère, en bonus, la présentation suivante : http://www.percevalbarrier.com/?p=2456
l'École des Loisirs, mai 2014
Attention au crocodile ! de Lisa Moroni et Eva Eriksson
« On y va ! On y va ! » Tora est impatiente de partir en vacances, seule avec son père. Mais celui-ci n'est pas drôle, il fait les courses, il traîne, il se balade dans la forêt sans soupçonner le potentiel magique de l'environnement. En effet, lui ne voit pas le boa, les girafes, les hippopotames ou les trolls de bois. À la place, ce ne sont que des racines, des arbres, des pierres ou des souches d'arbres à ses yeux.
Vraiment, quel papa ennuyeux, l'oreille collée à son téléphone, mais en quête de souvenirs d'enfance... définitivement perdus. Sa petite fille courageuse, à l'imagination débordante, va donc lui ouvrir les yeux et l'esprit à un univers fantastique, merveilleux, reposant et dépaysant...
Et quel doux mélange, en plus des illustrations pleines de délicatesse et au charme ouaté, une tendre et magnifique harmonie se dégage de la lecture. On sort complètement enchanté par cette rencontre !
Pastel ♦ février 2014
Sam et Julia au cirque, de Karina Schaapman
Sam et Julia s'apprêtent à passer un nouvel été dans l'insouciance de la Maison des souris. Mais un beau matin, le cirque arrive en ville. Le directeur Mr Roberti propose à Karine, la maman de Julia, un travail à plein temps dans le cirque pour toute la tournée d'été. Ils ont besoin de quelqu'un qui sache coudre et cuisiner et ça, Julia peut l'attester, sa maman est une spécialiste. Karine et Julia partent sur la route avec le cirque et pour la première fois depuis longtemps, Sam et Julia vont être séparés.
Les deux amis promettent de s'écrire pour se raconter leurs vacances, mais même si Julia apprend plein de choses incroyables auprès d'Enrico le Clown ou de Sylvana la trapéziste et si Sam s'amuse à faire de la poterie et de la pâtisserie avec Ella, les deux amis ne tardent pas à se manquer terriblement. Heureusement l'été se termine bien vite et Sam et Julia se retrouvent avec tout un tas de secrets et d'aventures à se raconter.
C'est le dernier rendez-vous en date des petites souris Sam et Julia dans leur incroyable univers imaginé et peaufiné par Karina Schaapman. Encore une fois, un régal pour les yeux ! Avec toujours des millions de détails et de longs moments de lecture pour les observer. Beaucoup de vie dans les mises en scènes, qui passionneront aussi les amateurs de loisirs et création (les illustrations sont des photos de maquettes). Bref, ce livre fait rêver.
Pour moi, une totale réussite de minutie et du sens du détail microscopique, avec toutefois un texte accessoire, mais qui interpelle les enfants, qui restent friands du merveilleux monde du cirque. Une valeur sûre. Karina Schaapman a elle-même vécu enfant avec sa mère dans un cirque, ce qui a très largement inspiré son travail. C'est donc à partir de son expérience et de ses souvenirs qu'elle a reconstitué en miniature les petites caravances, le chapiteau, les gens du voyage (le directeur, les clowns, les trapézistes, les animaux...). L'effet est saisissant et on reste admiratif des prouesses accomplies !
Gallimard jeunesse, juin 2014
De plus en plus haut, de Justine de Lagausie et Mikhail Mitmalka
De plus en plus haut, ou comment gravir 8846,70 mètres en 40 pages, soit la différence entre un enfant de 10 ans et l'Everest...
Qu'y a-t-il de plus haut qu'un enfant ? Une girafe. Et de plus haut qu'une girafe ? Les statues de l'île de Pâques. Et encore ? L'obélisque de Louxor. Et encore, et encore... ?
Voici un superbe album tout en hauteur qui présente de page en page des sujets de plus en plus élevés. Les illustrations sont sobres, édifiantes et soulignées par une courte légende indiquant la hauteur.
Sur les gardes, de petits textes apportent un éclairage documentaire pour chaque illustration.
Le dernier monument illustré est la Burj Khalifa, à Dubaï, la plus haute tour du monde qui culmine à 828 mètres. Mais qu'est-ce à côté du toit du monde, l'Everest, qui clôt l'ouvrage en pointant ses 8848 mètres ? Tous les efforts de l'homme n'arriveront-ils jamais à surpasser la nature ? ...
Cet album attire le coup d'œil rien que par son format effilé ! Une longue silhouette filiforme, annonçant un concours haut en couleurs entre les monuments de la planète et les éléments de la nature. Le résultat est prodigieux ! Votre regard est happé par la démonstration en vigueur, les comparaisons judicieuses et pertinentes, servies par des illustrations racées, de toute beauté. Instructif aussi, cet album apporte des informations pour chaque élément, entre le nom, le lieu et la petite anecdote sur son origine.
C'est typiquement le genre de lecture à découvrir une première fois avec enthousiasme, puis à redécouvrir pour le plaisir et à consulter encore et toujours en s'étonnant sans cesse des nouvelles trouvailles ! ... En somme, c'est une lecture pérenne, capable de séduire petits et grands.
De la Martinière Jeunesse, juin 2014
Les Augustins, de Mélisa Godet
Malika est une jeune journaliste pour un magazine web et cherche à imposer sa marque en acceptant de partager la vie d'un squat pour une idée de reportage audio et photographique. Elle est fraîchement accueillie par un artiste de la bande des Augustins, Gabor, vexé d'avoir été dupé par la belle lors de leur première rencontre (elle lui avait raconté une histoire à dormir debout !). Une tension bénéfique pour pimenter gentiment la lecture autour d'une relation pleine de peps et de charme. Sans quoi, sur place, Malika ne rencontre aucun souci d'adaptation ni d'acceptation. Elle fait connaissance avec les militants de l'association Droit d'agir, Thomas, Marc, Lino... Se lie d'amitié avec la vieille Jacquotte, dont le franc-parler fait glousser dans les chaumières. Se passionne pour les histoires des marginaux, des sans-papiers, des opprimés, des désenchantés, des taiseux, etc. Cette totale immersion offre un aperçu des exclus de la société et du solide sens d'entraide qui découle de leurs petites misères. C'est vraiment pas mal du tout, au-delà de l'aspect sociétal et politique, j'ai retenu de ma lecture l'image d'une belle générosité autour d'une communauté bigarrée, attachante et joyeuse. Avec des personnalités entières, rayonnantes et très touchantes. C'est un premier roman, récompensé par le prix Nouveau Talent 2014, qui se révèle une fraîche et agréable découverte. On suit aussi l'histoire d'une jeune femme en quête de ses origines, animée d'une ambition farouche mais pas écrasante. Malika est sensible et passionnée, elle a tout à gagner de son expérience ! Certes, l'intrigue est gentille, pas surprenante, mais quel plaisir (simple) de lecture !
JC Lattès ♦ mai 2014