La Nuit a dévoré le monde, de Pit Agarmen
Antoine Vernet collectionne les échecs : écrivain raté, amoureux abandonné, type désabusé... Il est en quête d'un nouveau souffle. Aussi, accepte-t-il l'invitation d'une amie à passer la soirée dans son appartement cossu. Mais cela ne va pas se dérouler comme prévu. Il va boire, beaucoup. Perdre pied. Se réfugier dans un bureau et s'écrouler de fatigue. Le lendemain, il se réveille dans un appartement étrangement silencieux. Découvre une scène de désolation, avec des murs maculés de sang. Nulle âme vivante aux alentours.
Dehors, règne la même scène de chaos. Il y a des zombies, partout ! La police tente de lutter contre une armée de morts-vivants affamés, lesquels sautent sur tout ce qui bouge, se multiplient, forment des hordes sauvages, déchaînées, incontrôlables. C'est la fin du monde. Antoine est ahuri mais décide de se barricader dans l'appartement. Il rassemble le maximum de vivres pour assurer sa survie. Trouve des armes. Le voilà désormais seul, coupé du reste du monde. Avec l'angoisse au ventre. Et du temps pour cogiter.
Antoine va alors s'organiser une routine surprenante de banalité : il lit, il mange, il prend des bains de soleil, il s'occupe amoureusement d'une petite plante verte, il joue de la trompette. De temps en temps il dézingue un ou deux zombies pour se rassurer. Il fait un peu n'importe quoi, il hurle à la mort, s'habille en femme, se désole et est tenté de s'offrir en amuse-bouche aux âmes errantes. La folie n'est pas loin de le guetter quand survient, vers la fin, LA rencontre qui peut tout changer.
Voilà un roman original, bien écrit, à envisager comme une approche philosophique (et intellectuelle) sur le temps perdu, les remords et les regrets, la solitude et comment ne pas sombrer face au désespoir. C'est intéressant, totalement décalé et assez perspicace. Par contre, ce n'est pas un roman de “zombies” tel qu'on pourrait s'attendre (il y a peu d'action, juste un type paumé qui soliloque), c'est davantage une robinsonnade qui se veut distrayante mais révèle surtout une grande part de mélancolie.
Robert Laffont, août 2012 ♦ parution en format poche (J'ai Lu)
« Ce qui est beau et sûr, c'est le passé. Même le passé triste, ma solitude, mes difficultés matérielles, mon adolescence, tout ça me paraît doux désormais : j'étais heureux et je ne le savais pas. Le désespoir d'alors était un état de plénitude extatique comparé à ce que je vis aujourd'hui. »
Le Bal des immortels, de Colleen Gleason
(ci-dessous la couverture VF peu aguicheuse)
Suite à la disparition de leur frère Chas, lors d'une mission en Europe, Angelica et Maia Woodmore doivent séjourner chez son ami, le comte de Corvindale. Chas est en fait un éminent chasseur de vampires, qui vient de se mettre à dos l'un d'eux en kidnappant sa sœur. Il redoute, à juste titre, la vengeance de Cezar Moldavi, d'autant plus que celui-ci a appris les dons de prescience d'Angelica et souhaite les exploiter à des fins personnelles.
Angelica et Maia Woodmore n'ont néanmoins aucune connaissance de telles arcanes et n'ont pour seul souci d'aller au bal pour rencontrer d'éventuels soupirants. Et là, entrée en scène de Voss Drewhurst, cynique, arrogant et opportuniste.
Angelica est troublée en sa présence, Corvindale le réprouve farouchement. Pourtant, c'est lui qui vole à son secours quand des individus sanguinaires sèment le chaos lors d'une réception pour enlever la jeune femme !
Mais Voss a une réputation à tenir et des intérêts à défendre (lui aussi convoite les dons d'Angelica). Plus de doute permis sur ses intentions. C'est un Dracul, de grande lignée (il a prêté allégeance à Lucifer). Il est constamment poussé à assouvir ses plus bas instincts (boire le sang de ses victimes). La tentation auprès d'Angelica est grande, or il ne souhaite pas céder à ses pulsions et veut la protéger.
Une grande première pour cet être égoïste et sans cœur !
Notre demoiselle en détresse est dans l'ignorance totale, elle ne sait rien de sa nature ni de ses tourments. Sa réaction au moment de découvrir le pot aux roses ? Comment vous réagiriez, vous ? ...
Sauve qui peut !
Et c'est naturellement jubilatoire, car l'histoire ne se focalise pas sur la romance ou la tension amoureuse entre le couple. Les dialogues sont bien sûr exécutés avec brio, les interactions sont savoureuses et alimentent l'étincelle du désir. Mais ce n'est pas tout.
Colleen Gleason (l'auteur des Chroniques des Gardella, dont le 5ème tome n'a jamais été publié en VF ! Merci.) propose une lecture pas forcément surprenante, mais tellement bien écrite, sans aucune vulgarité, avec un univers riche, où se mêlent joyeusement vampires, époque de la Régence et plusieurs intrigues autour du même noyau de personnages.
Cette série est pour l'instant une découverte très plaisante, seul le dénouement me paraît tiré par les cheveux, mais ceci ne va surtout pas me priver de lire la suite où il sera question de la relation haute en couleur entre Maia et Corvindale !
Harlequin, coll. Nocturne, juillet 2013 ♦ traduit par Fabrice Canepa (The Vampire Voss)
Couverture VF franchement monstrueuse !!