Bonne journée, par Olivier Tallec
Cet album est absolument désopilant, mais attention il ne s'adresse pas du tout aux enfants ! Le nom d'Olivier Tallec peut induire en erreur, or cette fois l'auteur / illustrateur est sorti de son registre habituel pour assumer pleinement son humour corrosif et piquant. Et c'est jubilatoire !
On découvre à travers cette lecture des planches de dessins, avec parfois une petite légende, qui font tiquer, sourire, grincer des dents. L'humour y est noir, caustique et effronté, les situations sont cocasses, parfois grivoises. Bref, les habitués pourraient y perdre leur latin, sauf que l'auteur a toujours su glisser dans ses albums une petite touche espiègle, qu'on retrouve ici, poussée à l'extrême.
C'est extra, délicieusement ironique, derrière la tendresse du dessin, on découvre un Olivier Tallec à la plume piquante et réjouissante. J'ai adoré le découvrir dans ce registre, plus décalé et irrévérencieux. J'ai beaucoup ri et je ne me lasse pas de le lire et le relire !
Rue de Sèvres, octobre 2014
Hors-pistes, de Maylis de Kerangal & Tom Haugomat
Le concept de l'album sort un peu des sentiers battus : carte blanche a été donnée à un illustrateur (Tom Haugomat) pour laisser libre cours à son inspiration, en quelques planches. Puis, un auteur (Maylis de Kerangal) s'empare de ces images et raconte sa propre histoire, en toute liberté. Une véritable création dans l'esprit « hors-piste », dirons-nous. ;-)
Et l'on découvre cette aventure dans les montagnes : Paul accompagne l'ami de ses parents, Bruce, pour une expédition libérée de toute contrainte, à la découverte de la nature sauvage.
« J'avais longtemps attendu le retour de Bruce, et rêvé de cette virée, lui et moi arpenteurs de montagne, héroïques, et comme chez nous dans ce royaume. Sillonner un monde sauvage, gravir ses pentes, explorer ses gouffres, pêcher en rivière, descendre des rapides en canoë, voler en parapente, dormir sous la tente en camping sauvage, et peut-être même approcher le grizzly ! Nous y serions ensemble, équipiers et amis. »
Mais l'aventure tourne court, quand Bruce se blesse et Paul doit partir chercher les secours. C'est une autre forme d'exploration qui l'attend, celle de tester ses limites, d'aller à la découverte de soi et d'apprendre à tracer sa propre piste.
C'est une lecture assez impressionnante, pour grands et bons lecteurs, qui apprécieront la plume de Maylis de Kerangal et savoureront de baigner dans un décor montagnard, tout en cyan et magenta (les deux mélangés ont donné du brun/violet), au graphisme épuré mais imposant de noblesse.
Le texte est tout aussi mystérieux, poétique et poignant. On y devine la détresse d'un enfant, son regard hésitant sur cet adulte auquel il s'accroche, avec qui il désire ardemment nouer une relation de confiance, de partage. C'est admirablement écrit, plongé dans une atmosphère froide mais apaisante.
C'est difficile de le conseiller à un enfant, trop jeune ou hermétique à la musique des mots, aux images symboliques, à la portée des valeurs héroïques etc., mais ce serait dommage de s'en priver car c'est un album de toute beauté !
éditions Thierry Magnier, octobre 2014 ♦ En partenariat avec la galerie Jeanne Robillard, et avec la complicité des éditions Hélium.
Alice au pays des Merveilles, de Lewis Carroll & ill. de Guillaume Sorel
Magnifique adaptation de l'œuvre de Lewis Carroll par Guillaume Sorel, avec une Alice beaucoup plus proche du personnage original (une demoiselle effrontée, au caractère bien trempé, ravissante brunette, avec des taches de rousseur sur son nez en trompette).
Cette adataption reprend aussi le texte intégral en illustrant les plus grandes scènes : la chute dans le terrier, le lapin blanc en retard, les conseils de la chenille, l'acharnement de la Reine, le chat, le thé avec le chapelier fou...
La lecture est impressionnante, par ses couleurs et ses choix d'interprétation, et ne manquera pas d'envoûter les plus grands lecteurs en les capturant dans cet univers fantasmagorique, qui paraît également plus tourmenté que jamais.
Cette Alice est bluffante, dans son rôle de chipie qui casse définitivement l'image doucereuse suggérée par un certain Walt... C'est remarquable, de toute beauté !
On pensera aussi à replonger dans Alice au pays des Merveilles de Rebecca Dautremer ou celle aussi d'Emmanuel Polanco pour combler toute la famille !
Rue de Sèvres, octobre 2014 ♦ traduit par Henri Parisot