Mon chagrin éléphant, de Cécile Roumiguière & Madalena Matoso
Après la perte de sa grand-père, l'enfant éprouve beaucoup de chagrin. Un chagrin énorme et encombrant, comme un éléphant. Ce dernier est bleu et vient de surgir sans crier gare dans la voiture, assis confortablement à côté du garçon. Il lui demande même de chanter une chanson... Ses parents ne voient rien, mais lui reprochent de ne pas respecter leur chagrin et réclament du silence.
L'enfant est contrarié. D'abord, il y a cet éléphant qui ne le quitte plus. Il incarne son chagrin, dit-il. C'est lourd, ça ne s'oublie pas, ça vous colle partout. Et l'absence de Mamiette aussi pèse lourd dans la balance. C'est douloureux de penser à elle, de songer à son jardin et à ses fleurs qui vont faner. Aussi, le temps passe et l'éléphant ne part pas.
La tristesse est là, tenace et entêtante. Mais elle s'amenuise tout doucement. D'ailleurs, la taille de l'éléphant aussi se réduit. Il prend de moins en moins de place, se fait discret. L'enfant peut même chanter à tue-tête dans la voiture, ses parents reprennent le refrain en chœur. Le temps de l'éléphant est compté...
Cette belle image du deuil, du chagrin, de la tristesse, représentée par un gros éléphant bleu, est ingénieuse et adorable dans sa façon de faire éclater les couleurs, les rondeurs, les volumes, les chansons. Quand le chagrin vous imprègne des pieds à la tête, il finit par vous obséder et vous accabler. Seulement, l'amour ne se mesure pas, n'est pas non plus affaire de souffrance.
On n'oublie jamais un être cher, on peut y penser souvent, en humant une fraise des bois, un hortensia ou une tarte aux pommes. Un chagrin éléphant ne se cramponne pas, il sert à vous accompagner, à vous guider vers la gaieté. À soulager les mines tristes, les larmes, les moues boudeuses, le cœur trop gros, trop lourd.
Beaucoup de tendresse, de sagesse et de poésie dans ce magnifique texte de Cécile Roumiguière, à travers un album émouvant que les illustrations rayonnantes de Madalena Matoso détournent pour incarner la joie, les sourires, la vie. Une belle lecture, nécessaire pour contrer les petits bobos de la vie et tacler les coups de blues.
Thierry Magnier, août 2015