La Pyramide des besoins humains, de Caroline Solé
Christopher est un gamin fugueur de quinze ans, qui vit maintenant dans la rue, sous un bout de carton, dans le quartier chinois de Londres. Christopher Scott est aussi le candidat n° 12 778 du nouveau jeu de télé réalité, la Pyramide des besoins humains, dont le principe - en plus de s'afficher sur internet et de gagner en popularité - consiste à gravir les échelons en se basant sur la théorie de Maslow. Un nom qui sonne comme le marshmallow, sans le moelleux et l'onctuosité. Christopher, donc, veut détourner la règle du jeu et être l'élément perturbateur du programme. Tout en préservant son anonymat, il poste le minimum syndical pour attiser la foule, obtenir des points et arracher son passe pour les étapes suivantes. Ce jeu finit toutefois par lui tourner la tête, par renforcer son écœurement, sa rage et sa colère, par le renvoyer à la source de son problème - le pourquoi de sa fugue, le tableau au vitriol de sa famille et du père. La lecture est sans nul doute poignante. Elle cogne direct en plein cœur et ne nous laisse pas souffler, mais cette perspective sombre est aussi démoralisante. Chris est un adolescent sans cesse sur le qui-vive, qui agit de façon contradictoire, d'une part il s'insurge des gloires éphémères et réclame un peu d'attention, mais refuse paradoxalement qu'on s'intéresse à lui et accorde difficilement sa confiance aux autres, sauf exception pour son pote Jimmy qui vend des hot-dogs en mettant trop de moutarde ou le vieux Scratch-Scratch qui repère les flics à des kilomètres à la ronde. Son quotidien dans la rue est lui aussi tristement réaliste (solitude, pauvreté, désespoir, bagarre) et vient accentuer l'amertume du roman. J'ai clairement mal vécu cette histoire, beaucoup trop négative, trop anarchiste, trop dénonciatrice de tout et rien à la fois (125 pages, c'est peu). Dans une intention de livrer un message fort et percutant, le roman finit par s'éparpiller et embrouiller le lecteur (du moins, en ce qui me concerne... car le livre a très bonne presse auprès de mes camarades). Je pense finalement en avoir trop attendu et être restée sur le carreau. Dommage. Mais la violence décrite dans l'histoire - déclamée comme du slam - résonne comme un cri du cœur, qui mérite sincèrement qu'on s'y attarde... Un roman qui suscite une rélle réflexion, à étudier en classe par exemple.
L'École des Loisirs / Mai 2015
« Je coupe les fils. Plus de marionnette au bout de leurs ficelles. »