Quatre murs, de Kéthévane Davrichewy
« La fratrie est impitoyable, ne nous leurrons pas.
- Où sont passés nos liens, Élias ?
- Réna, ils sont insidieux, ni incassables, ni infinis. Ils ne t'ont pas fait que du bien. Cellule familiale.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Il me semble que la famille peut nous rendre plus forts mais aussi nous affaiblir. »
Après la mort du père, la mère décide de mettre la maison en vente et de donner une avance sur héritage aux cadets, les jumeaux Élias et Réna. Les aînés protestent pour la forme, avant de conclure à un accord et retourner à leur routine. Ni remords ni regret. Deux ans plus tard, les frères et sœurs se retrouvent sur une île grecque, chez Saul, la sentinelle du groupe. Dans l'anticipation des retrouvailles, tous les quatre font le point et tirent un bilan doux-amer des liens filiaux et fraternels, n'hésitant pas à écorcher la belle image d'une tribu unie et solidaire. Les non-dits remontent à la surface (l'accident qui a coûté la vie de leur cousin et handicapé à vie Réna), la responsabilité latente, le poids des attentes et le temps qui passe, les envies qui vont et viennent, les vies qui se séparent ou prennent des orientations opposées. Ce roman intimiste est particulièrement troublant et envoûtant. Il délivre, avec une rare sobriété et une économie de mots, des émotions fortes et poignantes sur les liens du sang et le rôle de la famille. Malgré les rancœurs et les propos caustiques, l'ensemble n'en reste pas moins un quasi chuchotement sur une petite centaine de pages racontant une histoire tout en clair-obscur, jamais trop cynique, ni mielleuse. Elle se dresse tel un funambule sur le fil du rasoir et jongle avec les vérités des uns et des autres, bousculant les certitudes et les idéaux, mais sans forcément provoquer de remous. La lecture se termine d'ailleurs sur un épilogue lumineux et dansant. Une fin rayonnante pour une lecture empreinte d'une grande sensibilité.
10-18 / Mars 2015 ♦ Sabine Wespieser éditeur, 2014
« La famille nombreuse, c'était leur fantasme, pas le nôtre.
Ils convoitaient notre enfance. Une quête vaine, si lourde pour nous.
- Ils nous ont fait une belle enfance. »