Les Rêves sont faits pour ça, de Cynthia Swanson
Un matin, Kitty se réveille dans une chambre inconnue, auprès d’un homme inconnu et dans une vie inconnue (mariage, enfants, maison d'architecte). Serait-ce un gag ? Car Kitty se souvient être une célibataire de trente-huit ans, qui tient une librairie avec sa meilleure amie Frieda et vit dans un duplex coquet avec pour seul compagnon son chat Aslan, où elle mène une existence ordinaire, en attendant le retour de ses parents en vacances à Honolulu. Sitôt qu'elle ferme les yeux, qu'elle tombe de sommeil, elle se retrouve dans cette autre vie, auprès d'un homme séduisant qu'elle aurait sauvé d'une attaque cardiaque, huit ans plus tôt, après leur rencontre par petite annonce dans le journal. Son autre vie lui apprend qu'il serait mort et qu'elle n'en aurait rien su - qu'est-ce que cela veut dire ? Kitty / Katharyn jongle ainsi entre deux visions de sa vie, ne sachant plus déterminer les frontières du rêve et de la réalité, réalisant peu à peu qu'aucune des deux perspectives n'est exempte de défauts, de contraintes et de désillusions, que le bonheur est ici, là et ailleurs. Cette valse tourbillonnante entraîne aussi le lecteur dans un maelström de sensations et d'émotions. Tout est confus, insaisissable et troublant. Kitty perd pied entre ses rêves et sa réalité, Kitty veut s'accrocher à ses espoirs en piochant entre les deux pour s'arranger une vie de rêve, car “les rêves sont faits pour ça”. Mais ce n'est tout... du moins, c'est une histoire surprenante sur toute la ligne. Et la lecture est aussi étonnante, captivante, fascinante... et terriblement poignante.
Au fil des pages, on accompagne l'héroïne dans un cheminement long et difficile vers la vérité. Entre l'excitation du début et les révélations déstabilisantes en cours de route, l'histoire se distingue par la subtile mascarade qu'elle met en place et son extrême habileté à manipuler son monde. Le trouble est volontairement semé, il faut ensuite accepter de respecter les règles de ce jeu de dupes, tout en nuances et en zones d'ombre. J'ai été également séduite par le cadre de l'histoire, qui se déroule dans les années 60, avec Jackie Kennedy en véritable icône de la mode, un contexte économique en pleine évolution, impactant aussi le style de vie des américains avec les grands centres commerciaux en plein essor, les chaînes de librairie en expansion (au détriment des commerces de quartier) et les lotissements qui fleurissent en marge des centres-villes. Cette photographie d'une époque donne à la lecture un charme vintage. Un bonus appréciable et une belle rencontre littéraire... pour qui aime les énigmes et les ambiances brumeuses.
Traduit par Marilyne Beury (The Bookseller) pour les éditions Mosaïc, mai 2016