La Résurrection de Luther Grove, de Barry Gornell
John et Laura Payne viennent d'acheter une vieille ferme au cœur d'un terrain immense dans la campagne écossaise. Après des mois de travaux, le couple peut enfin emménager avec leur petite Molly et se féliciter de leur bonne fortune. Le cadre est verdoyant, isolé et à l'abri du bruit de la ville. Ils ont la certitude de recommencer à zéro une vie jusque-là fébrile et fragile. Ils découvrent par la même occasion l'existence de leur voisin, Luther Grove, un type bourru, qui préfère la compagnie de ses abeilles à celle des humains. Il ne manifeste aucune politesse à l'encontre de John, venu le saluer avec toute sa suffisance de propriétaire fraîchement établi. Seule la petite Molly tend à dérider le bougre. Laura a bien conscience de la grossièreté de son époux et cherche à apaiser les tensions naissantes entre les deux hommes. Mais l'arrivée de Frank, le frère de John, va mettre de l'huile sur le feu et compliquer les rapports de voisinage. Laura ne supporte pas ce beau-frère vicieux et alcoolique, au comportement violent. Dès que John se trouve en sa compagnie, il se métamorphose en un individu lourd, moqueur et blessant. Les mots claquent, les mains se perdent et les esprits s'échauffent. C'est finalement chez Luther que Laura va trouver du réconfort autour d'une tasse de café. Derrière ses manières rustres, l'homme cache un chagrin insurmontable lié à un drame du passé. Pourtant, à aucun moment le roman ne laisse deviner la direction que va prendre l'histoire, si ce n'est à travers son atmosphère. D'abord sombre et inquiétante, celle-ci prend peu à peu des allures glauques et dérangeantes. On s'enfonce jusqu'au cou dans une intrigue empreinte de folie, de rage, de désespoir. Et ce n'est pas toujours aisé à supporter. J'ai tourné la dernière page avec soulagement et ressors contrariée par cette lecture... :/
Traduit par Nathalie Bru pour Mercure de France (The Healing of Luther Grove)
Repris en poche chez Folio Policier, mai 2016
Les Enquêtes de Mary Lester : Les Bruines de Lanester & Les Diamants de l'archiduc, de Jean Failler
Mary Lester vient de décrocher son premier poste au commissariat de Lorient et anticipe la perspective d'enquêtes trépidantes. Las, la jeune femme est renvoyée dans son bureau, chargée de consigner des plaintes quelconques. Son capitaine n'est pas d'une grande ouverture d'esprit quant à la présence féminine dans ses bureaux. Mary ronge son frein et s'applique aux exigences administratives mais n'en espère pas moins un miracle quand on retrouve un clochard noyé dans le Scorff, puis quand une jeune épouse éplorée vient signaler la disparition de son compagnon. Deux affaires louches en moins de temps qu'il n'en faut pour dire chic. Mary est prête à bondir dans son Austin pour mener une enquête de terrain, seulement le capitaine Amédéo la rappelle à l'ordre en lui reprochant son impétuosité.
Cette série dénichée par France Loisirs n'est pas une nouveauté, puisqu'elle existe depuis 2003 aux éditions du Palémon et compte déjà une quarantaine de titres au compteur ! En attendant d'atteindre de tels sommets, ce premier tome remet au goût du jour cette héroïne frondeuse et attachante, ainsi que ses enquêtes divertissantes qui nous font visiter des petits coins de Bretagne en toute simplicité. Cerise sur la galette, l'énigme du roman se révèle passionnante, à la fois bien ficelée et conduite avec dynamisme.
Dans la deuxième enquête, Les Diamants de l'archiduc, Mary a pris du galon en rejoignant le commissariat de Quimper mais a juré de se tenir à carreau après ses débuts tumultueux. Elle croise au hasard de ses promenades un clochard goguenard qui va lui raconter en plusieurs épisodes les secrets du casse du siècle. La jeune femme est tenue en haleine et devient la dépositaire d'une confession aussi étonnante qu'invraisemblable. Notre héroïne prend une part moins active dans l'histoire mais la lecture n'en demeure pas moins plaisante, empreinte d'un charme désuet et enveloppée de bon air iodé. On devine pas loin le goût du cidre, du beurre salé et des galettes !
Une jolie série sans prétention, dégustée sur la route des vacances.
France Loisirs, coll. Piment noir / Avril 2016
Le Commissaire Bordelli, de Marco Vichi
Encore une découverte italienne avec ce roman de Marco Vichi dont la jolie couverture colorée annonce une rencontre attrayante et pleine de charme ! L'histoire nous plonge en plein été 1963 dans la ville de Florence. Le commissaire Bordelli se rend dans une somptueuse villa où une vieille dame est morte, étouffée par une violente crise d'asthme. Le policier émet cependant quelques réserves et obtient de l'autopsie la preuve d'un meurtre commis dans les règles de l'art. Il ne faudrait cependant pas s'attendre à une enquête fracassante, car notre commissaire est du genre débonnaire et mélancolique, souvent plongé dans ses souvenirs, préférant s'imprégner du crime avant d'en découdre les ficelles. Reposante, décalée avec son époque, la lecture possède cette désuétude délicate et attachante, piochant sans faillir dans les combines du cozy mystery pour nous envelopper dans sa bulle. L'intrigue s'applique à rassembler les indices et les suspects, puis à décortiquer les motivations et les mobiles de tous. Il y a très peu d'action, mais on ne s'ennuie pas car on se laisse porter par le mouvement nonchalant et l'ambiance chaleureuse et dépaysante. Les personnages aussi nous réservent leur part de mystères et de douces excentricités - entre Diotivede, le médecin légiste ; Dante, l'inventeur fou et génial ; Botta, le cambrioleur converti en cuisinier ; Rodrigo, le cousin effrayé par l'amour et Rosa, la prostituée au grand cœur. Bordelli lui-même n'est pas loin d'être le produit hybride du couple Maigret / Adamsberg ! Solitaire et désabusé, gourmand et bon vivant, notre homme file au volant de sa Coccinelle en ne laissant rien paraître de ses tourments personnels. La suite de ses aventures promet donc un rayonnement de bonheur littéraire à picorer pour son bon plaisir.
Traduit de l'italien par Nathalie Bauer (Il commissario Bordelli) pour les éditions Philippe Rey
Repris en poche chez 10x18 / Mars 2016