Juste une ombre, de Karine Giébel
Cloé Beauchamp ne connaît pas l'échec : à trente-sept ans, elle est à deux doigts de décrocher le poste de directrice générale d'une agence de publicité et file le parfait amour avec le beau Bertrand. Brillante et ambitieuse, elle ne doute de rien. Pourtant, depuis quelques semaines, rien ne va plus dans sa vie parfaite.
La jeune femme est en effet persuadée d'être traquée par un individu mais ne parvient pas à convaincre son entourage ni la police de cette probabilité. Et à force de vouloir leur bourrer le mou, elle passe pour une folle. Pire, on la sent sur la corde raide, victime de surmenage et sensible aux hallucinations. En fragile équilibre sur une pente glissante.
Ainsi, tout ce qu'elle avait réussi à construire est en train de se casser la figure (boulot, amour, amitié, famille). Rien ne va plus dans la vie de Cloé, au bord de la crise de nerfs. Quand, enfin, elle décroche l'attention d'un flic, elle soupire d'aise et compte se servir de lui pour prouver à tous qu'elle n'est pas dingue. Or, Alexandre Gomez n'est pas un flic ordinaire.
Mis sur la touche après une bavure, le type, qui ne surmonte pas son récent veuvage, est en train de partir en roue libre. Il est grossier et odieux, n'est pas tendre avec Cloé, n'éprouve aucune compassion pour elle et la trouve insupportable. Il s'accorde néanmoins à reconnaître l'existence d'un détraqué qui la harcèle à l'insu de tous.
Soulagement général ? Que nenni.
L'histoire continue de prendre un plaisir sadique à brouiller les pistes et à nous faire croire tout et n'importe quoi. C'est très perturbant. On partage le désarroi de l'héroïne, sans trop savoir sur quel pied danser. On ne s'apitoie pas trop sur son sort non plus, car Cloé n'est pas du tout attachante, même si on trouve sa situation vachement tordue à vivre. De toute manière, la frontière entre le vrai, l'acquis et le fantasme est hyper mince. On croit détenir un bout de la vérité, et bam c'est l'impasse.
Cette lecture est juste diabolique, elle se joue du lecteur sur toute la ligne, elle est à la fois pesante, longue, lourde et frustrante. Par contre, elle est remarquable de rouerie. La fin, clairement, déchire tout. C'est bluffant jusqu'au point final. Et ça rattrape tous les défauts mineurs du roman. Chapeau.
Texte lu par Nathalie Spitzer en exclusivité pour Audible (durée : 15h 08) / Août 2016
2012 Univers Poche (P)2016 Audible FR
Sirius, Le Chien Qui Fit Trembler Le IIIe Reich, de Jonathan Crown
Ce roman ressemble à une farce sans en être une ! L'histoire raconte le parcours sensationnel d'un jeune fox-terrier depuis les rues de Berlin jusqu'aux studios hollywoodiens où notre animal à quatre pattes va devenir la nouvelle gloire montante du cinéma. Compagnon d'une famille allemande juive, les Liliencron, contrainte à l'exil avec la montée du nazisme et des persécutions antisémites, Sirius va également traverser l'Atlantique pour aller à la rencontre de son destin. Ce chien exceptionnel, qui comprend les humains et parvient à communiquer avec eux à sa façon, fait grand bruit et séduit les agents, les producteurs et même des stars comme Clark Gable, Carole Lombard, Humphrey Bogard ou Rita Hayworth. La carrière de Sirius atteint des sommets étourdissants. Mais son aventure ne s'arrête pas qu'au monde des paillettes, puisque notre toutou va malencontreusement être l'objet d'un cafouillage lors d'un numéro de cirque et être expédié sur un paquebot à destination de l'Europe. Retour à la case départ. Sirius rentre à Berlin, côtoie des dignitaires nazis et se trouve aux premières loges au moment où ces derniers élaborent leurs stratégies militaires. Il n'en faut pas davantage à notre prodigieux clébard pour partager les informations en envoyant des messages codés à Londres ! Cette histoire totalement improbable ne nous arrache pourtant pas des cris de révolte car il se dégage de l'ensemble une sensation grisante et primesautière qui rend la lecture entraînante, fraîche et enlevée. Les aventures rocambolesques de Sirius procurent autant d'enchantement que d'incrédulité, sans compter qu'au farfelu se mêlent aussi des anecdotes historiques véridiques qui vous replantent le décor en deux temps trois mouvements. C'est une lecture sans prétention, qui se découvre juste pour le plaisir d'un bon moment partagé et qui vous laisse une franche sensation grisante. Nicolas Justamon accorde son interprétation au vent de folie qui souffle sur le roman et rend du mieux qu'il peut son ambiance grand-guignolesque sans jamais forcer le trait. Très agréable, simple et joyeux.
Texte interprété par Nicolas Justamon pour Sixtrid (durée : 6h 23) - Juin 2016
Traduit de l'allemand par Corinna Gepner pour les éditions Presses de la Cité