Dix minutes par jour, de Chiara Gamberale
Chiara vient de se faire plaquer par téléphone, son mari parti en Irlande a fait la rencontre d'une jolie rousse pour laquelle il n'hésite pas à mettre fin à dix-huit années de bonheur conjugal. Dans la même foulée, Chiara se voit retirer sa chronique hebdomadaire pour un grand journal, qui lui préfère la dernière gagnante du jeu de téléréalité. Coincée dans une maison qu'elle a choisie par dépit, toujours pour satisfaire aux exigences de son époux, mais où elle a beaucoup de mal à se familiariser, chagrinée d'avoir tiré un trait sur son royaume de l'enfance, loin de sa famille et de ses amis, Chiara est seule chez elle, persuadée de n'être plus capable d'écrire, elle sombre alors en pleine déprime. En consultant son docteur, celui-ci lui suggère une nouvelle thérapie originale : consacrer dix minutes chaque jour à faire quelque chose qu'elle n'a encore jamais fait. Son histoire commence le 3 décembre, elle a un mois pour se sortir la tête de l'eau. J'avais naïvement imaginé une lecture proche de la comédie enlevée, rigolote et légère. Taratata. Au lieu de ça, l'histoire est beaucoup plus introspective et intellectualise le deuil amoureux, la rupture sentimentale et la vie de couple. Chiara Gamberale évoque aussi l'estime de soi et remet en question son existence et ses choix de vie après son tsunami émotionnel. Et donc, propose un petit bouquin plus proche du développement personnel avec des idées pertinentes sur l'art et la manière de se sentir mieux dans sa peau. C'est sans prise de tête, sans prétention. Un joli portrait de femme qui assume ses erreurs et qui tente de trouver un nouveau sens à sa vie, au-delà de sa relation (dysfonctionnelle) avec son compagnon qu'on rêve de tarter toutes les cinq minutes...
Traduit de l'italien par Elise Gruau pour les éditions Michel Lafon (2015)
Repris en poche chez Pocket, avril 2016
Le Coma des Mortels, de Maxime Chattam
Pierre, trente ans, est atteint d'une terrible malédiction : quiconque l'approche finit par mourir tragiquement. Devant le corps d'une jeune femme, retrouvée morte dans son appartement, et face à des enquêteurs circonspects, le type se lance dans une longue justification en racontant son histoire... à rebours.
Qui est-il ? Que cherche-t-il ? Que fait-il dans la vie (à part ramasser les crottes des animaux du zoo de Vincennes) ? Comment et pourquoi son existence est en train de basculer dans une spirale infernale où la folie douce semble y faire son nid en toute quiétude ?
Maxime Chattam sort de son registre habituel pour livrer une histoire pour le moins sinistre et déprimante. Le narrateur - Pierre - est un type aussi cynique que désabusé, du coup sa confession oscille facilement entre l'amertume et le désespoir, tout en épinglant ci et là les travers de notre société, à grand renfort de pointes sarcastiques.
Je n'ai pas été totalement conquise par cet essai - d'abord, le type verse facilement dans l'atermoiement mais ne suscite guère d'empathie. Son parcours relève ensuite d'une longue série de rencontres excentriques et farfelues - une amoureuse qui collectionne les suicides, une collègue qui confond littérature et sexualité, un psy psychopathe qui ne cesse de le harceler, un vieux bonhomme qui possède le don de retrouver des objets perdus... Lui-même joue à la pêche téléphonique, en composant des numéros au hasard dans le but de discuter avec des anonymes.
Bref. On sait que Pierre a renoncé à ses amis, à sa famille. Il se dit mortifié par sa malédiction, dépossédé de son destin, mais cherche un sauf-conduit pour échapper à cette terrible fatalité. Sa vie est clairement insipide, solitaire et affligeante. Et lire ou écouter son histoire s'avère une expérience tétanisante, même si elle n'est pas aussi traumatisante qu'avec Que ta volonté soit faite.
On y trouve du sexe, du sang, du sordide, de l'humour noir, de la mélancolie, du suspense, de l'émotion, de l'ironie... Un beau patchwork bariolé, qui vous file aussi une étrange sensation de malaise. Paradoxalement ce grand déballage a su m'accrocher jusqu'au bout. Envie de connaître le fin mot de l'histoire, curiosité malsaine, agacement grandissant pour le personnage central etc. Mea culpa.
On nous vend du David Lynch (oui... pour les tableaux à base de mouches mortes) et un soupçon d'Amélie Poulain sous LSD. L'échappée est certes singulière et conduite avec maestria, mais je n'ai pas trouvé ce roman à la hauteur de mes attentes. Vivement la fin d'année pour plonger enfin dans le dénouement de la série Autre-Monde ! Hâte. ☺
Texte lu par Damien Ferrette pour Audiolib (durée : 9h 11) / Août 2016