Chaque soir à 11 heures, de Malika Ferdjoukh
Réédition du roman de Malika Ferdjoukh, cinq ans après sa parution, avec une nouvelle couverture aux teintes crépusculaires qui rappelle implicitement la très belle adaptation en BD par Camille Benyamina & Eddy Simon.
Lire un roman de Malika Ferdjoukh, c'est l'assurance d'une élégance de style, de personnages excentriques et attachants, d'un univers qui vous coupe de votre réalité et vous fait basculer dans une bulle réconfortante. C'est un rendez-vous doux, chaleureux et lénifiant. Alors, n'hésitez pas à vous glisser sous la couette en buvant, comme l'héroïne, du café au lait pour savourer comme il faut cette lecture.
Willa est heureuse de sa vie, entre un père adolescent dans l'âme et une mère débordée qui papillonne dans l'univers des Miss, la demoiselle a trouvé un juste équilibre. Sa meilleure amie Fran, qui vit dans un palace, est une nana attachante, fantasque et épuisante à vouloir toujours tirer la couverture à elle, à multiplier les frasques pour obtenir qu'on l'aime exclusivement, etc. Mais impossible de lui en vouloir. Willa est aussi folle amoureuse de son frère, Iago, qui n'a d'yeux que pour elle alors qu'il pourrait conquérir la planète entière. Pourtant, leur belle idylle est en perte de vitesse, Willa ignore pourquoi, son galant se montre distant et invente des prétextes pour la tenir à l'écart. Le petit cœur mou de notre héroïne ne peut en supporter davantage. Un après-midi de déprime, elle accepte l'invitation d'un spécimen rare, rencontré lors de l'anniversaire de Fran. Edern Fils-Alberne lui propose très honorablement de former un duo avec sa jeune frangine Marni, également passionnée de musique, hélas privée de son art depuis la mort de leur mère. Charmée par les lieux, Willa succombe et accepte de “chabadabada” avec Marni et sa collection de matous. Lassée d'être devenue une quantité négligeable aux yeux des Hilbert, Willa se fond dans le cocon douillet de ses nouveaux amis mais ignore encore que la grande demeure familiale, Fausse-Malice, renferme de lourds et poignants secrets. En attendant, la vie autour d'elle continue de tourbillonner sans fin, de l'interpeller, de l'inquiéter, de lui donner des bleus à l'âme. Willa souvent se sent épiée, puis manque de peu d'être envoyée ad patres.
Quelle angoisse, quelle ambiance. Quelle réussite aussi. Je trouve toujours savoureux de plonger dans une histoire au scénario solide et qui baigne aussi dans un contexte soucieux des détails et des apparences. Cela conforte mon sentiment de bulle hors du temps, quand on plonge son nez dans le bouquin, on ressent un étourdissement dès qu'on relève la tête une seconde. On se comprend, j'espère. Car les romans de Malika Ferdjoukh produisent sur moi cet effet infaillible. Et j'adore ça. De toute façon, je me sens en territoire familier dans ses livres. Leur ambiance old school et fantaisiste renvoie aussi à des univers très marqués, comme les films hollywoodiens de l'âge d'or (années 40-50), ou des romans fantastiques un peu désuets (The Ghost and Mrs. Muir ♥) qui correspondent totalement à mes goûts. À partir de là, je nage dans le bonheur ! ☺
Une pure lecture d'ambiance, énigmatique et foisonnante, au charme éthéré, à la plume enchanteresse, aux références glissées en douce et au suspense parfaitement troussé. Un rendez-vous sous la lune et sur les toits de Paris... tellement excitant !
Flammarion Jeunesse / Octobre 2016 pour la présente édition
image de couverture : Studio Flammarion jeunesse
Suis-moi Sophia !, de Fleur Hitchcock
Lourde responsabilité que de porter le même patronyme qu'un certain Alfred ! ... Cela a suffi pour embrouiller mon esprit. J'avais imaginé une histoire moins contemporaine et au ton faussement compassé, mais au final c'est une lecture affolante d'humour et d'aventures dont il est ici question. Une fois ce fait établi, j'ai pris plaisir à poursuivre la découverte.
Grande dévoreuse de livres, Lottie cherche à échapper à une existence plate et ennuyeuse, dans une famille qui ne cesse de la désespérér. Ses parents ne font rien comme tout le monde, ils se passionnent pour les plantes, les insectes, font des collections insolites et amassent un bric-à-brac dans leur maison peu reluisante. Lottie en a tellement honte qu'elle n'a jamais osé inviter une camarade chez elle ! Aussi, le jour où leur nouveau voisin débarque avec sa fille Sophia, qui se rend au même camp de vacances, Lottie redoute que celle-ci colporte de folles rumeurs à son sujet. Que nenni. Sophia affiche rapidement une certaine complicité et va même l'entraîner dans sa fugue ! La jeune fille se plaint d'avoir un beau-père tyrannique qui l'empêche de voir sa mère, une célèbre chanteuse en tournée à travers le monde. Elle a donc décidé de la retrouver coûte que coûte. Naturellement, les fables de Sophia ont trouvé chez Lottie un public de choix car la jeune fille croit enfin vivre pour de vrai les mêmes aventures romanesques qu'elle bouquine à longueur de journée. Seulement, il n'était écrit nulle part que son destin d'héroïne passerait aussi par une série de péripéties rocambolesques et frisant le danger de mort à maintes reprises...
Du rythme, des cascades, du cran, de l'amitié, des rêves, de l'espérance, c'est tout un programme que nous vend ce petit roman, dont j'ai beaucoup aimé la dynamique du récit, son humour et son héroïne qui vit sa vie à travers ses lectures. L'histoire n'est peut-être pas follement surprenante, mais elle questionne aussi sur les faux-semblants et l'imagination débordante, en plus de dégager une énergie positive et spontanée. C'est définitivement une chouette rencontre. ☺
Traduit par Catherine Guillet pour les éditions Flammarion Jeunesse / Août 2016
Titre original : Saving Sophia
Illustration de couverture : Jim Field