Pile ou Face : Cavale au Bout du Monde, de Hope Larson & Rebecca Mock
♪♫ Tiens bon la vague et tiens bon le vent ... Hissez haut ! ♫♪
Sans nouvelle de leur père adoptif depuis des mois, Alexandre et Cléopâtre, des jumeaux de 12 ans, ont pensé rejoindre le gang du Crochet Noir pour survivre dans la jungle new-yorkaise, mais leur dernier larcin a tourné court et conduit le frère et la sœur au poste de police. Menacés d'être envoyés dans un centre de redressement pour mineurs, Alex et Cléo supplient la clémence de leur bourreau et acceptent de livrer la cachette du gang, trahissant ainsi un pacte inaliénable. Les enfants espèrent en échange quitter la ville au plus vite pour échapper aux représailles. Ils ont repéré dans le journal une annonce alléchante - un homme vivant à San Francisco recherche ses deux garçons perdus de vue depuis cinq ans. Les jumeaux mettent au point un plan pour duper l'individu et prétendre être ses fistons, mais en traînant sur les quais pour embarquer clandestinement à bord d'un bateau, Cléo et Alex démasquent deux autres frangins ayant eu la même idée qu'eux. Grosse bagarre générale. Retour à la case prison. Après quoi, les duos sont inversés. Alex et Edwin d'un côté, Cléo et Silas de l'autre. À eux quatre, la suite de l'aventure promet monts et merveilles. La narration enchâssée réserve naturellement de belles surprises et autres retournements de situations très appréciables. On suit nos loustics dans des péripéties tumultueuses, mêlant danger, suspense, amour, amitié, vie et mort. La dynamique du récit étant enlevée, la lecture n'en est que plus palpitante. De plus, l'ambiance et le décor des années 1860 invitent au voyage et à l'évasion, entre exotisme et piraterie, carte au trésor et poursuite infernale, épisodes en mer et courses folles dans la jungle, rencontres avec des autochtones et retrouvailles poignantes. Bref. Plus qu'une modeste entrée en matière, c'est tout bonnement passionnant ! Une bd de 224 pages au format souple très agréable à parcourir. Une belle surprise.
Rue de Sèvres - septembre 2016
Trad. de Fanny Soubiran [Compass South]
Bonne Continuation, d'Olivier Tallec
Olivier, il faut qu'on cause ! Cette tendance crapuleuse à épingler les travers de nos petites vies est tout bonnement... jouissive ! Sur ce, je dénonce : un ton mordant, parfois méchant et ironique, flirtant aussi avec un humour noir et morbide, hmmm, ça sent l'insubordination à plein nez. Et ça me plaît. Lire Olivier Tallec dans un univers aussi décalé et cinglant, oui ça a du bon.
Après avoir signé ses premiers méfaits en nous souhaitant une Bonne journée, l'auteur récidive dans cet exercice du dessin humoristique particulièrement féroce avec une nouvelle série de tableaux qui brassent des thèmes, des symboles et des époques sans fil conducteur mais où la dérision domine le monde. Les cadeaux de Noël, la garde alternée, la mode, le paraître, les rencontres amoureuses, l'incompréhension au sein du couple, la cigarette, la sexualité, les licornes, le safari, les penchants SM, les cornes, le plug anal, les très flippantes moaï (ces célèbres statues de l'île de Pâques), les vaches normandes, les mille-pattes, les ours polaires, les chauve-souris, les oies, mais aussi l'écologie, le réchauffement climatique, le foie gras, la frénésie médiatique, et j'en passe ! Tout est sujet à moquerie, surtout quand c'est aussi bien appréhendé, d'un simple tacle subtil et hardi.
Il y a du Voutch dans l'art de tailler des portraits aussi incisifs, selon une base de dessin au pastel, mais la tendresse particulière au papa de Grand Loup et Rita & Machin, qui assume ici un rôle à contre-emploi de son registre habituel, rend le contraste réjouissant. Il sort plus d'une fois de sa zone de confort, avec notamment des scènes bien gore, bien sanglantes, qui figurent aussi parmi les meilleures séquences de lecture (honte, moi ? jamais !). De toute façon, j'aime cette facette irrévérencieuse du personnage, son caractère fripon qui se dévoile. Cette nouvelle lecture caustique confirme ainsi l'étendue du talent d'Olivier T. Applaudissements dans la salle.
Rue de Sèvres / Octobre 2016