Un Ours et Moi, et Moi, et Moi, de Carl Norac & Ingrid Godon
C'est un matin comme un autre pour Léo, qui souhaite une bonne journée à son reflet dans le miroir. Mais très vite, rien ne va comme il l'aurait voulu. Sa sœur boude, son amie ne veut pas jouer avec lui, le temps est pluvieux, la rivière sort de son lit, les arbres de la forêt sont déchaînés. Tout va vraiment de travers. C'est normal, se dit Léo, tout le monde est fâché contre lui.
Au détour de sa promenade, Léo croise un ours. Celui-ci scrute l'enfant avec curiosité et le suit jusqu'en ville. C'est la panique générale, les voitures, les gens, la police... tous sont fâchés contre Léo, soupire-t-il. Pour se consoler, il rentre dans l'épicerie et achète un pot de miel qu'il va partager avec son ami l'ours.
Tranquillement, sur leur banc, l'enfant et l'animal se régalent et font fi de l'agitation qui les entoure. Au bout d'un moment, l'ours fait signe de partir pour rentrer chez lui. Le calme, soudain, retombe en ville. Plus personne n'est fâché contre Léo. Le voilà satisfait de cette marque d'attention qu'il considère comme des excuses.
Un album original, qui évoque l'image de soi & le rapport aux autres, le sentiment de culpabilité, la bouderie & le manque de recul, tout ça sur fond de rencontre improbable avec un ours à la bonne bouille sympathique. La tendresse de Carl Norac se lie délicatement avec l'univers graphique d'Ingrid Godon, très suggestif.
L'école des Loisirs / Pastel - Octobre 2016
Dis-moi, maman! de Charlotte Zolotow & illustré par Charlotte Voake
Une mère et sa fille se promènent, main dans la main, par une belle journée d'automne. Le vent souffle, faisant gonfler les feuilles en un tourbillon de couleurs, confinant aussi le duo dans une bulle. Mère et fille rentrent à la maison et prennent le temps d'admirer le paysage, de caresser les animaux, de cueillir des fleurs des champs, de respirer le bon air et d'anticiper la chaleur d'un feu de cheminée.
Le temps coule tranquillement et renvoie à une sensation de bien-être. Les nuages passent du gris au mauve, l'eau bouillonne dans le ruisseau, les pas font un léger frou-frou sur les feuilles mortes. La fillette s'émerveille des décors et du bonheur d'être toutes les deux, mais elle guette aussi les paroles de sa maman. Elle attend avec fébrilité ces petits mots doux qui la rassurent tant et tant, sans se douter que sa mère n'arrête pas de lui manifester et de lui dire son amour de façon très implicite mais sincère.
Quelle magnifique promenade ! La lecture inspire tendresse, bonheur et quiétude, avec ce sentiment de cocon douillet au cœur d'un paysage automnal de toute beauté. Dans cette histoire, l'auteur évoque les mille façons d'exprimer son amour sans avoir forcément recours aux trois mots magiques. C'est raconté avec poésie, pudeur et authenticité. Un album admirable.
Gallimard Jeunesse - septembre 2016 / Trad. par Marie Ollier
Les Groneuneux, de Michaël Escoffier & Julia Weber
Qui sont les Groneuneux ? Les habitants de la planète Grobix. Leur conception de la vie au contact de la nature ? Vivre parmi les déchets, les sacs plastiques, les arbres morts et les nuages toxiques. Hello, hello. Welcome to the future.
Les enfants Groneuneux sont étonnants : ils mangent du caca et des crottes de nez, ils passent leur temps à jouer avec des cailloux, ils vont à l'école pour répéter les erreurs de leurs parents et parfois ils se rendent au zoo pour découvrir des animaux qui n'existent plus à l'état sauvage. Forcément, le soir, ils s'endorment en bavant, et oublient d'éteindre la lumière.
Dès que l'occasion se présente, les Groneuneux aiment partir en vacances et visitent d'autres planètes, ils savourent ainsi les joies des embouteillages, de la pollution, des plages grouillantes de touristes, et des eaux boueuses où flottent les poubelles de tout le monde. Que de réjouissances.
Appel à la conscience écologique ! Michaël Escoffier & Julia Weber n'y vont pas avec le dos de la cuiller en proposant cet album très ironique qui raconte grosso modo le devenir de notre planète si l'on n'y prête pas attention. Nous sommes tous des Groneuneux, pas très intelligents, mais pas non plus complètement fous, résidant sur une planète où il fait bon vivre, tout en étant nostalgiques d'une époque ! À qui la faute ?
Cette lecture piquera l'intérêt des enfants sur les gaspillages qui les entourent, sur les petits gestes du quotidien à surveiller et sur les nouvelles habitudes à adopter. Un album dont l'humour mordant peut faire des émules. Think green. ☺
Frimousse - septembre 2016
Chien des villes, par Alexandra Garibal & Fred Benaglia
Chien Rouge vit dans la rue. Chien abandonné, il est rouge de colère, rouge brûlure, rouge sang. Il ne connaît de la vie que la bagarre, les coups, la faim, la solitude, la haine. Un jour, pourtant, une petite fille le fixe avec gentillesse. Elle a pour lui des mots doux, des gestes délicats, des paroles aimantes. Pour le chien, cette sérénade n'est qu'une mascarade. Il ignore superbement l'enfant, même s'il s'habitue à ses allées et venues.
Lorsque la fillette ne réapparaît plus dans son sillage, le chien sent que sa présence lui manque. Il n'a plus le goût des rixes ni de l'isolement, mais a pour nouveau défi de quitter la ville, de s'éloigner de sa vie de misère et de gambader dans la campagne pour retrouver sa nouvelle amie.
Voilà une lecture touchante, très puissante. Son subtil jeu des couleurs souligne le drame de l'abandon, puis le pouvoir de l'amitié. Il se saisit aussi de la nuance du rouge, pas forcément synonyme de colère ou de passion meurtrie, mais couleur de la vie, de l'amour ! Un album intelligent & d'une grande sensibilité.
Gallimard Jeunesse - septembre 2016