Soul Breakers, de Christophe Lambert
Touchée par la crise économique, la famille Gentliz a rassemblé ses maigres biens pour rejoindre la Californie et démarrer une nouvelle vie. Alors qu'ils campent en plein désert de l'Arizona, Teddy et sa petite sœur Amy sont fascinés par l'arrivée du cirque, sachant pourtant qu'ils n'auront pas le droit d'assister au spectacle car ils sont fauchés. Ils se débrouillent pourtant pour décrocher des billets gratuits et en prennent plein les yeux devant les numéros de la diseuse de bonne aventure ou celui des marionnettes.
Et puis, tout dérape. Le maestro de la troupe, un certain Sirius Huntington, autrement dit l'homme en noir, va jeter un sort sur la fillette de six ans. Après quoi, Amy n'est plus que l'ombre d'elle-même, plongée dans un état catatonique, muette et amorphe. Teddy assure à son père que c'est la faute des forains, qu'ils ont volé l'âme de sa sœur et qu'il doit désormais les pourchasser s'ils veulent sauver l'enfant.
Avec son petit baluchon sous le bras, l'adolescent de quinze ans s'aventure courageusement sur les routes américaines et fait une première halte à Grover's Mills pour travailler dans les mines à cuivre. Là, il rencontre un aspirant écrivain sans le sou, Duca Moreno, qu'il ne va plus quitter de tout le voyage ! Ensemble, ils vont affronter bien des épreuves et des ennemis, tous envoyés par le mystérieux homme en noir.
Ils croiseront aussi un groupe de femmes esseulées, le Club des cœurs solitaires, parmi lesquelles la douce Mary Jane, une jolie muette qui s'exprime en griffonnant son carnet, et qui tape dans l'œil du garçon. Souvent confrontés à l'hostilité des habitants, comme à Coppertown, une petite ville repliée autour de son église et du révérend, ils progressent au gré du hasard, non sans une certaine défiance, déjouant les pièges in extremis, mais pas l'hôpital psychiatrique, dans lequel Teddy est enfermé de force pour y subir un traitement de choc.
J'ai pris énormément de plaisir à dévorer cette histoire hors du commun. Elle nous transporte dans des décors cinématographiques, en plein cœur de l'Amérique de la Grande Dépression, dans des milieux hostiles et rudimentaires. On parcourt la misère sociale et économique, tout en soutenant une traque infernale, qui ne manque pas de surprendre. En effet, l'homme en noir et sa complice exercent au centre une magie noire et une emprise maléfique en toute impunité, tissant ainsi leur toile pour servir leurs sombres desseins. Cette intrusion du fantastique a été pour moi inattendue, mais agréable, car cela a totalement bouleversé ma perception de cette lecture. J'ai été pleinement emballée, par la somme d'action et d'émotion au compteur, par les personnages et leurs péripéties toutes plus insensées et passionnantes. C'est une lecture à la fois magique, palpitante et géniale, qui nous raconte une histoire sur la famille, l'amitié et l'amour et qui nous emporte loin dans son sillage. La couverture est également très belle. Bref, un roman épatant. ☺
Bayard Jeunesse - Janvier 2017
Illustration de couverture : Raphaël Gauthey