25/02/17

Le Puits, par Iván Repila

LE PUITSAprès ma traumatisante expérience avec le roman de Kevin Brooks, cf. Captifs, j'ai récidivé sans le vouloir dans l'horreur, l'ignoble, l'inexplicable et l'énigmatique. Voici Le Puits, premier roman de l'auteur espagnol, Iván Repila. 120 pages d'une histoire incroyable, qui pèsent l'équivalent d'un pavé. Dur.
Deux frères, le Grand et le Petit, sont prisonniers au fond d'un puits, au milieu d'une forêt. On ignore comment ils ont atterri dans ce trou. Ils ont en leur possession un sac de victuailles donné par leur mère. Dedans, il y a une miche de pain, des tomates séchées, des figues et un morceau de fromage. Le Petit suggère d'y goûter, pour soulager sa crampe d'estomac et son ventre qui crie famine. Car les jours passent et les deux frères sont toujours coincés au fond du puits. Le Grand interdit formellement d'y toucher. À la place, ils se débrouilleront avec des racines, des fourmis, des lombrics. L'attente est longue, douloureuse. Et le flou autour est également tenace. Comment se sortir d'un tel guêpier ? Bientôt des loups s'approchent de leur fosse, alléchés par l'odeur du désespoir. Les frères tiennent bon. Il faut survivre. S'échapper. Fuir. Accomplir la mission.
Qui, que, quoi ? C'est la tête bourdonnante de questions qu'on avance dans ce bouquin. C'est court, c'est bref, mais c'est intense. Le style, surtout, surprend. L'écriture est lyrique et réaliste, étonnamment belle dans un contexte aussi sombre et hostile.

« La dernière traînée de soleil quitte le puits et décolore le monde, exacerbant leur lassitude de vivre ensemble. Comme lorsque la farce prend fin au beau milieu d'un songe et qu'on se réveille dans un mauvais film.
- Tu es encore tout chamboulé par la fièvre. Mange quelque chose et dors un peu. Ça ira mieux demain, dit le Grand, en s'allongeant.
Le Petit ne bouge pas.
- La rage, ça y est, je crois que je l'ai, dit-il.
- Non. Pas encore.
Le Petit lui lance un regard dépourvu d'amour et lui demande :
- Alors c'est quoi cette colère que je ressens à l'intérieur de moi ?
- Tu deviens un homme, répond le Grand. »

Une lecture perturbante et déroutante, dont l'empreinte va pourtant s'insinuer profondément dans mes souvenirs. Le Puits est un conte brutal. Une fable sur l'amour fraternel, la survie et la vengeance. “Une aventure sensationnelle” selon Zoé Valdés.

10x18 - mai 2016

Traduit de l'espagnol par Margot Nguyen Béraud pour les éditions Denoël [El niño que robó el caballo de Atila]

Préface de Zoé Valdés

Posté par clarabel76 à 18:30:00 - - Commentaires [5] - Permalien [#]
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Captifs, de Kevin Brooks

captifsLecteurs claustrophobes, passez votre chemin ! Ce roman, hautement perturbant, a le sombre dessein de vous entraîner dans une lente, lente descente en enfer.
Coincés dans un bunker souterrain, six individus croupissent dans un confort spartiate et à la merci d'un tortionnaire invisible. Les uns après les autres, ils ont été piégés, drogués, kidnappés pour être finalement conduits, via un ascenseur, dans cet espace criblé de caméras. Leur vie ne leur appartient plus. Linus, un adolescent de seize ans, livre dans son carnet leur calvaire. Les jours passent, les questions se bousculent, la folie guette, le désespoir monte en flèche. Autour d'eux, ce sont six chambres séparées, une salle de bains, une cuisine, une table avec des chaises pour tenir leurs conciliabules et une bible pour tuer le temps. Ils n'ont rien en commun, Jenny est une fillette de neuf ans, Anja une trentenaire un peu folle, Fred un toxico en manque, William Bird est rustre et violent, Russell Lansing un vieil homme malade. Ils sont terrés comme des rats, confrontés à eux-mêmes. Viennent les doutes, les tentations, les psychoses délirantes, les désillusions et les prises de conscience tardives. Sont-ils fichus ? Qui leur inflige ce supplice ? Pourquoi ? Ce sont autant d'interrogations qu'on se pose, tout en tournant les pages du bouquin. Le mieux à dire, c'est que la lecture est flippante et démoralisante. La violence ronge les parois de leur prison, la détresse suinte par les quelques failles du système, on se sent voyeur impuissant et témoin halluciné de cette exécution programmée. C'est l'histoire d'une lente agonie, d'une révolte, d'une condamnation sans explication, sans règle, sans torture. C'est l'histoire d'une tension psychologique implacable. Où le poids des mots est immense, l'attente insupportable et écrasante. J'étais complètement abrutie, à la fin. 

10x18 - Février 2017

Traduit par Marie Hermet pour Super 8 Éditions [The Bunker Diary]

Posté par clarabel76 à 18:00:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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