Schuss, de Boileau-Narcejac
Place à des émotions plus modérées, avec une lecture tout aussi captivante grâce au style efficace des duettistes Boileau et Narcejac, avec Schuss, roman préalablement édité en 1986 et remis au goût du jour en cette saison hivernale.
L'histoire nous plonge dans l'étonnante industrie du ski, avec le Combaz Torpedo censé révolutionner le genre, même si sa commercialisation peine à exploser suite à des tests cahotiques. Ces derniers sont en effet à l'épreuve d'accidents, de lettres anonymes, de menaces et de chantages. Une avalanche de catastrophes qui place Berthe Combaz, PDG de l'entreprise familiale, dans un désarroi profond. Ses assistants suivent tous l'affaire avec scrupulosité et s'inquiètent des conséquences pour leurs investissements. Georges Blancart, médecin du sport, galant attitré de Berthe, a cependant la tête ailleurs. Son obsession a vingt-deux ans, s'appelle Evelyne et est la fille de Berthe. Georges est penaud et incorrigible. Lorsque la jeune femme rompt avec son fiancé, se fâche avec sa mère, c'est naturellement qu'elle pose ses valises chez Georges. Notre homme savoure cette précieuse complicité, tout en constatant avec dépit la campagne auto-destructrice du Combaz rebaptisé Veloce. Le champion chargé de la démonstration a hélas fait une chute mortelle, déchaînant les gros titres des journaux qui se régalent du scandale en devenir. Le concepteur est forcé de revoir sa copie, tandis que Berthe embauche de nouveaux professionnels et convoque la presse pour enfoncer le clou. Tous retiennent leur souffle, alors que la situation vire à la débandade. Mère et fille s'opposent farouchement, l'héritage pèse dans la balance, Georges a le cœur pris en étau et avoue son impuissance à résoudre ce vaudeville aux accents tragiques sur pistes enneigées.
Que de suspense à la lecture de ce roman qui installe en 200 pages une tension dramatique qui produit l'effet attendu ! C'est d'une traite que j'ai parcouru le livre, curieuse et séduite par son cadre, ses personnages, son intrigue aussi. Celle-ci affiche évidemment un caractère désuet qui n'est pas pour me déplaire. C'est simple, vif et passionnant. Un roman à suspense digne de ce nom.
Collection Folio policier (n° 818)
Parution : 04-11-2016
La fin d'une imposture, de Kate O'Riordan
Je continue d'enchaîner les lectures perturbantes, de celles qui vous entraînent dans une spirale vertigineuse et vous inspirent un profond sentiment de malaise. Je demande donc le roman de Kate O'Riordan, La fin d'une imposture.
À la veille de Noël, alors qu'elle s'affaire en cuisine pour les derniers préparatifs du réveillon, Rosalie reçoit la visite de deux policiers venus lui annoncer la mort accidentelle de son fils Rob, actuellement en voyage en Thaïlande. Cette secousse sismique ouvre une faille profonde, dans laquelle toute la famille sombre en une chute lente, longue et douloureuse. Des mois après, la cellule familiale n'existe plus. Le couple est à couteaux tirés, leur fille est une adolescente désœuvrée qui songe à se suicider en clamant sa responsabilité dans la mort de son frère. Rosalie se sent impuissante, mais parvient à entraîner Maddie dans un groupe de parole où elle tombe sous le charme de Jed, un garçon sensible et charmant. Ne voulant pas décevoir sa fille, Rosalie accepte de l'inviter à la maison pour partager leurs repas et s'immiscer dans leur quotidien. Le temps passant, le jeune homme devient indispensable à leur famille. Rosalie se sent enfin apaisée, rassurée du bonheur de sa fille. D'ailleurs, elle aussi est séduite par Jed, dont la présence physique la trouble de plus en plus. Honteuse de ses rêves érotiques, elle n'ose se confesser à leur ami de longue date, le père Tom, qui tente de mettre en garde Rosalie contre l'influence croissante qu'exerce ce garçon dans leur vie.
Ô misère, cette lecture ! Quelle rouerie, quelle efficacité, quelle angoisse ! Le roman se dote d'un spécimen remarquable en matière de pervers narcissique redoutable. Son rôle perfide nous saute pourtant aux yeux mais son emprise est hélas totale et nous prend dans ses filets sans la moindre résistance. C'est sidérant. On voit venir le drame, le piège et le point de non-retour avec une force implacable, mais on subit le choc avec abrutissement. J'avais beau grommeler contre les personnages, contre le scénario, contre l'ingéniosité de l'auteur... j'ai tout gobé en écarquillant les yeux et étourdie d'horreur, d'incompréhension et de révolte. Une lecture hyper dérangeante, mais fascinante dans son amorce doucereuse et tranquille.
Trad. de l'anglais (Irlande) par Laetitia Devaux [Penance]
Collection Folio policier (n° 823) - Janvier 2017