Bilan du mois : Février 2017 ♪♫•*¨*•...•*¨*•♫♪
Les Bonnes Lectures du Mois !
Scarlett Epstein rate sa vie, d'Anna Breslaw
#Reine du lycée, de Lele Pons & Melissa de la Cruz
Le grand roman de ma petite vie (Bouge tes fesses !), de Susie Morgenstern
Soul Breakers, de Christophe Lambert
Alive, de Scott Sigler
La Boutique Vif-Argent, de P.D. Baccalario
Le garçon qui nageait avec les piranhas, de David Almond
Lucile Finemouche et le Balafré, de Juliette Valléry, Annabelle Fati & Yomgui Dumont
Surtensions, d'Olivier Norek
Sans feu ni lieu, de Fred Vargas
La fin d'une imposture, de Kate O'Riordan
Schuss, de Boileau-Narcejac
L'Amie prodigieuse / Le Nouveau nom, d'Elena Ferrante
Le monde n'a pas de fin, de Bilal Tanweer
Recueil de nouvelles ou roman, Le monde n’a pas de fin se lit comme une ode réaliste et sensible à la ville de Karachi.
Dans un bus qui mène du centre-ville à la mer, des hommes, des femmes, des adolescents se croisent en évoquant leur histoire. Élève démissionnaire, lassé des disputes et des coups, père absent, qui abandonne lâchement le foyer pour suivre sa passion, poète excentrique et loufoque, caïd amoureux ou diseur de mauvaise aventure... Tous ont en commun d'être témoin ou victime d'un énième attentat à la bombe, en plein cœur de la ville. Une violence routinière qui hélas ne les laisse pas de glace non plus. Un journaliste se rend aux urgences pour constater les dégâts, une mère crie sa rage et sa douleur, des médecins revendiquent leur impuissance. Ce sont des fragments de vie poignants, déchirants et vrais. On les parcourt au fil des chapitres et on les recoupe les uns aux autres pour former un ensemble désarmant. La plume est cependant légère, tendre et acerbe. Elle répand au mieux sa vision d'une ville meurtrie, touchée par l'islamisation forcenée et le terrorisme aveugle. Le roman a un effet coup de poing assumé, son style vif et concentré ne laisse guère le temps de nous apitoyer. Mais l'auteur dépasse également la résignation en racontant sa ville martyre qui lutte pour survivre avec sa population qui continue de tomber amoureuse, d'étudier, de rêver, de flâner au bord de la mer, de multiplier les combines, de réciter des poèmes et d'écouter ses légendes. “Oui, cette ville était mystérieuse et bruyante. Mais il fallait en assembler les morceaux.”
Un roman aux couleurs multiples et aux allures biscornues, qui s'apprivoise en douceur et qui s'apprécie dans la durée. L'ambiance, le cadre, les messages sont vivifiants malgré l'horreur décrite.
« Tu as déjà vu l'impact d'une balle sur un pare-brise ? À partir du trou central s'étend une toile nette et précise saturée de minuscules cristaux. C'est une parfaite métaphore de mon monde, de ma ville : disloquée, belle, née d'une violence inouïe. »
Trad. de l'anglais (Pakistan) par Emmanuelle Aronson et Philippe Aronson [The Scatter Here is Too Great]
Collection Folio (n° 6227)
Parution : Décembre 2016
Un fils en or, de Shilpi Somaya Gowda
Anil vit à Panchanagar, près de la frontière pakistanaise, et suit de brillantes études de médecine, avant de partir aux Etats-Unis pour suivre son internat dans un hôpital universitaire au Texas. C'est le cœur rempli d'espoir, fort de la fierté des siens, qu'il s'envole avant de se heurter au choc des cultures et à la découverte d'une médecine plus technique, très éloignée de ses habitudes. Anil a beaucoup de difficultés pour s'adapter, mais n'ose rien dire à ses proches pour ne pas les décevoir.
Au pays, son amie d'enfance Leena, fille du métayer de son père, vient de se marier à un inconnu, Girish, après de longues tractations entre les familles, comme l'exige la coutume. Leena est belle et gracieuse, mais possède de modestes revenus. C'est donc la douche froide pour la jeune femme, qui va découvrir une belle-famille tyrannique et violente, dont elle deviendra vite le souffre-douleur.
De retour en Inde, pour pleurer la mort de son père, Anil doit également endosser de nouvelles responsabilités, comme tenir les conseils du village et prendre des décisions qui le dépassent. Le jeune homme étouffe parmi toutes ces attentes et constate avec dépit qu'il ne sent ni heureux chez lui ni en Amérique. Ce constat d'échec est un poids mort qu'il porte en silence, par orgueil ou par faiblesse.
J'ai été agréablement surprise par ce roman qui concentre l'influence des familles, le fardeau des traditions ancestrales, le drame des mariages arrangés, les silences amers, les mensonges et les culpabilités qui bouleversent toute une vie. C'est une lecture qui renvoie une image poignante de la condition des femmes et de cette impossibilité de choisir librement sa destinée. L'histoire aborde d'ailleurs ces “accidents” domestiques, où des épouses sont brûlées grièvement par leurs saris qui prennent feu “malencontreusement”. Une réalité qui fait toujours froid dans le dos.
De son côté, Anil est un personnage prisonnier de son rôle d'aîné de la fratrie (son mariage peut permettre aux suivants de se marier, etc.). On sent très vite qu'il n'est pas apte à assumer autant de charges et qu'il n'est pas prêt pour devenir le chef de famille. Il a conscience de tromper les siens, il n'est pas aussi brillant que tous l'espéraient, seulement il n'ose pas leur avouer la vérité. Et ce sentiment de tromperie le ronge et le rend de plus en plus amer.
Ce n'est pas un roman chatoyant, épicé et sensuel, comme j'ai souvent eu l'habitude de lire chez les auteurs indiens, mais c'est un roman qui ne laisse pas insensible, qui vous entraîne dans son rythme et vous invite à écouter son histoire. Une fois les premières pages ouvertes, vous vous surprenez à parcourir le reste très rapidement. L'évasion est inattendue, mais portée par un vrai souffle romanesque, une sincérité et une tendresse dans les personnages et leurs démons internes.
Trad. de l'anglais (Inde) par Josette Chicheportiche [The Golden Son]
Collection Folio (n° 6234)
Parution : Janvier 2017