Ma vie amoureuse en 16 garçons, de Stephanie Kate Strohm
Peu avant le bal de fin d'année, Avery Dennis se fait plaquer par son petit copain en public. C'est la rupture de trop. Aussitôt, la jeune fille décide de faire le point sur sa vie sentimentale en interviewant ses anciennes conquêtes pour comprendre ce qui cloche chez elle. Car Avery a tout pour plaire - elle est belle, blonde, solaire. C'est la nana la plus populaire de l'école et tous les garçons bavent sur son passage. Alors pourquoi toutes ses histoires finissent sur une rupture ? Commence ainsi une enquête pour le moins farfelue et déjantée, mais au résultat étonnamment drôle et réjouissant ! En effet, et contre toute attente, Avery se révèle une fille intelligente, loin d'être superficielle ou vaine. C'est en rembobinant son parcours amoureux qu'elle réalise ainsi ses erreurs (de jeunesse), son empressement, sa vanité ou sa légèreté. Pour elle, collectionner les petits copains tenait de l'objectif à accomplir. Oubliez tout ça, aujourd'hui elle est vaccinée. Elle dit non aux garçons, veut boycotter le bal de fin d'année et cherche à révolutionner cette fête censée incarner l'aboutissement d'une scolarité en apothéose. Au fil des chapitres, Avery apparaît plus forte, plus déterminée. Elle fait son autocritique et commente en aparté chaque intervention de ses ex (fait son mea culpa, rêve de vivre dans une grotte ou déplore ses choix). Sa meilleure amie Coco et son partenaire de sciences Hutch interviennent également dans cette rétrospective en complétant les témoignages avec humour, spontanéité ou candeur. Et c'est tout simplement drôle, frais, moderne et adorable. Cela se lit sans prétention, sans surprise, mais l'effet est charmant et irrésistible. Une pure comédie romantique qui donne le sourire. ♥♥♥
La Martinière J., 2017 - Trad. Rosalind Elland-Goldsmith [It's not me, it's you]
Un peu plus que des amis, de Michael Kun & Susan Mullen
Youhou... Voilà un roman totalement surprenant, qui nous embarque pour un petit voyage dans le passé, direction les années 80, et plus précisément 1982. Cath et Scott ont dix-huit ans. Ils sont voisins, amis d'enfance et ont grandi ensemble. Pour la première fois, cependant, leurs chemins vont se séparer. Cath part à l'université, tandis que Scott a loupé ses examens et doit travailler dans le magasin de prêt-à-porter de son père. Qu'importe, ces deux-là vont s'envoyer de longues lettres. Comme au bon vieux temps. Des lettres écrites à la main, sur du papier à en-tête, pour prolonger le lien et échanger leurs espoirs et leurs désillusions. Cath découvre à la fac une vie autrement plus intense, avec de nouveaux camarades, des cours stimulants et du travail harassant. Elle partage sa chambre avec une fille qui aime les pizzas nauséabondes et qui colle sur son mur un poster clamant “tiens bon”. De son côté, Scott tourne en rond dans leur petite ville et se sent dévalorisé d'être le seul à ne pas continuer ses études. Il va alors dépenser son énergie en créant son propre groupe de rock et en écrivant des chansons. À Wake Forest, Cath l'encourage de son mieux mais tombe au fond du trou en apprenant que ses parents se séparent. Scott va la soutenir, admonester son père de tous les noms, se rendre sur place et rendre la situation encore plus compliquée... car Scott a mis la tête et le cœur de sa coloc à l'envers ! Et ça continue de chipoter, de se plaindre, de se réconcilier, de décrire tout ce qui va ou ne va pas. Leur correspondance dessine ainsi une véritable relation de confiance et d'amitié, très profonde et d'une grande sensibilité. L'histoire est attachante et ordinaire, mais contient surtout un doux parfum de nostalgie qui donne envie de sourire. Les courriers de Scott et Cath parfois se croisent, créent des malentendus, les jours passent avant d'obtenir une réponse. C'était une époque moins centrée sur l'instantané, et plus tournée vers l'autre. Même pour écouter de la musique, on s'échangeait des cassettes ou on enregistrait ses morceaux préférés avec les moyens du bord (fond sonore souvent insolite). Cath et Scott s'enthousiasment pour Thriller de M. Jackson, découvrent Kate Bush ou Prince. En somme, c'est vintage, charmant et adorable. Un roman épistolaire sensible et émouvant, qui aborde des sujets toujours d'actualité, mais dont le dénouement hâtif laisse un peu sur la faim. Une lecture très sympa, néanmoins.☺
Casterman, 2017 - Trad. Hélène Borraz [We Are Still Tornadoes]
Flora Banks, de Emily Barr
Flora a dix-sept ans et souffre d'une amnésie antérograde. À l'âge de dix ans, Flora a été soignée pour une tumeur au cerveau, ayant aussi entraîné une altération de sa mémoire. Depuis, Flora n'est plus capable d'enregistrer ses nouveaux acquis. Tout s'efface au bout de deux heures. Pour ne pas perdre pied, Flora note tout dans son carnet de bord, colle des pense-bêtes partout dans la maison, écrit sur sa peau ce qu'elle doit se souvenir dans l'immédiat. Sa vie défile ainsi dans un brouillard qui ne se dissipe jamais, mais ses parents cherchent au mieux à la protéger. Seulement, le jour où ils apprennent que Jacob, son frère, est gravement malade à Paris, ils plient aussitôt bagage pour le retrouver, confiant leur fille aux bons soins de sa meilleure amie Paige, mais ignorent que les filles viennent de se fâcher à cause d'un garçon, et qu'ils abandonnent Flora à son triste sort. Seule, désœuvrée, paumée. Et pourtant, Flora est regonflée à bloc. Pour la première fois de sa vie, la jeune fille a enfin un souvenir - celui de son baiser échangé avec Drake, le petit copain de Paige, d'où la dispute. Et parce qu'elle n'envisage pas d'être loin de lui, Flora décide de le rejoindre au Spitzberg, une île isolée au large de la Norvège, où le garçon suit un programme d'études et se languit d'elle par mail. C'est aussi à ce moment de l'histoire que j'ai complètement décroché. Jusqu'alors, je me sentais en très bonne disposition - curieuse, émue, intriguée par les mimiques de Flora, à la découverte de son monde, évoluant dans sa bulle, farouchement décidée à avancer, prête à briser sa coquille et parcourir le monde. Quelle prouesse, quelle volonté chez une si jeune personne, soudain propulsée hors de son univers familier. C'en serait presque impressionnant, si ce n'était aussi peu vraisemblable. Et c'est justement cette absence de probabilité qui m'a rendue sceptique, entre le départ précipité des parents, le flou autour du frère, le fait de laisser Flora sur le carreau, j'ai été sincèrement choquée. Flora Banks est toutefois une héroïne attachante, on ressent au plus près ses émotions et sa détresse, on partage ses doutes et ses espoirs, on compatit aussi en découvrant toute son histoire. Son parcours est certes bouleversant et perturbant, mais débordant de sensibilité et de tendresse... Au-delà du vaste embrouillamini incohérent, la lecture est malgré tout poétique et charmante. Plaisante à découvrir.
Casterman, 2017 -Trad. Julie Sibony {The One Memory of Flora Banks}