Pêle-Mêle : Un gâteau comment ? - Disparais ! - Fritzi et la chaussure enragée
Le temps que papa passe un coup de fil important, Léonie doit surveiller son petit frère. À l'approche du goûter, celui-ci lui réclame un gâteau. La fillette lui répond « comment ? ». En fait, Léon a oublié de dire s'il te plaît, mais avant de le comprendre, il va s'arracher les cheveux pour obtenir de sa sœur son précieux gâteau au chocolat du paquet qui se trouve là, juste à côté. Le déroulement de l'histoire est tout simplement génial, rigolo et malicieux, on se sent complice de Léonie qui tient tête - avec raison - au jeune insolent. Car on ne rappellera jamais assez l'importance de la politesse dans la vie de tous les jours ! Gwendoline Raisson et Ella Charbon pointent du doigt les mauvaises habitudes, l'étourderie, l'oubli, même chez les grandes personnes, et non pas la mauvaise éducation. De toute façon, la police des bonnes mœurs n'en loupe pas une miette. Et Léonie rappelle à l'ordre les contrevenants ! ^-^ Un album adorable et drôle, avec des illustrations absolument charmantes.
Un gâteau comment ? de Gwendoline Raisson & Ella Charbon
L'école des loisirs, 2017
Charlotte adore ses parents, sauf lorsqu'ils sont toujours sur son dos à l'assommer avec des ordres comme “lave-toi les mains”, “range ta chambre”, “fais tes devoirs”... De toute façon, Charlotte est persuadée de venir d'une autre planète où il n'existerait aucun parent. Chaque enfant aurait ainsi le droit de faire tout ce qu'il veut. Pour son anniversaire, la fillette demande à ses parents une boîte de magie car elle a une idée derrière la tête. Le soir même, au moment du coucher, zou ! elle brandit sa baguette sur sa mère, puis sur son père, en hurlant “disparais”. Et ses parents se volatilisent dans un grand nuage de fumée. Youpi, Charlotte vient d'acquérir sa liberté. À elle toutes les cochonneries à engloutir jusqu'à l'écœurement, pouvoir s'avachir devant la télé, regarder des dessins animés toute la nuit en mangeant du chocolat ! Aucune contrainte, aucune nuisance, aucun parasite. C'est le pied. Bizarrement, c'est beaucoup moins drôle quand on entend des bruits bizarres dans la maison en étant toute seule dans le noir. Gloups. Papa, maman, revenez ! Si votre enfant imagine qu'un monde sans règles serait tellement plus cool, ouvrez ensemble cet album qui traite du sujet avec humour. On y découvre un rapport à l'autorité concrètement désopilant et savoureux.
Disparais, de Michaël Escoffier & Matthieu Maudet
L'école des loisirs, 2017
Fritzi se fait du souci pour le petit éléphant Popote, parti tout seul en vadrouille alors qu'une chaussure enragée sème la terreur sur son chemin. Elle avertit aussitôt la police pour lui prêter secours, mais c'est le boulanger qui accourt (l'agent de police est malade). Ensemble, ils réussissent à piéger la chaussure folle et se sentent rassurés... à tel point qu'ils décident de partir tous en vacances ! Eh oui, l’amitié est plus forte que la godasse qui mord. Voilà qui donne envie de sourire jusqu'aux oreilles ! Cette lecture un brin fantasque et tellement drôle nous embarque dans une aventure riche en surprises, absolument sans logique et truffée d'anecdotes farfelues. Rien que pour ça, j'adore l'humour de Catharina Valckx, son univers et son originalité. On trouve même dans cet album une limace prénommée Joëlle. Qui dit mieux ? ☺
Fritzi, de Catharina Valckx
L'école des Loisirs, 2016
Pêle-mêle : Tout est magie - Bienvenus - Le Chat blanc et le Moine - Ma sœur, je la déteste !
Monsieur Lapin est un célèbre magicien, qui a toutefois bien du mal à trouver l'assistant idéal. Sa chance tourne le jour où il auditionne Houdini Bouquin. Un petit lapin au poil. Efficace, appliqué, sommant les troupes, veillant au grain, vraiment irréprochable. Mais un soir de représentation, une peau de banane oubliée sur scène, tout dérape. Monsieur Lapin perd le contrôle de la situation, Houdini aussi. Et les rôles sont inversés. Houdini va briller sous les feux de la rampe, devenir la nouvelle coqueluche en tant que magicien et faire salle comble en enchaînant une tournée à guichets fermés. Plus Houdini s'épanouit, plus Monsieur Lapin s'étiole en coulisses. La magie lui manque terriblement, il est temps de renverser le sablier. Quelle belle et étonnante histoire, franchement adorable ! Et quel fabuleux tour de passe-passe ! L'histoire et les illustrations offrent un très joli numéro de prestidigitation, assez cocasse et stupéfiant. Elle montre aussi que les lapins et les humains sont capables de choses “incroyablement surprenantes”, de quoi donner des étoiles dans les yeux aux enfants, enchantés à la lecture de cet album, coloré, fantasque, tout simplement magique ! ♥
Tout est magie, de Meg McLaren
Kaléidoscope, 2017 - Trad. Elisabeth Duval
©Tout est magie, de Meg McLaren
Trois ours polaires se prélassent sur la banquise, quand soudain la glace cède et les emporte au beau milieu de l'océan, sur leur fragile embarcation. Affrontant les intempéries, ils pensent crier victoire à la vue d'une terre à l'horizon, mais l'accueil réservé par les habitants est froid, inhospitalier. Ils doivent donc repartir, chercher une autre terre d'asile, loin, toujours plus loin. Chassés, ignorés, snobés, conspués, nos ours errent comme des âmes en peine. Désespérés, à bout de force, ils s'imaginent périr en mer, dans l'indifférence générale. Ce magnifique album, au sujet tristement d'actualité, présente aux enfants une vision des mouvements migratoires sous une apparente légèreté et beaucoup de poésie, sans écarter l'injustice et la complexité que peut provoquer cette transhumance. On nous présente aussi des pays planqués derrière leurs barricades, fermés aux autres, rejetant fermement toute nouvelle intrusion. Barroux illustre le thème des réfugiés en toute sobriété en racontant une histoire d'ours polaires, en train de dériver sans but, sans avoir recours à des propos moralisateurs. Chaque lecteur jugera selon son ressenti, sa sensibilité, en tenant compte du chemin parcouru pour nos trois ours aux abois. J'ai beaucoup apprécié la démarche, surtout que l'histoire baigne dans un beau cadre lumineux et pointe du doigt l'absurdité des uns et des autres. À découvrir ! Un album très pertinent.
Bienvenus, par Barroux
Kaléidoscope, 2017
Un moine et un chat blanc partagent la douceur de vivre ensemble, dans le calme d'une cellule ascétique, chacun vaquant à ses occupations, dans un silence respectueux. L'un s'abîme les yeux à étudier des manuscrits, pesant chaque mot, ne négligeant aucun détail. L'autre scrute le trou dans le mur et attend son heure pour sauter sur la souris qui se cache. Cette cohabitation respire la sérénité, la plénitude et la sagesse. À première vue, l'esthétisme peut sembler austère, les couleurs sont ternes et les illustrations plutôt sobres, mais cette ornementation épurée colle aussi avec l'ambiance du récit, d'où l'impression d'une harmonie parfaite. Cette lecture hyper apaisante fait également écho à un poème (Pangur Bán) inspiré d'après un moine bénédictin du 9e siècle et de sa relation complice avec son animal de compagnie. Il se dégage de cet album une vraie sensation de pureté et de bien-être.
Le Chat Blanc et le Moine, par Jo Ellen Bogard & ill. par Sydney Smith
Kaléidoscope, 2017 - Trad. Elisabeth Duval
Place maintenant à un grand classique : la sacro-sainte rivalité au cœur de la fratrie ! Christine Davenier nous raconte l'histoire de ce joli duo de frangines, qui ne se supportent plus. L'une est forcément plus douée, intelligente et préférée des grands, a contrario de l'autre qui se sent dans l'ombre et cherche à tirer la couverture à elle. Que de bisbilles pour presque rien. Quand l'une reçoit un chien en cadeau, l'autre choisit une belle palette de crayons... pour exprimer son talent artistique et susciter l'émerveillement de tous ! Et hop rebelote. La crise de jalousie alterne selon les jours, les humeurs, les circonstances. C'est une ronde sans fin. Et c'est ce qui rend l'album aussi attachant, amusant et authentique. On se retrouve implicitement dans cette guerre d'usure, chère en souvenirs ou autres anecdotes qui sentent le vécu, d'où le fil invisible qui relie le lecteur aux personnages et inspire une charmante connivence.
Ma sœur, je la déteste ! de Christine Davenier
Kaléidoscope, 2017
Pêle-Mêle : Balez & Malina - Nowan, Par amour de l'art - Les Enquêtes des Enfants capables
Balez et Malina appartiennent à deux tribus qui se détestent cordialement. Les enfants sont cependant devenus amis en cachette, depuis le jour où ils ont trouvé un bébé mammouth dont ils s'occupent conjointement. On retrouve ainsi dans ce deuxième volume leurs courtes aventures, narrées en deux pages, qui mettent en avant la force de Balez et l'intelligence de Malina. Elles montrent aussi que le mariage de leurs différences permet d'avancer, d'apprendre et de vivre en parfaite harmonie. Ne reste plus qu'à l'inculquer à leurs parents, et justement, dans ce numéro, une histoire d'une dizaine de pages va mettre en périlleuse situation nos deux copains. En route pour une grande aventure, Balez et Malina vont hélas être coincés dans une grotte et crier à l'aide comme des désœuvrés. Leur bébé mammouth n'écoutera que son courage pour alerter leurs familles qui vont accourir, intriguées par ce cri déchirant. Houlàlà, le face-à-face fait surgir des étincelles, des éclairs, des orages... La colère gronde. Quelle issue possible pour nos jeunes héros au fond du trou ? N'hésitez pas à découvrir cette série pleine de pep's et d'humour, avec pour toile de fond la préhistoire et des tonnes de détails saugrenus, de bonnes séquences rigolotes, des personnages attachants, une succession de brèves anecdotes. C'est frais, c'est drôle, c'est distrayant. Une très chouette série, qui figure parmi mes chouchous chez BD Kids, à l'instar de Avni, Ariol ou Kiki et Aliène.
Balez & Malina, t.2 : Secret défense, de Romain Pujol, Thitaume, Baptiste Amsallem
BD Kids, 2017
Nowan est un génie incompris. Ce voyageur dans le temps et l'espace a pour fâcheuse manie d'être à l'origine de fulgurances artistiques. Sans lui, quid du sourire de la Joconde, des statues de l'île de Pâques, de la coiffe de Néfertiti, de la grotte de Lascaux, du Cri de Munch ?... À chaque fois, Nowan était là, il a tout vu, parfois prêté son concours. Bref. Ce volume évoque sans complexe certains des plus grands mystères de l'histoire de l'art, en proposant une perspective fantaisiste et drôle, mais avec le mérite de replanter un contexte, des personnages, une époque historique, des courants intellectuels. Tout ça sans prétention, sans peur du ridicule, pour une lecture 100% délirante et quelque peu instructive.
Nowan, t.1 : Pour l'amour de l'art, de Téhem
BD Kids, 2017
*** Thierry Maunier alias Téhem, auteur de Nowan, organise un concours sur sa page Facebook. ***
À gagner : 5 exemplaires de Nowan, t. 1 – Par amour de l’art dédicacés !
Torteville est en ébulliton par cette folle journée où a lieu la grande course aérienne à laquelle Ben Pinson va participer en tant que jeune aéromécano du vaisseau de lord Moustache, grand favori de la compétition, mais aussi tricheur, moustachu et misogyne. De son côté, Capucine rêve de résoudre sa première énigme : son frère a reçu une lettre de menace, elle bondit sur l'affaire et s'inspire des préceptes de son idole, Sherlock Molche, le plus grand détective du monde, pour tirer son épingle du jeu. Assistée de Toto, son mécanochien, Capucine patrouille aussi vite sur la pelouse d'envol du parc royal en quête de précieux indices. La demoiselle a du flair, son fidèle assistant aussi, notamment grâce à son truffon qui détecte en moins de deux la plus petite incongruité. Et franchement, quelle régalade ! Cette nouvelle série originale, sur fond d'univers steampunk, spécialement dédiée aux enfants, est une lecture épatante, au scénario habilement troussé, aux illustrations savoureuses et à l'univers magnifiquement dépeint. J'étais en totale admiration devant les inventions, l'imaginaire prodigué et la belle dynamique du récit. L'ensemble est pleinement enthousiasmant, raconté avec humour et sur un ton enlevé. Une lecture très plaisante, que je recommande tout particulièrement. ♥
Les enquêtes des Enfants capables, t.1 : À toute vapeur ! de Nathalie Dargent & Lucie Bryon
BD Kids, 2017
Cauchemars, de Jason Segel & Kirsten Miller
Charlie Laird, douze ans, a toujours habité à Cyprès-les-Bains, avec son petit frère Jack et son père Andrew qu'il pensait inconsolable depuis la mort de sa mère. Et puis, son père a rencontré Charlotte BelCanto qu'il a épousée... onze mois plus tard. Depuis, ils vivent tous ensemble dans son vieux manoir peint d'un affreux violet. Charlie est non seulement indigné par la trahison de son père, mais vit aussi un vrai calvaire depuis qu'une sorcière vient hanter ses rêves nuit après nuit. Pour lui échapper, le garçon s'empêche de dormir et se barricade dans sa chambre avec des tonnes de cartons, mais ses insomnies finissent par lui taper sur les nerfs et le rendent de plus en plus agressif. Se confier à son père ? Impensable. Charlie a ouvertement exprimé son opinion sur sa marâtre, en apparence charmante et excentrique. Son arrivée en ville et l'ouverture de sa boutique d'herboristerie avait pourtant fait sensation auprès des habitants, finalement séduits et envoûtés par ses potions. Seul Charlie n'est pas tombé dans le panneau. Il la soupçonne même d'être en relation avec des puissances occultes et de pratiquer des charmes et des maléfices en cachette. Se sachant incompris par sa famille, le garçon trouve refuge auprès de ses camarades d'école, Paige, Rocco et Alfie. Tous ont en commun de souffrir d'angoisses chroniques qu'ils vont finalement mettre à plat lorsque les événements vont se précipiter et conduire notre jeune héros vers un monde alternatif, le Royaume des Ténèbres, là où l'attendent ses pires cauchemars. Avant d'en arriver là, l'histoire installe longuement son décor, son ambiance, ses personnages et son contexte, mais c'est suffisant pour plonger le jeune lecteur dans un délire paranoïaque. Tout est absolument mystérieux, inquiétant et sombre. On n'en mène vraiment pas large et on avance avec précaution dans l'histoire qui dévoile ses secrets au compte-gouttes. Outre son aspect effrayant, le roman évoque aussi le chagrin, la perte et le deuil qui brident les élans et coupent les ailes. On découvre un jeune Charlie encore profondément marqué par la mort de sa maman, prostré dans sa tristesse et sa détresse, mais l'exprimant sans ambages et maladroitement. Avant d'ouvrir le livre, je n'avais pas capté que l'auteur Jason Segel était en fait l'acteur de la série How I Met Your Mother ! Pourquoi pas ? Après tout, j'avais beaucoup aimé la série de John Barrowman, Le réveil des créatures, dont la suite n'a jamais été traduite à ce jour. :/ Un acteur qui profite de sa notoriété pour donner goût à la lecture... je dis OUI. « Cauchemars » est une trilogie qui exploite un imaginaire assez noir et émouvant, tout en distillant de l'héroïsme, de l'humour et du suspense pour plaire aux plus jeunes. Le cocktail se déguste, tantôt séduisant, tantôt désinvolte. Dommage que l'édition française ne dispose pas des illustrations de Karl Kwasny qui rendent la lecture VO encore plus flippante !
Bayard jeunesse, 2017 - Trad. Marion Roman {Nightmares}
Shadow House : La Maison des ombres (Tome 1): La Rencontre, de Dan Poblocki
Cinq adolescents sont convoqués pour x, y raisons au manoir Larkspur. Poppy, une jeune orpheline, pense y retrouver une tante. Marcus, une école de musique pour perfectionner son niveau. Azuma, pour oublier le fantôme de sa sœur disparue. Dash et Dylan, des frères jumeaux, pour relancer leur carrière d'apprentis comédiens. À l'arrivée, cependant, tous les cinq notent que le cadre est aussi angoissant que mystérieux, mais prennent tardivement conscience de leur erreur. Car Larkspur vient de leur tendre un piège. Les voilà captifs d'une maison à l'atmosphère flippante, où d'étranges phénomènes surviennent, sans issue de secours possible. Un vrai cauchemar.
Pour un jeune lecteur impressionnable, franchement, le cocktail est relevé. On a déjà une couverture qui, en vrai, tape dans l'œil avec son effet hologramme. Mais le contenu du livre tient aussi la dragée haute aux sceptiques qui verraient là une simple opération marketing. L'histoire réserve de bonnes séquences aux sensations fortes garanties (apparitions, spectres vengeurs, tentatives de briser les jeunes détenus...). La mise en scène est saisissante de réalisme - on se croirait dans un vrai film d'horreur - d'autant plus que l'esthétisme a été bichonné pour renforcer l'illusion de vieux bouquin oublié, aux pages noircies par les flammes, avec des photographies en noir & blanc (atmosphère assez proche de la série Miss Peregrine).
Même si cette série vise un lectorat jeunesse, dès 10-12 ans, elle dévoile une grande dextérité à créer une ambiance d'épouvante que les amateurs du genre auront plaisir à découvrir. Je referme tout ça non sans frissonner une dernière fois...
Hachette Romans, 2017 - Trad. Christophe Rosson [Shadow House - The Gathering]
Trailer en VO
Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos & lu par Pierre Hancisse
Passionné de littérature, Jean-Pierre Gourvec s'inspire d'une idée de Richard Brautigan et décide d'ouvrir une bibliothèque des livres refusés dans sa petite commune du Finistère. En vacances chez ses parents, non loin de Crozon, Delphine Despero, une jeune éditrice parisienne, découvre parmi ce fatras une véritable pépite. Une histoire d'amour perdu, vraisemblablement écrite par le pizzaiolo du coin. Delphine parvient aussitôt à convaincre sa veuve de publier le manuscrit, lequel va rencontrer un succès commercial inouï. L'existence de Madeleine Pick et de sa fille Joséphine en est complètement chamboulée. Seulement, cette aubaine n'est pas sans attirer la convoitise des uns et des autres, à commencer par Jean-Michel Rouche, un journaliste en quête d'influence, également convaincu d'une supercherie éditoriale. Décidé à percer le mystère Henri Pick, il se rend alors en Bretagne pour mener son enquête et rencontre les acteurs de cet incroyable vaudeville. On réalise finalement combien les répercussions de cette “découverte” ont eu un impact autant positif que négatif sur leur vie. David Foenkinos prend visiblement son pied à raconter cette comédie burlesque, qui dénonce à la fois la superficialité du milieu littéraire et les nombreuses ramifications pour extirper une œuvre quelconque vers le firmament, d'où les enjeux, les gros sous, les ambitions, les campagnes de presse, les émissions TV, les sourires factices, les jalousies et autres petitesses d'un secteur très éloigné du glamour promis. J'ai vite pris le pli et suivi avec grand intérêt la mise en scène de cette intrigue rondement menée. On regarde chaque personnage aller et venir, placer ses billes, on fait mine de tout gober, on soupire, on peste, on espère, on avale les indices et on recoupe les informations en souriant sardoniquement. Oui, oui. J'ai sincèrement pris goût à cette enquête littéraire, formulée avec verve, tendresse et insolence. Pierre Hancisse y mène également sa barque avec ce qu'il faut de légèreté, d'humour et de délicatesse. Un vrai régal. J'ai été la première surprise à savourer autant ce roman, dont on devine pourtant les ressorts d'une potentielle adaptation cinématographique (ou télévisuelle). Cela n'altère nullement le sentiment d'avoir passé un moment de lecture très plaisant, frais, printanier et distrayant.
durée d'écoute : environ 6 h 30
Jeux de miroirs, de E.O Chirovici
Peter Katz est un agent littéraire influent à New York et habitué de recevoir des sollicitations de toutes parts, mais c'est en découvrant un manuscrit partiel d'un certain Richard Flynn que son intérêt va être fortement émoustillé. Alors qu'il était étudiant à Princeton, celui-ci revient sur sa rencontre avec la sublime Laura Baines, sa nouvelle colocataire, et le professeur Joseph Wieder, un éminent spécialiste en psychologie cognitive qui va être assassiné chez lui. Gros scandale sur le campus. Ont évidemment suivi des tonnes de supputations, un défilé de suspects, puis le coupable idéal, avec toutefois des questions ouvertes et le doute d'une erreur judiciaire. Au moment de contacter l'auteur, Katz apprend qu'il est décédé et ne dispose pas de la suite du manuscrit. Frustré, il confie au journaliste John Keller la mission de se réapproprier l'enquête pour démêler le vrai du faux, puis c'est au tour d'un ancien policier, Roy Freeman, de reprendre le flambeau. On obtient ainsi un roman au schéma aussi tortueux que La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, mais en format plus court (300 pages, soit 7h 30 d'écoute), ce qui rend la lecture plus percutante et vorace. Le principe est cependant le même - bousculer le lecteur dans ses acquis et l'embrouiller dans ses perceptions et autres interprétations de l'intrigue. Celle-ci joue en effet de faux-semblants et de chausse-trappes qui remettent rapidement tout en question. C'est diabolique, pour qui aime les rebondissements et les théories à l'envi. En ce qui me concerne, ma curiosité a été judicieusement piquée à vif et ma lecture grandement motivée ! Je n'ai pas vu le temps passer, j'ai englouti le tout très vite. C'est super efficace et astucieux, après je ne pense pas que ce roman me laissera un souvenir impérissable non plus, mais au moins j'ai passé un bon moment, le temps d'un weekend de détente. Texte lu par Vincent Schmitt pour une écoute tout à fait distrayante.
Audiolib, mars 2017 - Texte lu par Vincent Schmitt (durée : 7h 30) / Trad. Isabelle Maillet pour Les Escales, un département d'Édi8 [The Book of Mirrors]
Représailles, de Hans Koppel
Cette couverture flippante donne une bonne indication de l'inconfort ressenti à la lecture du roman. Je ne suis clairement pas fan, mais j'ai passé outre pour me plonger dans une histoire au scénario navrant et implacable. Cela commence par un simple article dans un journal. Calle Collin a coutume de dresser des portraits de défunts à la demande des familles éplorées. C'est ainsi qu'il rencontre Margit Svensson, son fils Mattias et la maîtresse de celui-ci, Sara Vallgren. Calle écoute cette mère endeuillée lui parler de son fils Kent, victime innocente d'un chauffard ayant pris la fuite après son crime. Lorsque l'article est enfin publié, Calle ignore encore le fumier qu'il va remuer. Car cet article mielleux ravive la douleur d'Anders Malmberg. Aujourd'hui célèbre pour ses chroniques sulfureuses, il n'a jamais oublié ses années d'école où il était victime des brimades de ses camarades, dont un certain Kent Svensson. Anders réplique aussitôt en éditant à son tour un bulletin acrimonieux, qui va profondément blesser la famille du disparu et provoquer leur courroux. Après quoi, une avalanche de violence va se répandre sur les uns et les autres. Le couple infernal, formé par Mattias et Sara, va notamment orchestrer une vendetta féroce pour remettre de l'ordre dans leur business, mais aussi pour rappeler à ces “journaleux” qu'ils ne peuvent pas écrire ce qu'ils veulent en toute impunité. Deux enquêteurs de police vont également rôder non loin de nos suspects, emboîtant péniblement les pièces du puzzle, souvent avec un temps de retard. En somme, le roman nous glace d'effroi pour l'étendue de représailles exercées sans état d'âme dans un petit cercle de braves gens confrontés au pire de l'espèce humaine. Le scénario n'a sans doute rien d'exceptionnel, mais il a réussi à me tenir en haleine grâce à son arrangement minutieux et pertinent. J'ai d'ailleurs lu ce roman d'une traite, scotchée par l'engrenage infernal qui se déploie sous nos yeux. Effroyable et sidérant.
Presses de la Cité, 2017 - Trad. du suédois par Hélène Hervieu [Om döda ont]
Stabat Murder, de Sylvie Allouche
Mia, Matthis, Sacha et Valentin sont de jeunes pianistes virtuoses, étudiants au Conservatoire de Paris, où ils préparent avec assiduité le même concours susceptible de bouleverser leur avenir. Aussi, nul ne comprend pourquoi tous les quatre ont mystérieusement disparu quelques jours avant la date fatidique. Les familles paniquées défilent au commissariat du coin, rencontrant Clara Di Lazio, une enquêtrice réputée pour sa pugnacité et son zèle à tout crin. L'histoire a ceci de formidable qu'elle nous propose une construction habilement tressée autour de l'investigation conduite par Clara et ses collègues, tout en glissant des indices sur le calvaire vécu par les adolescents. On découvre en effet ces derniers cloîtrés dans un cube, plongés dans le noir, à la merci de leur geôlier dont on ignore l'identité et la motivation. La mise en scène est simple, mais redoutable. On se surprend alors à avaler les pages du livre à une vitesse folle tant le rythme est insoutenable, et notre besoin de savoir également attisé. J'ai trouvé la recette très bonne, très efficace. Ce sont ainsi 300 pages qui s'envolent et nous électrisent selon un tempo qui va crescendo. Suspense, rebondissements, non-dits, passion et drames intimes alimentent copieusement cette intrigue rondement ficelée. Haletant !
Syros, 2017
Les Piqûres d'Abeille, de Claire Castillon
Pour Jean, l'amour porte une couronne dans les cheveux et un petit sac à main de vieille dame. Invité au mariage de sa marraine, Jean n'a d'yeux que pour la jolie Abeille. Elle a un port de tête en caramel, du tempérament et il ne conçoit pas de vivre sans elle. De retour à la maison, il se décide à lui envoyer une lettre, mais doit mener son enquête en toute discrétion pour trouver son nom et son adresse. Grâce à de subtils subterfuges, notre amoureux transi parvient à son but. Il poste alors une belle missive clamant son admiration et attend la réponse avec fébrilité. Pour patienter, Jean va passer ses proches à la loupe car il règne autour de lui une véritable effervescence - ses parents sont plus déchaînés que jamais, sa sœur Zoé s'amourache d'un garçon qui cherche à sauver le monde et se met à faire un régime pour perdre ses “packs d'eau” aux cuisses, son super pote Lambert est amoureux d'une fille qui se déplace en fauteuil et apprend à marcher à Berck, sa grand-mère Raymonde se métamorphose au contact de son Brou... Quand, enfin, il reçoit la précieuse lettre d'Angélus-les-Occis, Jean retient son souffle, son monde est en train de vaciller.
Voilà une histoire foncièrement adorable, drôle et cocasse. Quand Claire Castillon glisse sa folie douce dans un roman jeunesse, c'est un pur régal (cf. Un maillot de bain une pièce avec des pastèques et des ananas ou Tous les matins depuis hier). A priori, cela peut paraître incongru, bardé de détails insolites, façonné d'une improbable excentricité, mais c'est aussi tartiné de tendresse, de poésie, de fantaisie enfantine. Et c'est tellement bon à lire, à déguster. L'histoire de Jean est donc particulièrement rigolote, fantasque, foldingue etc. Sa tribu aussi se révèle loufoque et attachante. J'ai adoré me sentir parmi eux comme un poisson dans l'eau. A contrario, Abeille est une insupportable petite peste qui tourne en dérision l'amour aveugle de notre jeune héros. Il faudra à celui-ci du temps, de la sagesse et une thérapie de choc pour se désintoxiquer de son venin. On apprend à tout âge les coups, les mots doux et les fulgurances. Un petit roman super sympa, dans le genre feu follet. ♥
Flammarion Jeunesse, 2017
« Si on place les êtres dans un endroit qui les enrichit, avec des gens qui les épanouissent, ils deviennent différents. »