La part des nuages, de Thomas Vinau
Un homme vit dans sa bulle, seul avec son fils. Lorsque celui-ci part chez sa mère, pour la garde alternée, la prise de conscience du vide et de la solitude est aussi brutale que désarçonnante.
Joseph, 37 ans, boit à même le goulot une bouteille de rosé et se vautre dans la petite piscine de son garçon. Seul, paumé, ravagé. Face aux étoiles dans le ciel, face au silence de la nuit, face à l'absence, face à la vacuité de son existence. Il se réfugie dans la cabane nichée dans les arbres, retourne à des instincts primitifs, ne se lave plus, nourrit son corps de cochonneries et d'alcool, vagabonde dans les rues de la ville avec Odile la tortue dans son sac à dos, discute avec un désœuvré qui lui raconte son parcours d'ancien charpentier, fait une sieste dans le parc municipal, console sa petite voisine en pleurs et proclame la rébellion par la flûte traversière... Et déjà, sonne l'heure des retrouvailles avec le fiston, en pleine forme, débordant de projets et d'idées. Joseph est lui aussi de nouveau ancré dans la vie et passe un grand coup de balai sur le sol encrassé de sa maison.
Clap de fin sur son évasion champêtre, une parenthèse poétique et extraordinaire, une robinsonnade au cœur de la routine, comme une envie de souffler, de penser, d'échapper au temps et aux autres. Une dérive riche de petits riens, nombreux et subtils. Des allégories poétiques écrites toutes en retenue. Cette part belle à la singularité, la lenteur et la contemplation est émouvante, même si elle ne suscite pas la même admiration que celle ressentie dans Ici ça va, un texte lumineux et éblouissant qui m'avait fait découvrir la jolie plume de Thomas Vinau. La part des nuages est un texte doux, qui se déguste à la petite cuillère, qui exalte les sens et qui invite à la tangente. Précieux.
10x18 / 2017