Le Diable de la Tamise, d'Annelie Wendeberg
EN POCHE ! Sherlock Holmes fait la rencontre de l'étrange Dr Kronberg...
Au cours de l'été 1889, le Dr Anton Kronberg, bactériologiste de renom, est appelé pour confirmer les traces suspicieuses de choléra sur une victime retrouvée morte dans la Tamise. Sur place, il y fait la rencontre de l'excentrique Sherlock Holmes, personnage nerveux et insupportable, qui lui inspire aussitôt une aversion épidermique. Il faut dire que le détective a mis à jour le secret inavouable de Kronberg en une poignée de mains et un simple coup d'œil. Anton Kronberg est en vérité une femme, Anna. Originaire d'Allemagne, où les études de médecine sont interdites aux femmes, puis exilée à Harvard, pour enfin exercer ses talents à Londres, Kronberg dupe son entourage depuis de longues années, mais au prix d'une incroyable mise en scène entourée de mille précautions. Elle a également choisi de vivre dans un quartier misérable, où elle tombe le masque et redevient Anna, infirmière à la coupe de cheveux peu conventionnelle, qui se faufile dans le dédale des rues puantes et crasseuses pour retrouver son amant, un crocheteur irlandais, et pour soigner les plus malchanceux. Son quotidien n'est pas sans risques, Anna en a conscience, malgré un moral d'acier et un tempérament de feu, elle redoute la découverte de sa vraie nature et de finir en prison. En attendant, notre affaire de macchabée va prendre un nouveau tournant pour remonter la piste d'un étrange réseau de trafics humains, sous couvert de servir les besoins de la science (un vaccin contre le tétanos), avec les dérives inhérentes aux ambitions dévorantes.
Le duo formé par Sherlock Holmes, à qui l'on prête une posture effacée et pleine de retenue, et le Dr Kronger, figure autrement plus complexe à cerner, est franchement détonnant ! Ces deux-là jouent un drôle de jeu entre attirance et répulsion, besoin de bousculer l'autre et prouver qui est le meilleur, un concours d'ego assez pesant au démarrage, car les deux parties se jaugent et font grincer des dents. Que d'arrogance !! Puis, ça se tasse car l'histoire finit par les convaincre que l'union fait la force, qu'une femme peut être aussi subtile et intelligente qu'un homme, qu'il y aura toujours l'inégalable Irene Adler, et désormais Anna Kronberg, remarquable pour son habileté au déguisement et sa vivacité d'esprit ! Toutefois, la perspective d'un trouble amoureux a failli me perdre. Pensez donc... Un mythe se meurt ! “Ses lèvres avaient la douceur de la soie. Tout à coup, mon cœur si peu raisonnable quitta ma poitrine pour aller s'installer dans la sienne. Je me demandais s'il avait remarqué le poids supplémentaire.” Huhuhu.
Mis à part ces petits détails, le livre se lit vite et bien. L'intrigue criminelle n'est pas époustouflante, mais reproduit efficacement une ambiance, un contexte, des enjeux médicaux etc. Bon point pour le décor. Je ne suis pas convaincue par l'esquisse des personnages, mais je reste curieuse de la suite de leurs aventures, ce roman étant le premier d'une trilogie. Cf. La dernière expérience, Presses de la Cité (2017).
10x18 Grands Détectives, 2017 - Trad. par Mélanie Blanc-Jouveaux (The Devil's Grin)