« J'ai appris ici deux ou trois choses que je ne suis pas mécontent d'ajouter à ma culture générale. J'ai appris qu'il fallait parfumer les poules pour les protéger de la violence de leurs congénères. J'ai découvert qu'on pouvait faire de la poésie avec des culottes gainantes et aussi qu'on pouvait prendre le large d'un monde désespérant auquel on se croit tenu de suivre au jour le jour les moindres soubresauts. J'ai compris qu'on pouvait être heureux. Heureux malgré tout. Vous êtes des magiciens, vous êtes des enchanteurs tout de même. Je vous suis infiniment reconnaissant de m'avoir rendu les plaisirs et les frayeurs de mon enfance. »
Toutefois, avant d'arriver à ce vibrant hommage, Pierre Réveillon a cru sombrer dans un profond désespoir. En tombant fou amoureux d'Isabelle Axilette, il avait vaguement connaissance de sa famille désaxée mais ne mesurait pas le challenge à venir. C'est en se rendant chez les grands-parents Pettigrew, où toute la tribu est réunie pour fêter l'anniversaire de la grand-tante Suzanne, que Pierre va tomber à la renverse. Cette famille sort complètement des sentiers battus - elle est hors normes, ingérable, excentrique et décalée. Lui, le fiston de bonne famille, coutumier d'une éducation hyper structurée, pressent le drame, le mariage impossible, l'intrusion intempestive, l'étouffement et la mort à petits feux...
Le roman tire ainsi le portrait d'une famille déglinguée en apparence - le grand-père écrit des haïkus pour l'étudiante coréenne, tandis que son épouse scrute leurs roucoulades au clair de lune avec sa paire de jumelles, la mère d'Isabelle flirte dangereusement avec un taureau en fuite, sa sœur écrit un roman érotique, son beau-frère est taxidermiste, sa nièce prétend être l'incarnation mystique d'une sainte... Quand tout le monde se rend en bord de mer, c'est naturellement sur un camp naturiste. Leurs blagues, leurs réparties, leurs affinités, leurs délires... tout fait partie d'un microcosme, auquel Pierre n'appartient pas. Aussi, le choc des cultures est assommant. Lorsqu'il tente de s'ouvrir auprès d'Isabelle, celle-ci ne le comprend plus, se fâche et c'est la Bérézina.
La lecture est aussi insolite que légère, mutine et farfelue, drôle et délurée... Franchement, le mélange est délectable et a su combler quelques heures d'une après-midi ensoleillée. Un rendez-vous distrayant pour 226 pages d'une comédie familiale tournoyante.
JC Lattès, 2016