Le parfum des fraises sauvages, d'Angela Thirkell
Mes lectures de cet été ont été placées sous le signe de petites préciosités anglaises, promptes à me propulser dans de délicates ambiances désuètes, qui n'ont pas été pour me déplaire. Dernière trouvaille : Angela Thirkell, petite-fille du peintre Edward Burne-Jones, cousine de Rudyard Kipling et filleule de J. M. Barrie. Excusez du peu.
Elle a su concocter, avec Wild Strawberries, un savoureux cocktail d'humour, d'insouciance et de joyeux badinage. L'histoire se passe dans les années 30, dans le domaine cossu de Rushwater, où la famille Leslie déploie une vive excentricité dans leur manière de vivre. Ici, tout paraît plus lisse, plus simple, plus facile. Les repas sont signalés d'un gong discret, servis avec célérité par le majordome, les enfants rechignent à avaler leur porridge, lady Emily disserte de longues minutes avant de prendre place dans l'église, mettant la patience du révérend au supplice, son époux ne s'embarrasse d'aucun détail domestique et veille à choisir scrupuleusement le nom de son bétail qui s'exporte en Argentine...
Dans ce fabuleux tohu-bohu, la jeune Mary Preston débarque pour passer l'été auprès de la famille de sa tante et tombe sous le charme de David, dont les prétentions artistiques n'éveillent plus chez ses proches qu'un vague intérêt feint. Mais la jeune femme est émoustillée par ses attentions (un paquet de fraises sauvages), ses balades au clair de lune ou ses virées à Londres. C'est assez pour étourdir notre oie blanche à l'âme si douce et romantique !
Ce tableau de famille est également rehaussé par une brochette de personnages secondaires, dont un certain flagorneur ou une famille française, lesquels sont épinglés avec cocasserie, pas loin d'une certaine férocité, tant leur bêtise est étalée dans toute sa splendeur, mais sans volonté de nuire.
Car l'ambiance générale est heureusement délectable et bienveillante. L'auteur s'applique à dépeindre une saison à la campagne, chez des jeunes gens aisés et oisifs, sans distiller un soupçon de manichéisme, juste dans le souci de partager une tranche de vie frivole et guillerette.
Le rendu fait mouche. Et on goûte avec délice aux nombreux ingrédients qui constituent cette comédie rafraîchissante et légère. C'est dégoulinant de charme vintage, et c'est tout bon !
10-18 Littérature étrangère / 2017 - Trad. par Florence Bertrand