Une si charmante verrue sur le nez

Léon déteste ce qui est joli, mignon, gentil et sympa. Il n'aime pas non plus les gens, surtout quand ils sont polis et affables. Aussi, lorsqu'il rencontre Gertrude Crocheblaze, c'est le coup de foudre. Elle a tout pour plaire à notre loustic - le cheveu filasse, le menton en galoche, les dents noires, les yeux globuleux et une charmante verrue sur le nez. Gertrude est aussi une sorcière, affreuse et mauvaise. C'est dit, Léon et elle forment le couple parfait.

Nos deux amoureux décident un jour de partir en voyage, en Afrique. Ils ne rêvent pas de paysages romantiques, mais se réjouissent de rencontrer des crocodiles hideux et des hippopotames obèses. Hélas, sur place, ils tombent sur les trois animaux les plus débonnaires de toute l'Afrique - Richard, le lion végétarien, Alfred, l'éléphant élevé par une duchesse anglaise et Émilie, la tortue timide.

Quelle calamité d'avoir des voisins dégoulinants de politesse ! Léon et Gertrude n'ont vraiment, vraiment pas de bol. Dans leur désir d'affronter le laid, le moche, l'horrible, ils n'ont que faire du lisse, du mielleux, du contrit. Et boum, au volant de leur voiture polluante, en vadrouille dans la savane, notre couple teigneux ne voit soudain plus qu'un écran noir à travers leur pare-brise.

Pourquoi, comment ? C'est toute la férocité de cette histoire, racontée non sans humour noir, et qui met en scène deux affreux jojos dans une aventure follement rocambolesque. André Bouchard met à l'honneur deux méchants pas charmants, en accentuant bien le sordide, et c'est très, très rigolo ! La chute finale est tout aussi désopilante. ☺

Une si charmante verrue sur le nez, d'André Bouchard

Seuil Jeunesse, 2017

 

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A pas de loup

Claire et Louis passent la nuit chez leurs grands-parents, quand ils sont saisis d'une petite fringale nocturne. Ils se faufilent hors du lit, en toute discrétion. Du moins, c'était leur intention car les enfants ne vont cesser d'être maladroits, de buter dans les meubles, de briser des vases, de renverser le lait dans la cuisine ou de casser la branche du cerisier.

Quel ramdam ! Forcément, cela attire l'attention de Papi et de Mami... et là Coco le toucan, Grangrogris l'éléphant ou Minouchette la tigresse endossent toute la responsabilité et servent judicieusement d'alibis.

En voilà une lecture étonnante, qui fait appel à l'imagination et qui mélange avec subtilité le rêve et la réalité. Les illustrations baignent dans une ambiance claire-obscure de toute beauté. C'est apaisant, et le texte d'une grande poésie parachève l'impression d'ensemble d'une lecture pleine de douceur.

À pas de loup..., de Christine Schneider & Hervé Pinel

Seuil jeunesse, 2017

 

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La Bête de mon jardin

Dans sa chambre, un garçon scrute derrière sa fenêtre la pénombre du jardin. Caché dans les buis, se trouve une bête. Il le sait, il devine sa silhouette, il la redoute également, mais il décide de sortir pour s'en approcher. Inversement, la bête scrute l'enfant depuis sa cachette. Il sent son odeur et s'en pourlèche les babines. Il n'y a pas que le garçon à avoir été nourri de légendes et de contes du soir... La bête aussi connaît ses classiques et craint l'homme... le chasseur.

C'est donc un troublant jeu de miroirs qui s'orchestre sous les yeux du lecteur. L'enfant et la bête s'observent, mais tous les rôles ne sont pas définis et les mythes entretiennent le mystère. Et puis, il y a aussi le jeu des lumières, celui de l'imagination. En gros, c'est un jeu de dupes. Entre songe et illusion, cet album séduit, par ses jolies découpes, son univers graphique et ses couleurs crépusculaires. Un bel exercice de style, qui fait appel au pouvoir de l'imagination.

La bête de mon jardin, de Gauthier David & Samuel Ribeyron

Seuil jeunesse, 2017