19/10/17

Pêle-Mêle : Laissez-moi tranquille ! - Le petit ogre veut voir le monde - L'abri

Laissez moi tranquille

Qui n'a jamais rêvé d'un petit moment de répit au cœur d'un chaos indescriptible ? C'est le cas de notre héroïne, notre sémillante tricoteuse, qui vit dans une petite maison avec une très grande famille. Tous les jours, les petits-enfants se bousculent, font du bruit, courent dans tous les sens et s'amusent avec ses pelotes de laine. Impossible de travailler. Avec l'hiver qui approche, voilà qui complique ses projets.

Au bout du rouleau, la vieille femme abdique et quitte sa maison, avec un grand sac. En claquant la porte, elle a juste le temps de hurler : “laissez-moi tranquille !”. Elle part loin et s'installe d'abord dans la forêt... Mais même la famille Ours lui fait des misères, puis ce sont les chèvres de la montagne, jusqu'aux petits hommes verts sur la lune. C'en est trop. La coupe est pleine. Et la grand-mère sort par un trou noir. Aaaah, enfin la paix !

Cette histoire est surprenante sur toute la ligne, elle déjoue les attentes, pioche les ingrédients du conte traditionnel mais s'échappe des codes pour mijoter une aventure à sa sauce. Et c'est savoureux, audacieux et truculent. On adore cette petite bonne femme qui rouspète pour avoir du temps pour elle, et qui n'aspire qu'à tricoter tout son saoul. Ce n'est pas la mer à boire ? Il n'est pas dit que la solitude soit un remède à tout, juste une parenthèse appréciable avant le grand retour à la normale.

Un album décidément trompeur et étonnant ! Très, très belle découverte, distinguée par la prestigieuse Médaille Caldecott en 2016.

Laissez-moi tranquille ! de Vera Brosgol

Bayard jeunesse, 2017 (trad. Alice Boucher)

 

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LE PETIT OGRE VEUT VOIR LE MONDE

Ah, la vie d'un Petit Ogre n'est pas aisée lorsqu'on a des envies de voir le monde et des parents qui tremblent pour vous et ne veulent pas que vous quittiez le bout du jardin... Snif ! Le petit ogre veut faire ses propres expériences, ne plus entendre les excès de prudence de son père ou de sa mère qui s'imaginent que le monde extérieur est dangereux.

Seul, devant sa mappemonde, le petit ogre rêve donc d'aventures en pointant du doigt des villes comme Rio de Janeiro, Venise ou Istanbul... N'y pouvant plus, il brave l'interdiction parentale et enfile les bottes de sept lieux de son père. En trois pas, notre petit ogre débarque en Turquie, pays des loukoums, puis décolle au Brésil pour danser la samba, et termine son périple en Italie devant une platée de spaghettis à la carbonara.

Apprenant que ses parents sont fous d'inquiétude, le petit ogre rentre chez lui et annonce à sa famille qu'il existe un monde merveilleux, coloré, parfumé et enjoué autour d'eux ! Plus besoin de se cacher, il faut croquer la vie à pleines dents. Bon point pour cette histoire qui rappelle la richesse culturelle en s'ouvrant aux autres et donne ainsi le goût des voyages avec ce jeune héros fétiche du magazine Les Belles Histoires. Tout simplement, adorable.

Le petit ogre veut voir le monde, de Marie-Agnès Gaudrat & David Parkins

Bayard jeunesse, 2017

 

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l'abri

Ce matin, dans la forêt, les maisons s'éveillent sans se douter du branle-bas à venir - une tempête est annoncée ! Tout le monde se prépare au mieux pour affronter le choc. Seulement, dans le brouillard, deux frères se profilent et toquent à chaque porte pour quémander un peu de chaleur. Mais les portes restent closes. Les familles ont peur, elles s'enferment à double tour et tremblent pour leurs provisions, leur tranquillité, leur confort. Seul Petit Renard est sensible à la détresse des deux étrangers et leur confie une petite lanterne pour égayer leur soirée.

Outre son message prônant la tolérance et la solidarité, l'album nous touche aussi pour ses belles illustrations à l'encre et à l'aquarelle. Visuellement, c'est magnifique. Émotionnellement, l'histoire inspire une grande empathie. Elle ne cherche pas à condamner, ni à juger. Elle raconte simplement les aléas de la vie, un soir de tempête, un coup dur, une fraternité et un chant d'espoir. C'est un très bel album, d'une sensibilité et d'une justesse bouleversantes. À découvrir.

L'abri, de Céline Claire & Qin Leng

bayard jeunesse, 2017

 

 

crédit photo : Livres et merveilles

 

 


Pêle-Mêle : Une si charmante verrue sur le nez - À pas de loup - La bête de mon jardin

Une si charmante verrue sur le nez

Léon déteste ce qui est joli, mignon, gentil et sympa. Il n'aime pas non plus les gens, surtout quand ils sont polis et affables. Aussi, lorsqu'il rencontre Gertrude Crocheblaze, c'est le coup de foudre. Elle a tout pour plaire à notre loustic - le cheveu filasse, le menton en galoche, les dents noires, les yeux globuleux et une charmante verrue sur le nez. Gertrude est aussi une sorcière, affreuse et mauvaise. C'est dit, Léon et elle forment le couple parfait.

Nos deux amoureux décident un jour de partir en voyage, en Afrique. Ils ne rêvent pas de paysages romantiques, mais se réjouissent de rencontrer des crocodiles hideux et des hippopotames obèses. Hélas, sur place, ils tombent sur les trois animaux les plus débonnaires de toute l'Afrique - Richard, le lion végétarien, Alfred, l'éléphant élevé par une duchesse anglaise et Émilie, la tortue timide.

Quelle calamité d'avoir des voisins dégoulinants de politesse ! Léon et Gertrude n'ont vraiment, vraiment pas de bol. Dans leur désir d'affronter le laid, le moche, l'horrible, ils n'ont que faire du lisse, du mielleux, du contrit. Et boum, au volant de leur voiture polluante, en vadrouille dans la savane, notre couple teigneux ne voit soudain plus qu'un écran noir à travers leur pare-brise.

Pourquoi, comment ? C'est toute la férocité de cette histoire, racontée non sans humour noir, et qui met en scène deux affreux jojos dans une aventure follement rocambolesque. André Bouchard met à l'honneur deux méchants pas charmants, en accentuant bien le sordide, et c'est très, très rigolo ! La chute finale est tout aussi désopilante. ☺

Une si charmante verrue sur le nez, d'André Bouchard

Seuil Jeunesse, 2017

 

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A pas de loup

Claire et Louis passent la nuit chez leurs grands-parents, quand ils sont saisis d'une petite fringale nocturne. Ils se faufilent hors du lit, en toute discrétion. Du moins, c'était leur intention car les enfants ne vont cesser d'être maladroits, de buter dans les meubles, de briser des vases, de renverser le lait dans la cuisine ou de casser la branche du cerisier.

Quel ramdam ! Forcément, cela attire l'attention de Papi et de Mami... et là Coco le toucan, Grangrogris l'éléphant ou Minouchette la tigresse endossent toute la responsabilité et servent judicieusement d'alibis.

En voilà une lecture étonnante, qui fait appel à l'imagination et qui mélange avec subtilité le rêve et la réalité. Les illustrations baignent dans une ambiance claire-obscure de toute beauté. C'est apaisant, et le texte d'une grande poésie parachève l'impression d'ensemble d'une lecture pleine de douceur.

À pas de loup..., de Christine Schneider & Hervé Pinel

Seuil jeunesse, 2017

 

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La Bête de mon jardin

Dans sa chambre, un garçon scrute derrière sa fenêtre la pénombre du jardin. Caché dans les buis, se trouve une bête. Il le sait, il devine sa silhouette, il la redoute également, mais il décide de sortir pour s'en approcher. Inversement, la bête scrute l'enfant depuis sa cachette. Il sent son odeur et s'en pourlèche les babines. Il n'y a pas que le garçon à avoir été nourri de légendes et de contes du soir... La bête aussi connaît ses classiques et craint l'homme... le chasseur.

C'est donc un troublant jeu de miroirs qui s'orchestre sous les yeux du lecteur. L'enfant et la bête s'observent, mais tous les rôles ne sont pas définis et les mythes entretiennent le mystère. Et puis, il y a aussi le jeu des lumières, celui de l'imagination. En gros, c'est un jeu de dupes. Entre songe et illusion, cet album séduit, par ses jolies découpes, son univers graphique et ses couleurs crépusculaires. Un bel exercice de style, qui fait appel au pouvoir de l'imagination.

La bête de mon jardin, de Gauthier David & Samuel Ribeyron

Seuil jeunesse, 2017

 

 

The Rain, de Virginia Bergin

THE RAINAprès une soirée idyllique entre copains, au cours de laquelle Ruby a embrassé le beau Caspar dans le jacuzzi, la vie de l'adolescente bascule dans le chaos. La radio diffuse en urgence un message informant la population de se protéger au plus vite de la pluie, car celle-ci est toxique. Si la moindre goutte entre en contact avec votre peau, vous succombez dans d'atroces souffrances à un virus foudroyant. Horrifiée, Ruby cède à la panique et trouve le moyen de retourner chez elle, auprès de sa mère. Mais l'accueil de son beau-père, Simon, est sidérant - Ruby est enfermée à clef dans le bureau, mise en quarantaine.
On visualise la situation et on suppose que la jeune fille va adopter une attitude raisonnable, ce n'est pas seulement son univers qui s'effondre, c'est toute l'humanité qui est menacée, et blablabla. Malheureusement, Ruby se montre capricieuse, égoïste et immature. Au moins, l'auteur ne lui fait pas endosser une tunique de superhéroïne, pleine de bon sens et de courage, et la rend certainement plus crédible avec ses imperfections. C'est juste pénible à supporter, mais passons...
L'histoire déploie tout son arsenal de scènes de survie, de revers du destin, de rencontres improbables, de fuite désespérée et de quête impossible, tout ça dans une ambiance apocalyptique tout à fait convenue. Au final, cela se lit sans difficulté. C'est entraînant, inquiétant, angoissant aussi. Certes, le caractère versatile de l'héroïne peut constituer un frein, mais la lecture nous pousse à dépasser cette barrière. Résultat, on a les doigts accrochés aux pages du bouquin et on attend de connaître le dénouement. 
L'histoire est donc riche de bonnes idées, sans être particulièrement bluffantes non plus. C'est le vice des romans du genre, difficile de se renouveler avec un scénario-catastrophe. Toutefois, j'ai trouvé qu'il y avait du rythme, que le sentiment d'urgence et d'accablement était bien rendu. Une suite est d'ailleurs prévue. À voir.

Bayard Éditions, 2017 - Trad. Sidonie Van den Dries

 

Posté par clarabel76 à 10:00:00 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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