Magnetic Island, de Fabrice Colin
Se sentant broyé par une histoire familiale trop lourde pour lui, Cyan noie son désespoir dans l'alcool et est sujet à des crises d'angoisse qui l'ont déjà conduit à l'hôpital. Il faut dire que ça ne manque pas de secrets ni de mystères autour de lui - quatre ans plus tôt, sa sœur jumelle a disparu lors d'une sortie scolaire sur Magnetic Island, pas loin du lieu de tournage du film de leur père. Artus Fisher, célèbre réalisateur, est englué dans cette super production et n'a guère de temps à consacrer à son fils. Son épouse, France, a quitté le foyer pour son avocat et harcèle son ex pour signer les papiers du divorce. L'ambiance à la maison tourne donc en eau de boudin. Rien ne va plus, chacun est replié sur soi, ça gronde à chaque coin de page, et voilà qu'arrive une autre disparition - Divine, l'aînée de la fratrie, n'a plus donné signe de vie depuis cinq jours. La folie obsessionnelle de Cyan reprend de plus belle, son père le pousse à se rendre chez une addictologue, sa mère menace d'alerter la police et le fantôme de Holly refait surface. Ouhlàlà, quelle sombre histoire ! Mais le roman n'en demeure pas moins captivant. J'ai plongé tout de go dans les arcanes de cette intrigue aux nombreux revers familiaux, où les silences pèsent dans la balance et viennent noyer le poisson. On a, de plus, une perception biaisée des enjeux puisque tout est rapporté d'après Cyan, définitivement paumé et carrément désaxé. Le môme est en pleine déroute, il se cherche et cherche aussi la part de vérité parmi les mensonges qui gravitent autour de lui. Certaines révélations auront tout lieu de le désarçonner, par leur violence et leurs conséquences, même si la guérison exige de passer par là. L'atmosphère générale baigne dans le flou, ce qui est parfois déroutant et, malgré tout, enivrant. Car la petite musique du roman est ensorcelante et fait tourner les pages avec avidité pour connaître le dénouement. C'est cependant moins léger que dans Le pays qui te ressemble où l'auteur s'éclatait à dresser le portrait d'une autre famille dysfonctionnelle. Ici, c'est un roman qui vous happe dans sa bulle, où l'on pressent que tout n'est pas rose ni innocent.
Ce titre figurait parmi les 10 sélectionnés pour le Prix Vendredi, premier prix national de littérature ado, qui a finalement récompensé L'Aube sera grandiose d'Anne-Laure Bondoux.
Albin Michel coll. Litt' - 2017