Calpurnia et Travis, de Jacqueline Kelly
Trois ans après une première et enthousiasmante rencontre cf. #1, nous retrouvons notre jeune naturaliste, Calpurnia Tate, dans sa petite ville de Fentress, en pleine campagne texane. Nous sommes en 1900, Calpurnia a bientôt treize ans et connaît déjà la frustration de grandir dans un monde où le masculin l'emporte hélas sur le féminin. Seule fille parmi six frères, Calpurnia est obligée à des leçons de piano, de tricot, de couture et à une bienséance exemplaire. Ses parents envisagent pour elle un beau mariage, alors que la jeune fille brûle d'envie de faire des études. Elle possède déjà une excellente disposition en biologie, grâce à son grand-père qui a toujours encouragé sa curiosité et son sens de l'observation. Depuis toujours, Calpurnia aime les sciences et la nature, explore le monde qui l'entoure, mène ses propres expériences et n'envisage pas l'avenir autrement. Elle s'entend beaucoup avec son jeune frère Travis, qui veut sauver toutes les créatures en détresse mais qu'il faut souvent héberger, nourrir ou soigner en cachette... défilent ainsi Armand le tatou, Bandit le raton-laveur et Scruffy le chien coyote. L'arrivée en ville d'un vétérinaire va être pour eux une formidable aubaine. En effet, suite au terrible ouragan qui a balayé Galveston, leur cousine Aggie est hébergée chez les Tate et a fait tout le voyage avec sa grosse valise et sa précieuse Underwood, dans un silence mutique, assise à côté du Docteur Pritzker. Sans le savoir, le quotidien de Calpurnia va être chamboulé par ces rencontres et par des découvertes et des révélations proches du “choc émotionnel”, comme elle dit.
Déjà trois ans que j'avais lu le roman de Jacqueline Kelly et éprouvé une vraie fascination pour son héroïne, d'où ma joie de la retrouver avec la sensation de l'avoir quittée la veille ! J'ai franchement adoré partager 360 nouvelles pages de la vie de Calpurnia ! C'est divin. La demoiselle nous raconte son monde, avec ses anecdotes bucoliques et son analyse empirique, aussi bien concernant sa famille, son éducation et ses espoirs. Tout est frais, charmant et suranné. L'approche historique est pertinente. Le XXe siècle vient de s'ouvrir, les premiers gisements de pétrole sont annoncés, la révolution industrielle est en route. Le monde de Calpurnia pourrait ainsi grandement changer, car pour l'heure on soulève encore le poids de l'injustice liée à son sexe (pour preuve, la pièce d'or reçue à son anniversaire). On vit et on ressent pleinement les joies et les peines de notre héroïne aux désirs tristement bafoués et à l'insatisfaction grossissante. Heureusement, la demoiselle a l'esprit vif et facétieux, elle ne se laisse pas abattre facilement. La lecture de cette chronique familiale est donc tout à fait exquise - j'ignore encore si l'auteur va poursuivre sa série, ce que je souhaite grandement, car je me demande jusqu'où Calpurnia sera en mesure de suivre son ambition - faire des études, placer son épargne, enrichir ses collections et bouquiner tous les ouvrages possibles. À très vite, j'espère ! ☺
Traduit de l'anglais (USA) par Dominique Kugler.
Illustration de couverture de Beth White
L'école des loisirs, 2017
Existe aussi une série pour les plus jeunes : Calpurnia, apprentie vétérinaire. Une lecture agréable, mais nettement moins riche que les deux romans.