16/05/18

Le chagrin des vivants, de Anna Hope

le chagrin des vivantsEn ce début de novembre 1920, trois femmes sont plongées dans les plus noirs tourments.
Ada a perdu son fils unique dans les derniers jours de la guerre et demeure inconsolable au point de vivre parmi les fantômes en s'imaginant que Michael cherche à la contacter. Hettie, danseuse de compagnie au Hammersmith Palais, rencontre des anciens soldats parfois lourdement handicapés, mais espère secrètement voir son destin basculer. Evelyn travaille au bureau des pensions de l'armée, croise des âmes meurtries et égarées, n'en peut plus de supporter ce ballet désespérant, pense à son fiancé décédé et perd les pédales quand on évoque le nom de son frère.
En toile de fond, on assiste aux préparatifs en grandes pompes de la première cérémonie commémorative, avec notamment 
le rapatriement du corps du Soldat inconnu. Un hommage tardif mais bouleversant. Pour beaucoup, c'est l'occasion de soulager leur deuil et leur chagrin, de saluer aussi le sacrifice d'une génération, car pendant longtemps le premier réflexe était d'effacer et oublier les horreurs des tranchées.

On suit donc trois femmes durant cinq jours dans cette atmosphère d'après-guerre merveilleusement esquissée. On ressent le poids des larmes, l'amertume des vivants, l'ahurissement des survivants, la colère et l'incompréhension, les secrets et les drames.
C'est loin d'être gai, mais c'est captivant. On se sent aspiré par ces bribes de vies, trouvant dans chaque destin une force et une sensibilité rares. J'ai aimé aussi la préciosité des personnages et la description des sentiments. Le style est impeccable, le ton juste, la note pure, avec une touche finale pleine d'espérance. Un
 roman remarquable, à la fois poignant et transcendant, aux émotions à fleur de peau. Très belle lecture ! 

Folio, 2017 - Traduit par Élodie Leplat

Titre VO : Wake

 

Posté par clarabel76 à 10:45:00 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
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#En poche ! Chanson douce de Leïla Slimani

chanson douce folioLouise est engagée comme nounou pour soulager Myriam, mère de deux jeunes enfants, qui décide de relancer sa carrière d'avocate, ne supportant plus d'être confinée chez elle, engoncée dans son rôle de maman. Toute la famille accueille ses services avec chaleur. Une véritable aubaine. Louise est menue, fragile, discrète, efficace. Le couple ne tarit pas d'éloges, leurs amis sont admiratifs et leur envient cette perle rare, babillant sur leurs propres déconvenues ou autres tristes expériences en matière de “personnel” peu qualifié.

Louise s'installe donc dans leur quotidien telle une petite fourmi ouvrière, rapide, utile, rassurante. Les enfants redécouvrent la présence affective d'une figure féminine, à défaut d'avoir leur mère, qui fuit - toujours - le foyer. Celle-ci ne s'y épanouit plus et panique rien qu'à l'idée de perdre leur nounou. En effet, son mari évoque une sensation de malaise en sa compagnie. Il n'a pas les mots pour l'exprimer, mais il incite sa femme à chercher d'autres alternatives.

En attendant, le couple continue de s'appuyer sur Louise, femme secrète, silencieuse et troublante. Femme dangereuse. On le sait, le roman s'ouvre sur une scène dramatique, les deux enfants sont morts. Qui, comment, pourquoi. Le roman décrypte tous les signes, tous les signaux, et s'applique à recadrer un tableau sinistre et dérangeant d'une dépendance mutuelle et d'une psychose latente. Le ton est sec et glaçant, mais délivre un suspense envoûtant en nous confiant cette triste radiographie de notre société (ambition, apparence, pouvoir, soumission, autonomie, folie...). Nul n'est épargné - seules les victimes nous touchent par leur innocence et l'injustice de leur tragédie. Pour le reste; la condamnation tombe - implacable et insoutenable.

Collection Folio (n° 6492), Gallimard

 

Posté par clarabel76 à 10:30:00 - - Commentaires [3] - Permalien [#]
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