Je vais rester, de Lewis Trondheim & Hubert Chevillard
Fabienne et Roland viennent d'arriver en vacances à Palavas. Il fait super beau, une brise légère souffle sur le bord de mer. Le couple décide de faire un tour sur la plage en attendant de prendre possession de leur location. Soudain, une bourrasque de vent sème la zizanie chez les plagistes. Et bim, c'est le drame. Là je laisse volontairement planer le suspense... mais Fabienne va avoir le choc de sa vie et se retrouver dans la panade. Contre toute attente, elle décide de rester. Elle compte profiter des vacances déjà programmées et réglées en avance. Elle coupe son téléphone. Rencontre un type dans un bistro. Et refuse de s'épancher. Malgré une couverture estivale, la lecture réserve beaucoup de surprises et beaucoup d'émotions. J'ignorais totalement ce qui m'attendait. Bonjour la claque au tournant. J'ai été abasourdie par le coup de théâtre. J'ai même relu deux fois la scène, envoyé des snaps à mon entourage, car je n'étais pas sûre d'avoir tout compris. Le coup de massue, youhou. J'étais dépitée. Par contre, cela m'a donné envie de continuer ma lecture, d'accompagner Fabienne et de cerner ce qui se tramait dans sa tête, comment elle allait gérer son chagrin. Elle ne laisse rien filtrer, mais se donne une semaine pour flancher ou avancer. Rien que pour ça, je dois dire qu'elle est assez impressionnante - ou déconcertante - car on a un peu de mal à percer sa carapace. Mais cela reste une BD fascinante, au-delà du drame, du cynisme et de la gravité, on retrouve toute l'absurdité des faits divers insolites et l'émotion des amours fauchées trop tôt. À côté, il y a les paysages ensoleillés, l'insouciance des vacanciers, le bleu de la mer et le bruissement des activités touristiques. C'est dans ce doux contraste qu'on réalise aussi qu'on vit sur une drôle de planète ! En bref, un rendez-vous étonnant et riche en émotions.
rue de Sèvres, 2018
Junk Food Book, de Noémie Weber
Le burger est roi à Malbouffe-City ! Le grand patron de Hunger Tiger (représenté sous les traits d'un vilain clown) se frotte les mains de son succès et mène une lutte acharnée contre les trafiquants de légumes. Sa bête noire s'appelle Youssouf Ralatouf, le leader du mouvement d'opposition. Seulement celui-ci est introuvable et file toujours entre les mailles du filet tendu par la police. Il se murmure pourtant que son fils de dix ans traîne en ville et qu'il suffirait de mettre la main dessus pour faire pression sur l'ennemi. Encore faut-il trouver Pépito dans cette jungle urbaine... Les employés du Hungry Tiger, classé numéro dix parmi les meilleures franchises de la planète, n'en mènent pas large. Tous sont dans la confidence - Pépito vit dans une chambre-friteuse à l'arrière du fast-food. Tous les matins, le môme crapahute dans les conduits d'aération pour s'enfiler des donuts et des nuggets à la pelle. Le gosse rêve d'ailleurs de participer au concours de goinfrerie pour y rencontrer ses héros (Kevin McKluskey et Haruki Tokoto). Mais la réalité reprend ses droits et la police resserre soudainement sa surveillance. Le jeune Pépito est repéré - il devient urgent de le conduire à la campagne pour le protéger de lui-même et de ses tentations. Ha, ha. Que c'est drôle ! On découvre avec stupeur une histoire complètement farfelue, où un tigre du Bengale récite du Baudelaire et des poulets proclament du Victor Hugo ! Mais le plus cocasse reste cette idée d'une guerre entre la suprématie de la junk food contre le manger sain & équilibré (cinq fruits et légumes par jour). Les amateurs de verdure doivent se planquer ou subir une cure de rééducation alimentaire. Pour produire à outrance, on n'hésite pas non plus à doper la marchandise (haro sur la farine animale enrichie aux antibiotiques et traitée aux hydrocarbures). Noémie Weber vise juste et bien, son histoire déglingue le système à grandes rasades d'un humour ravageur. Le ton est sarcastique, mais non dénué de vérités et autres signaux d'alerte en démontrant la tyrannie et le régime totalitaire sous toutes ses formes. Voilà une très chouette BD ! Absolument désopilante et étonnante ! Je conseille. ☺
Gallimard Bande Dessinée, 2018