Par un matin d'automne, de Robert Goddard
Leonora Galloway est en pèlerinage dans la Somme pour se recueillir sur la tombe de son père et confier à sa fille tous les secrets entourant son histoire de famille. En effet, le mystère a longtemps plané sur ses parents : sa mère est morte peu après sa naissance, laquelle est survenue un an après la disparition de son père, mort au combat. Cette ombre au tableau familial a ainsi profité à la seconde épouse de son grand-père, une séductrice impénitente, qui a également manipulé son entourage pour dérober l'héritage et exacerber le sentiment de culpabilité de Leonora. Le temps a passé mais les souvenirs sont toujours vivaces. C'est, du moins, ce que m'inspire cette lecture, intense, romantique et captivante. On replonge dans le passé des personnages, dans une Angleterre isolée, en pleine campagne, là où se situe le manoir de Meongate. On revit les bonheurs et malheurs de la narratrice, le drame de ses parents, et tant d'autres vies fauchées ou emportées par le destin impitoyable... J'avoue avoir préféré, de loin, toute la première partie du roman, à Meongate, qui colle typiquement aux grands classiques anglais, car la suite réserve plus ou moins de bonnes surprises (la succession de rebondissements s'avère un peu pénible car peu crédible au final). Somme toute, la lecture est facile, elle s'écoute non sans une certaine dévotion et on y prend goût ! Au casting, Olivier Chauvel est excellent, Bénédicte Charton tient la distance même si elle accentue un poil trop la note mélodramatique à son interprétation.
©2010 Sonatine. Traduit de l'anglais par Marie-José Astre-Démoulin (P)2017 Audible Studios
- Lu par : Olivier Chauvel, Bénédicte Charton
- Durée : 13 h 45
Une enquête de Vipérine Maltais : Mortels Noëls, de Sylvie Brien
Retrouvons notre héroïne venue du Québec dans cette série policière remise au goût du jour (en format poche).
Vipérine et sa sœur Olivine sont élèves dans un pensionnat religieux, à Montréal. Nous sommes en plein hiver 1920 et il fait un froid de canard. Mais un fait plus grave vient les tirer de leur torpeur : une des religieuses prétend avoir échappé à une tentative de meurtre durant son sommeil. La directrice convoque discrètement Vipérine dans son bureau et lui demande de faire la lumière sur cette affaire. Miss Maltais mène son enquête, fouillant dans les archives, en souvenir d'une lointaine légende et du conte d'Andersen.
Ce premier tome donne lieu à des présentations d'usage, assez formelles et néanmoins plaisantes. Pour qui aime le dépaysement et le charme vintage, cette lecture est tout à fait engageante. L'héroïne se caractérise par sa débrouillardise et son intelligence (elle prétend avoir un physique ingrat... c'est faux !). Et même si le suspense n'est pas renversant, l'ambiance est assez semblable aux romans d'Agatha Christie... ma foi, un patronage fort honorable.
La couverture illustrée par Caterina Baldi est également ravissante !
Une enquête de Vipérine Maltais : Mortels Noëls, de Sylvie Brien
Folio Junior (2018)
La Brigade du silence, d'Alex Cousseau & Charles Dutertre
Tous membres d'une même famille, Oncle Jo, Papa Tom, Maman Bou et Sergent Pok forment la Brigade du Silence.
C'est bien simple, ils ne supportent pas le moindre bruit. Ils ont donc déployé les moyens nécessaires pour préserver calme et tranquillité, veillant ainsi à chasser la poussière ou la cacher sous les meubles pour éviter que les Géants (entendez, les humains) ne sortent l'insupportable aspirateur.
Concernant le chien Chester, la solution ne manque pas, dix kilos de croquettes chaque jour et le tour est joué. Notre Brigade du Silence n'est pas peu fière de son ingéniosité et peut se vanter de maîtriser la situation (ou comment étouffer les glouglous des tuyaux en prenant un bon bain moussant).
C'est sans compter sur l'allergie de Sergent Pok à la poussière. S'il en respire trop, il éternue et réveille Chester qui va aboyer comme un forcené et alerter les Géants. L'aspirateur est alors dégainé, mettant au supplice notre Brigade aux tympans fragiles.
Ceci dit, une nouvelle menace semble peser sur la petite famille. Une fillette vient de débarquer à l'improviste. Elle s'appelle Lizzy, elle rit fort et babille sans cesse. Pire, elle souhaiterait s'installer avec eux, dans leur chaussure en cuir au confort luxueux.
Que diable ! Cette lecture est tout bonnement délicieuse et pétillante. On y déguste la plume facétieuse d'Alex Cousseau et la tendresse débordante de Charles Dutertre : un tandem au talent fou.
L'histoire est adorable, composée en trois chapitres de trois aventures farfelues. L'ambiance est charmante et poétique (on trouve des arcs-en-ciel dans la voix, des points d'exclamation en pagaille, un chanson qui donne envie de danser et qui tambourine aux portes de notre cœur).
Comment vous dire ... C'est magique ! La lecture est ensorcelante et prête à sourire. Elle ne demande aussi qu'à être chouchoutée en dégustant une part de hachis parmentier.
Rouergue jeunesse (2018)
Eden, Tome 1 : Le visage des sans-noms, de Fabrice Colin & Carole Maurel
Proche de son quinzième anniversaire, Jonas se prépare à l'Ascension, un concours d'entrée pour intégrer les Élus. Sa sœur Hélix a déjà obtenu son sésame et attend avec impatience de revoir sa famille.
Or, il semblerait que d'autres voies informelles permettraient d'atteindre le sérail et ainsi échapper à sa modeste condition. Au cœur de la ville, la classe laborieuse tire la langue pour joindre les deux bouts, tandis que les élus conservent le privilège de l'éducation et du pouvoir.
La colère gronde dans les ruelles sombres, les silhouettes se faufilent, les oreilles sont grandes ouvertes, les espions font leur sale besogne. Car la révolution est à l'œuvre chez des activistes qui refusent de se planquer davantage.
Jonas en découvre l'ampleur, un peu brutalement, et doit choisir son camp entre loyauté familiale ou ambition personnelle. Que décider ?
Un début de série engageant, asez lisse et ordinaire, car sans grosse surprise. On retrouve dans le scénario toutes les ficelles des romans dystopiques qui ont déjà fait recette : un monde en ruines, une cité bâtie sur les vestiges d'une autre (ici Phoenice est l'ancien San Francisco), le système de castes et la révolte en marche. Voilà, voilà.
La lecture n'est pas désagréable, ni inintéressante, mais j'attends plus de révélations, plus de rudesse et de prospection, car pour le moment je ne suis pas renversée par la tournure des événements. L'univers graphique est charmant. Série en cours.
Rue de Sèvres, 2018
Marco & Co : Adieu veaux, vaches, cochons..., d'Olivier Jouvray & Sylvain Bec
Marco est un petit gars de la campagne, qui a grandi à la ferme avec ses parents, parmi les veaux, vaches, cochons... Mais Marco rêve d'une vie d'artiste. Passionné de dessin, il tente sa chance en s'inscrivant dans une école à Paris, n'imaginant pas encore la possibilité d'y être accepté (notre ami a une tendance chronique à se sous-estimer).
La nouvelle lui tombe sur le bec, bim, Marco a décroché son billet d'entrée. Pour ses parents, c'est aussi la remise en question car il faut organiser le départ de Marco (leur fiston les quitte pour la grande ville, bouh ouh ouh), mais surtout il faut négocier avec Grand-mère Cloclo, une pure citadine qui ne mâche pas ses mots et pense que son gendre est un plouc.
Là aussi, grosse surprise, mamie accepte d'héberger son petit-fils et ne fait pas les choses à moitié. Quand le garçon débarque en avance, pour tâter le terrain, il a déjà un avant-goût de la vie qui l'attend. Déception ? Pas du tout. Marco pressent qu'un nouveau chapitre est en train de s'écrire : vie de château et vie de bohème, c'est tout bon. Notre Marco peut dire adieu à ses racines. Sans le moindre état d'âme.
Franchement, c'est drôle car les personnages sont impayables et grossièrement caricaturaux (à juste titre). Ils collectionnent les situations burlesques, lesquelles s'enchaînent dans des courtes séquences aux chutes folkloriques. C'est vif et farfelu. Légèrement saugrenu. Mais on adore ce ton décalé et plein d'humour.
Cette nouvelle série (prépubliée dans Spirou) va régaler un nouveau public amateur de dérision. On cautionne, à fond.
Gallimard BD (2018)
L'Ogre amoureux, de Nicolas Dumontheuil
Le comte de Barback est un ogre horrible et terrifiant ! Comme son nom l'indique, il adore la viande, la viande, rien que la viande. Il en mange tout le temps. Les habitants ont d'ailleurs appris à composer avec son appétit vorace et ne chôme pas pour lui fournir du bétail à profusion.
Un matin, c'est un renard roux qui est livré au comte. Un renard pas très malin, puisqu'il a été fait prisonnier bêtement en voulant croquer quelques poules dodues. Son compère l'ours l'avait pourtant prévenu, mais allez raisonner un renard affamé...
Dans son malheur, Maître Renard a du bol car Barback est persuadé qu'il détient un pouvoir divinatoire. L'ogre doit prochainement se marier, il est fou amoureux mais ignore tout de sa fiancée. Grotesque, pensez-vous. Ce n'est qu'un début.
Car Barback et Renard partent ensemble à la noce. Ils auront tout lieu de discuter du bout de gras en chemin... Mais ce périple s'annonce également pittoresque. Renard veut se faire la malle, Gros Louis veut le sauver, Barback est doté d'un flair infaillible, et même les petits vieux aux manières doucereuses sont redoutables ! Oh punaise.
Cest affolant de cruauté et de loufoquerie... mais c'est tellement bon à lire ! Ce conte est décapant dans le genre : à bas les clichés et le sirop. On est loin de la lecture gentillette : l'humour est féroce, les personnages sont tous des affreux jojos, l'histoire se barre dans tous les sens et on absorbe tout ça avec des yeux hallucinés.
Verdict : j'ai bien rigolé !
Futuropolis (2018)