La face cachée de Ruth Malone, d'Emma Flint
Un soir d'été, Ruth Malone supporte difficilement la chaleur et la fatigue dans son petit appartement du Queens. Profitant du sommeil de ses enfants, elle sort fumer et promener le chien dans le quartier. Le lendemain matin, elle découvre la chambre vide de ses mômes et signale aussitôt leur disparition.
La police est néanmoins circonspecte quant au déroulement de la soirée. Pour les enquêteurs, il ne fait aucun doute que Ruth Malone est coupable. L'opinion publique aussi se dresse contre elle : Ruth Malone n'est pas affligée par le drame qu'elle vit. Parce que Ruth Malone est une femme séduisante, séparée de son époux. On apprend aussi qu'elle est serveuse dans un bar et collectionne les liaisons.
Dans cette Amérique des années 60, le portrait de Ruth Malone devient sulfureux et blâmable. Et au lieu de se défendre, celle-ci s'enferme dans son mutisme. Elle refuse de coopérer ou de se soumettre au détecteur de mensonge. Elle clame son innocence. Mais elle ne pleure pas, elle ne s'effondre pas en public et elle continue de voir ses amants.
Un journaliste va tenter de donner une meilleure image de Ruth Malone. Chroniqueur au Herald, Pete Wonicke est fasciné par la jeune femme, dont il tombe peu à peu amoureux. Il va mener sa propre enquête et multiplier les articles pour percer “la face cachée de Ruth Malone”.
En somme, toute cette affaire n'est qu'une histoire d'acharnement et de jugement des apparences. Certes, le personnage de Ruth est difficile à cerner et exacerbe toutes les passions. La lecture en devient étrange et palpitante à sa façon. On tourne les pages avec l'envie de comprendre, de savoir, de faire tomber les masques. Le dénouement est effarant.
Entre compassion et écœurement, on referme non sans amertume le dossier de cette affaire très, très complexe. C'est poignant. Et lourd à porter. Délicat et sensible. En bref, ce roman ne laisse pas indifférent.
10-18 (2018) - traduit par Hélène Amalric
Titre VO : Little Deaths
L'été où j'ai vu le tueur, de Claire Gratias
Coincé pour l'été dans son petit village tranquille, pendant que ses copains sont tous partis en vacances, Hugo a déjà prévu de dévorer des romans d'épouvante. Sa rencontre avec Vadim va chambouler son programme. Pour impressionner le chef de la bande, il commence à raconter qu'il existe la Porte du Diable - un conte à dormir debout - dans la cave de sa maison. Son pote mord à l'hameçon et demande à en savoir plus.
Commence donc un vrai challenge pour Hugo : donner le change avec des détails croustillants et ne pas montrer qu'il meurt de trouille au fond de lui. Car le garçon est loin d'être téméraire. Les frissons, les nuits blanches, il les réserve pour ses lectures. En vrai, il a peur de son ombre.
En plus, une drôle de rumeur enfle dans son village. Le chien de ses voisins a été empoisonné. Puis un autre, et encore un autre. Cette hécatombe n'est pas le fruit du hasard. Hugo est persuadé qu'un criminel court dans sa verte et paisible campagne. Il entraîne alors Vadim à sa suite pour résoudre ce mystère.
Que de suspense entre les pages de ce roman ! Les jeunes amateurs vont se délecter. Le déroulement de l'intrigue n'est peut-être guère surprenant (j'ai passé l'âge aussi) mais le reste est bichonné avec soin : on a une ambiance pesante, un climat angoissant, un vrai roman noir. On joue avec les codes du genre, on se prête au jeu et on tourne les pages avec excitation. Le décalage avec le charme bucolique en toile de fond est également admirable.
Une réussite en la matière. Très sympa.
rouergue jeunesse, collection doado noir (2019)