Fin des années 60. Lola Bensky a 19 ans et travaille pour un magazine australien spécialisé dans les nouvelles figures du rock. Entre Londres et New York, Lola rencontre ainsi Mick Jagger, prend le thé avec Paul McCartney, prête ses faux cils à Cher, sauve Jimi Hendrix d'un accident de voiture, discute kilos en trop avec Mama Cass, évoque l'héritage juif avec Janis Joplin et résiste au charme vénéneux de Jim Morrison.
Toutes ces anecdotes font naturellement le piquant de cette lecture, où l'auteur s'incarne dans cette jeune journaliste mal dégrossie, qui souffre de son image, de son poids et d'être fille de rescapés des camps de concentration. Elle revient sur sa famille, les traditions et la religion, son avenir à Melbourne, ville où elle a suivi ses parents et rencontré un petit copain volage.
En fin de lecture, on retrouve Lola Bensky dans un appartement new-yorkais pour un dîner chez des amis. Elle a une soixantaine d'années et croise Mick Jagger, qui lui sourit avec tendresse. Nul ne sait s'il se souvient de cette époque tumultueuse et canaille, s'il a reconnu en elle l'illuminée qui parlait de choux dans le ghetto de Lodz en Pologne. Après tout, quelle importance ? Chacun dorlote ses souvenirs et entretient avec la nostalgie une relation intime et pudique.
En attendant, ce roman se picore par petites bouchées. Et j'ai adoré son ambiance rocknroll, la folie des années 60, la nouvelle scène, les excès, le glamour, la liberté... C'est assez exaltant. Plongée dans cette frénésie, Lola Bensky n'est pourtant pas une rigolote : complexée et triste comme un bonnet de nuit, on la sent davantage simple spectatrice et engluée dans ses problèmes. Au bout du compte, j'ai un peu mis de côté la part confidentielle de Lola pour me consacrer à son travail, ses rencontres surréalistes et légendaires. Pour ça, rien que pour ça, j'ai beaucoup aimé ce roman. Sensation grisante d'avoir voyagé dans le temps et d'avoir touché les étoiles. Un pur bonheur.
10-18 (2016) - traduit par Bernard Cohen
éditions de La Grande Ourse (2014)