25/01/19

La fille de l'hiver, par Eowyn Ivey

LA FILLE DE L'HIVERMabel et Jack ont tout plaqué pour s'installer en Alaska, dans une petite cabane en bois, au milieu de nulle part. Les conditions de vie sont rudes et les désillusions abondent au cours de cet hiver 1920. Le couple se demande s'il ne ferait pas mieux renoncer de cultiver la terre pour travailler à la mine. L'arrivée de leurs rares voisins, les Benson, leur conseillant de tuer un élan et de faire des pancakes au levain en attendant des jours meilleurs, leur redonne finalement de l'espoir. Auraient-ils pu aussi imaginer qu'un simple bonhomme de neige allait bouleverser leur existence ? Ou comment expliquer l'illusion d'un renard et d'une fillette rôder autour de leur maison ? Pour Mabel, fragilisée par ses fausses couches, il ne fait aucun doute que cette apparition est un don de la nature.

Il appartient ensuite au lecteur de succomber ou pas au charme de ce conte, pétri de réalisme magique, qui nous transporte dans une bulle hors du temps. Côté ambiance, on se croirait dans la petite maison dans la prairie, promis, c'est confondant. L'histoire peut sembler étrange et abstraite, alors qu'elle est pleine d'amour et d'abnégation. C'est fascinant. Entre rêve et réalité, on hésite et on se perd facilement. De plus, la nature est magnifique. On découvre une Alaska sauvage et énigmatique, véritable ouverture à voyager et méditer. Ainsi, on oublie tout. On largue les amarres. On chavire. On disparaît dans un méli-mélo onirique. On gobe son pouvoir ensorcelant et mystique. On s'imprègne de sa lumière et on savoure sa poésie. C'était bizarre, mais drôlement beau.

10-18 (2014) - traduit par Isabelle Chapman

titre VO : The Snow Child 

 

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La première fois qu'on m'a embrassée, je suis morte, de Colleen Oakley

La première fois qu'on m'a embrassée je suis morteJubilee Jenkins souffre d'une allergie rare, celle du contact humain, un simple toucher a un effet cataclysmique. Depuis toujours, sa vie est tout sauf normale, elle vit seule, dans sa maison qu'elle n'a pas quittée en neuf ans, entourée de piles de bouquins. Elle reçoit tous les mois une pension versée par sa mère mais comprend que son monde va chavirer en apprenant son décès. Non seulement elle doit sortir de chez elle, trouver du boulot, parler aux autres, mais elle traîne encore une honte qui lui colle à la peau depuis le lycée, d'où la sirène d'alarme, panique à bord, etc.

Elle va néanmoins gérer au mieux tous les obstacles et décrocher un poste à la bibliothèque où elle fera la connaissance d'Eric. Il ne sait rien de ses problèmes, croit qu'elle est seulement excentrique et tombe sous le charme. Certes, sa vie à lui aussi est complètement bordélique : il est divorcé, fâché avec sa fille et tuteur du fils de ses meilleurs amis récemment décédés. En voulant se réconcilier avec son ado revêche, il se met à lire tous ses romans fétiches et rencontre Jubilee déguisée en Emily Dickinson. Et comme dirait Johnny, cette fille-là, mon vieux, elle est terrible.

N'imaginez pas une romance classique, mais davantage une histoire d'émotions et de sentiments, une histoire de complicité et d'apprivoisement, une histoire de tendresse et de sourire. Et c'est tout bon. J'ai craqué pour cette belle aventure de 500 pages, pour toutes ses incohérences et ses étrangetés, parce que l'allergie de Jubilee n'existe pas mais ses effets relatent l'isolement lié à la peur avec volonté d'en sortir pour profiter pleinement de la vie. Comme tout le monde est en plein chaos dans ce livre, le rythme est lent et fait place à de l'observation. Ça fonctionne vraiment bien car j'ai beaucoup aimé prendre le temps de connaître les uns et les autres, de cerner leurs attentes, de partager leurs humeurs et leurs envies, d'assister aux premiers rapprochements. C'est simple mais très touchant. Par contre ça se termine un peu n'importe comment, j'ai bien failli brandir ma pancarte à l'imposture avant de retourner me coucher rassérénée. Un joli petit roman, doux et fantasque.

Milady (2018) - traduit par Alix Paupy

Titre VO : Close Enough To Touch

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Passage des ombres (Trilogie des ombres 3), de Arnaldur Indridason

Passage des ombres

Un vieil homme meurt dans son lit, avec d'anciennes coupures de presse à ses côtés. Sa voisine interpelle un inspecteur à la retraite pour fouiller dans son passé.

En 1944, pendant l'occupation de l'armée américaine, le corps d'une jeune femme est découvert en ville. L'enquête révèle une triste histoire de viol mais piétine dans le vide, ou disons que les conclusions vont laisser un goût amer aux détectives (Flovent et Thorson). Konrad va y remettre un peu d'ordre en nous propulsant dans un contexte délicat, pendant la guerre et la cohabition avec l'armée américaine. À l'époque, les demoiselles batifolent joyeusement avec les officiers aux noms d'acteurs, rêvant d'une vie meilleure ou d'amour romantique, avant de retomber lourdement dans la réalité. On racontait alors que « c'était la faute des elfes » et on méprisait ces filles naïves ou honteusement abusées. Pour Konrad, cette affaire n'a pas tout dit et est vraisemblablement porteuse d'une honte indélébile. À son tour de traquer sans relâche les fantômes du passé, de pointer les erreurs et les condamnations hâtives, lesquelles auraient obnubilé son enquêteur des années durant.

En écoutant cette histoire, je me faisais la réflexion que plus rien ne me surprenait chez Arnaldur Indridason. En fait, je pense en avoir fait le tour. Je reconnais désormais son style, ses personnages, ses intrigues, toujours les mêmes tourments et solutions. Oui, tout est écrit d'avance. On connaît le chemin et on ne se trompe pas. Ce n'est pas un reproche. Après tout, la lecture est classique et convenue. Tout est propre, lisse, attendu. Sans surprise. La lecture par Philippe Résimont est solennelle et au diapason avec les révélations (haro sur les voix féminines, j'insiste). L'auteur joue subtilement avec les émotions en distillant cette touche de nostalgie et de dramaturgie dans ses enquêtes. On en ressort à chaque fois avec le cœur lourd. En somme, c'est incontournable.

©2018 Traduction française, Éditions Métailié (P)2018 Audiolib

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