A59982C'est d'abord l'histoire d'une couverture aux couleurs chatoyantes autour d'une petite maison en bois. Là, vivent Féodora et sa mère Marina, qui ont pour vocation de rendre aux loups leur état sauvage.

Dans cette Russie de Pierre le Grand, il était coutume d'en posséder pour épater la galerie. Mais à trop lui donner l'illusion d'être un membre familier, capable d'être domestiqué, le loup a perdu tous ses repères. Et lorsque ses bas instincts se réveillent, le carnage s'ensuit. Les bêtes condamnées étaient alors expédiées chez des maîtres-loups chargés de leur réapprendre à être sauvages (à l'époque, tuer un loup porte malheur). Seulement, des détracteurs ont rapidement sonné le tocsin et commencé à pourchasser les possesseurs de loups accusés, par exemple, de massacrer le gibier du Tsar.

Par une froide soirée d'hiver, l'armée impériale débarque chez Marina pour l'arrêter sans ménagement, avant de mettre le feu à la maison. Féo parvient à s'enfuir avec leurs trois loups, Nox, Blanche et Patte-Grise. Se sentant humilié par cette fillette trop fougueuse qui a réussi à l'éborgner, le général Rakov lance ses troupes à sa recherche. Féo tombe ainsi sur Ilya, un apprenti soldat terrorisé aussi bien par les loups que par les réprimandes à venir s'il faillit à sa mission. Toutefois, Féo parvient à le convaincre de se rendre avec elle jusqu'à Saint-Pétersbourg pour sauver sa mère.

Esthétiquement, le roman est une vraie réussite, pour le charme qu'il dégage, pour la promesse d'une épopée lointaine et folklorique, pour le cadre de la sublime Russie et ses hivers rigoureux. L'histoire, ensuite, raconte une aventure fascinante avec une héroïne audacieuse, toujours escortée de ses loups. Une pasionaria exaltée par sa soif de justice, qui mobilise les foules et se lance dans des défis qui surpassent la simple action de délivrer sa mère. En effet, la littérature vient à la rescousse des opérations - on gratte les enluminures en or avant de mettre ses chaussons de danse pour entamer une ballet trompeur et faire entendre la vox populi. Instant magique, inoubliable. Cette histoire d'un grand classicisme ne peut que subjuguer son lecteur, par son univers très élaboré et néanmoins fantaisiste, par ses légendes et ses messages de tolérance. On est pas loin du conte, entre rêve et réalité, fable et vérité. En tout cas, c'est envoûtant.

Folio Junior (2019) - Trad. par Emmanuelle Ghez [The Wolf Wilder]

Couverture & Illustrations de Gelrev Ongbico

Du même auteure, vient de paraître : L’explorateur