Le Mangeur d’Espoir, de Karim Friha
Il se passe des choses étranges à Montmartre. Le quartier est hanté par des créatures surnaturelles et des esprits maléfiques.
Rachel souffre de voir sa mère dépérir sous ses yeux à cause de sa dépression. Abordée par un étrange docteur - Adrian Stern - elle hésite à accepter l'idée que le mal viendrait du Mangeur d'espoir. Cette entité démoniaque viendrait ronger l'esprit de ses victimes pour aspirer toute lumière contenue dans leurs souvenirs. Sceptique, Rachel accepte néanmoins de se livrer à une expérience et part affronter cette créature à travers ses songes.
Totale réussite que l'ambiance de ce récit, où se mêlent habilement épouvante et surnaturel. Certaines séquences oniriques filent la chair de poule en s'imprégnant de décors cauchemardesquues. La technique est ingénieuse alors que de multiples émotions se chevauchent, alternant douceur et éloquence dans les expressions. L'emballage m'a franchement conquise ! Pour l'histoire, plus sombre, plus amère, plus poignante, j'ai oscillé entre l'empathie et la résignation. La jeune fille de seize ans est confrontée au deuil et à la maladie - le sujet n'est pas joyeux - donc la tonalité est plombée et inspire beaucoup de gravité.
Mais cette BD est arrivée à point nommé, au cours de ce Mois de l'imaginaire ou consacré aux lectures teintées du folklore pour Halloween. Et ma foi, ce titre est tout à fait indiqué. En parfaite symbiose dans l'humeur du moment. Bon point donc pour cette lecture riche en frissons et qui n'appelle aucune suite.
Gallimard Bande Dessinée, 2020
La Guilde des Aventuriers, de Zach Loran Clark & Nick Eliopulos
Très bon roman de fantasy jeunesse, au schéma traditionnel et néanmoins captivant.
La ville de Pierrefranche organise chaque année la distribution des Guildes à des jeunes apprentis qui voient ainsi leur destin prendre forme. Pour Brock et son meilleur ami Zed, un demi-elfe, le doute n'est plus permis : l'un sera Marchand comme son père, l'autre pourrait rejoindre les Mages. Mais les cartes sont redistribuées quand la Guilde des Aventuriers s'avance pour piocher selon son bon vouloir, chamboulant les vocations. Ainsi, Zed est réquisitionné sans possibilité de refuser. Son pote est outré et se porte immédiatement volontaire pour l'accompagner.
La formation qui va suivre va également bousculer leur confort et les mettre face à une réalité insoupçonnée. Car au-delà des remparts de la ville, les dangers s'épanouissent et s'imposent à une cadence infernale. Zed et Brock s'associent à leurs camarades, comme l'insupportable Liza Guerra, fille de noble, qui ne doute jamais d'elle-même, et Jett Marteau-de-Tonnerre, un nain lourdaud et bon vivant.
Très clairement, les éléments sont communs mais la mécanique en place est efficace : j'ai tout lu d'une traite et j'ai été prise dans le feu de l'action et des révélations. Le roman se lit facilement et dans un style léger qui nous prend en otage (avec notre consentement). Pour une première approche, j'avoue, c'est vraiment convaincant ! La suite sera disponible en Février.
Bayard jeunesse, 2020 - traduit par Françoise Nagel
Bienvenue dans la Guilde des Aventuriers. Nul ne connaît leur nombre exact. Elle est composée d’illuminés à la cervelle ensorcelée et autres créatures corrompues par les démons, tous lourdement armés. Voici la consigne : rester en vie jusqu’à demain matin.
Magnus Million et le dortoir des cauchemars, par Jean-Philippe Arrou-Vignod
Je ne suis sans doute pas la plus objective concernant cet auteur dont j'adore les romans, les histoires et l'humour mais Magnus Million est sans conteste une lecture enthousiasmante & pleine de surprise.
Le roman s'ouvre sur une note de suspense, avec du mystère et des frissons au cours d'une attaque nocturne. Seuls indices : des plumes éparses sur un sol enneigé et perlé de sang. BRRR. Puis l'histoire s'installe doucement et nous rencontrons Magnus.
Magnus Million est un rouquin de quatorze ans au physique encombrant et particulièrement maladroit. Un héros ordinaire par excellence. Son père est richissime, sa mère disparue. Seule sa gouvernante se soucie de lui... et ça lui convient très bien. Il est également sujet à des crises de sommeil qui vont lui jouer des vilains tours (entrée fracassante pour un examen) si bien que le gamin va récolter des heures de colle par milliers. Il est alors expédié manu militari dans le dortoir des élèves les plus indisciplinés de son lycée. Ils sont rudes, ils sont bagarreurs, ils se sentent rejetés et exclus du système, ils n'ont plus rien à perdre.
Dès lors, l'aventure s'élance. Car des faits étranges surviennent sous le nez du garçon mais ne lui semblent pas inquiétants sur le moment. C'est peu après les vacances de Noël que l'angoisse enfle et que la réalité lui saute à la gorge !
HALALA. La narration est toujours aussi entraînante et tourbillonne avec allégresse en variant les émotions. Résultat, on frémit, on sourit, on tourne avec curiosité les pages pour connaître la suite, on s'attache aux personnages, on s'étonne des nouvelles révélations. On se sent merveilleusement bien. Dans cet univers fascinant, teinté de zones floues, de zones sombres, de personnalités éclatantes (il faut rencontrer l'étonnannte Mimsy Pocket par exemple), on s'imprègne des bonnes ondes du roman et on ne veut plus quitter ce cocon.
C'est une lecture fabuleuse. Tout simplement. (Qui a dit que j'ai trop tardé pour y plonger ? Regard courroucé. Chut. Doigt sur les lèvres. Ne dites rien. Je sais.) SOUPIR.
Gallimard Jeunesse, 2011 - Magnifique couverture illustrée par Karim Friha
Dortoirs, cauchemars, chambard et humour noir... Un ton unique, une galerie de personnages attachants, une aventure palpitante. Après Une famille aux petits oignons, Jean-Philippe Arrou-Vignod quitte l'autobiographie pour le roman fantastique. Inutile de chercher sur la carte le grand-duché de Sillyrie, il n'existe pas. Vous y reconnaîtrez un peu de la Syldavie de Tintin, comme vous retrouverez sans doute, dans les orphelins du sinistre pensionnat de Friecke, quelque chose des Disparus de Saint-Agil ou des enfants perdus de Dickens !
Prix Mickey roman 2011
Prix Al terre Ado
⭐⭐⭐⭐