Le Secret de Lost Lake, de Jacqueline West
Tout d'abord, qu'on se pose cinq minutes pour admirer cette magnifique couverture, illustrée par les sœurs Balbusso. S'il vous plaît, merci.
Puis, on peut se pencher sur l'histoire, heureusement entraînante, mystérieuse et fascinante. Pourtant, le démarrage est assez commun : un déménagement dans une petite ville, une famille qui vit à travers la passion d'un enfant au détriment de l'autre, ce qui ne manque pas de susciter quelques aigreurs.
Entrez dans la nouvelle vie de Fiona Crane ! Spectatrice de l'engouement de ses parents, qui se plient en quatre pour les entraînements et les compétitions de patinage de sa sœur Arden, l'adolescente a finalement choisi la fuite et le repli. Direction la bibliothèque de la ville. Un bâtiment historique, qui renferme lui aussi des trésors.
Fiona vient de trouver un vieux livre, La Disparue, dont l'histoire l'interpelle immédiatement. Il est en effet question de deux sœurs, d'une ville et de rumeurs inquiétantes. Sauf que tout va concourir pour empêcher Fiona à avancer dans sa lecture - la jeune fille ne peut pas s'inscrire pour l'emprunter ou le roman va disparaître.
Ou ne serait-ce pas le livre lui-même qui refuserait d'être découvert ? En tout cas, Fiona a la tête farcie de questions et est maintenant complètement obsédée par celui-ci. Elle part donc en quête de preuves, fouille les archives de la ville, parcourt les rues, trouve des similitudes avec son intrigue, détecte des fantômes et des secrets de famille...
Après, il faut reconnaître que Lost Lake est un théâtre grandiose en matière d'ambiance un peu particulière. L'endroit semble non seulement figé dans le temps, mais les habitants sont aussi très curieux et semblent épiés les derniers arrivants de façon fort peu aimable. Atmosphère, vous avez dit atmosphère !
Voilà un petit roman, dédié à la jeunesse, qui procure mine de rien son petit effet. Cette tension dramatique qui monte, qui monte... vous la sentez glisser sur votre peau et vous donner des frissons. C'est subtil, mais très habile. Tout l'ensemble est d'ailleurs étrange, tantôt glaçant, tantôt banal. On croise des questions adolescentes, des rivalités entre frangines, contre des spectres du passé et des rumeurs qui grondent. Quel contraste.
Ce bel écrin promet donc une plongée riche et excitante dans un univers élégamment dressé. C'était charmant, et en même temps sinistre par ses petites touches effrayantes. Une très bonne lecture !
Seuil jeunesse, 2022 - Traduit par Rosalind Elland-Goldsmith
⭐⭐⭐⭐
Pax, le chemin du retour ; de Sara Pennypacker
Attention, ils sont de retour ! Et votre petit cœur sensible va encore souffrir.
On retrouve donc Peter plus déprimé que jamais. Brisé par la disparition de ses proches. Désormais, Peter vit seul et s'isole du reste du monde. Il refuse qu'on s'attache à lui, qu'on cherche à lui tendre la main. Il ne veut plus. Il préfère ne plus risquer de s'attacher, ne plus aimer, pour ne plus souffrir.
Toutes ses pensées volent vers son ami Pax, son renard qui a pris son envol. Lui aussi a tracé son chemin, avec sa compagne, leurs enfants etc. Or, la nature est en péril car les animaux, surtout les plus jeunes, décèdent sans raison particulière. Pax doit donc trouver une solution, chercher un nouveau foyer.
Sauf qu'au moment de partir, il n'a pas remarqué qu'il était suivi pour la petite femelle de sa portée. La plus intrépide, et la plus chétive. D'ailleurs, ça ne manque pas, elle aussi va tomber malade. S'affaiblir au fil des jours. Pour Pax, pour le bien de son enfant, il prend alors la décision de retrouver son humain.
Peter a finalement rejoint des Soldats de l'eau, plus particulièrement un couple, Jade et Samuel, qui vont lui expliquer les ravages de la guerre, la pollution des sols, le plomb dans la terre et dans l'eau. La faune et la flore sont menacés. Peter tient peut-être un début de piste et se lance dans cette aventure, envisageant presque d'extraire l'écharde dans son cœur.
Ce roman ne se destine pas à la jeunesse - enfin, pas seulement. Ce roman est trop bouleversant pour laisser seul un enfant se dépatouiller avec ce trop-plein d'émotions fortes. Le désespoir, le chagrin, le désœuvrement, la solitude... tout vous coule dessus. C'est franchement poignant, mais oui c'est magnifique quand cette plume poétique vous raconte tout ça.
On plonge également dans l'histoire de Pax en s'imprégnant des ressources et des dangers de la nature. On baigne dedans. On ressent la sensibilité des animaux, leur dévouement et leur entraide. Comme des humains, quoi. La cohabitation n'est jamais simple, mais à force d'écoute et d'observation, elle s'apprend.
Une fois encore, je ressors de cette lecture en éprouvant de la gratitude et du bonheur. Certes, c'est un roman émouvant, mais il laisse une empreinte attendrissante et qui fait un bien fou.
Gallimard jeunesse, 2022 - Traduit par Faustina Fiore & Illustré par Jon Klassen
⭐⭐⭐⭐