La route d'Arnold de Pauline Saladin
Je n'ai pas été immédiatement séduite par les illustrations : le petit Arnold n'est pas très mignon (les crocos et moi, ce n'est pas l'amour fou), mais finalement j'ai beaucoup aimé l'histoire et son caractère boudeur, parce que personne dans la famille n'a du temps à lui consacrer. C'est normal qu'il râle ! Il va finir tout seul dans sa chambre, à se bidouiller un monde génial et incroyable ... qui fera aussi toute l'admiration de sa petite copine Adèle.
J'ai donc été totalement conquise par le visuel et les couleurs du livre, c'est frais, moderne, pertinent. Le propos aussi interpellera les enfants qui pensent qu'on les néglige trop souvent au détriment d'un coup de fil à passer, d'un boulot à terminer, de la vaisselle à finir, etc. Cette supposée négligence leur apprendra surtout à devenir autonomes pour se débrouiller comme des grands. Une lecture fort sympathique !
Ecole des Loisirs, octobre 2013
Au secours ! Un ogre glouton de Orianne Lallemand et Clément Devaux
Au secours ! L'ogre a enfermé les six frères de Valentine dans son château. La jeune fille courageuse entraîne le lecteur à leur recherche.
Vite, il faut l'aider à atteindre le garde-manger. On parcourt la maison de l'ogre et la préparation de sa soirée.
Pourvu qu'il ne soit pas trop tard ! Pour s'aider, il y a de multiples volets à soulever comme dans une partie de cache-cache !
Gare à la chute ! Frissons garantis. Mais que cette lecture est drôle !
Certes, elle joue à faire peur, s'amuse à glisser des détails dégoûtants, des indices qui donnent la chair de poule, mais jamais il ne nous viendrait à l'idée de rebrousser chemin. Bien au contraire, on en en demande encore (des farces, des détails glauques, des bonds sur notre siège).
Il existe toute une collection d'ouvrages animés pour jouer à se faire peur, dont le plus célèbre est La maison hantée de Jan Pienkowski, qui bénéficie d'une réédition spéciale à un prix tout aussi discutable.
Au secours ! Un ogre glouton de Orianne Lallemand et Clément Devaux (Nathan, octobre 2013)
Philomène et les ogres d'Arnaud Delalande et Charles Dutertre
*** petite piqûre de rappel ***
Philomène est une petite fille qui n'a pas voulu obéir à sa mère et qui se rend dans la Forêt Noire, la forêt interdite. Elle s'y perd et trouve refuge dans une cabane, en réalisant trop tard qu'elle est tombée sur la maison de l'ogre.
Le cauchemar commence, la fillette tombe dans les pommes et se réveille avec une ribambelle d'enfants dansant comme des Indiens autour d'un grand feu. Tous se moquent d'elle et font des grands gestes. Bouh, la vilaine !
Car Philomène a été transformée en ogresse ! C'est le maléfice de la Forêt Noire, pour en guérir il faut toucher un autre enfant mais Philo est enchaînée, désespérée, elle veut sa maman...
Heureusement, dans le village de Philomène, il y a un homme qui trouve toujours une solution à tous les problèmes. Les enfants aussi vont avoir de la peine pour Philomène, surtout que les ogres ne sont finalement pas si méchants. L'histoire se termine autour d'un grand banquet, les soucis sont oubliés, on gomme le souvenir de la mystérieuse sorcière d'autrefois et on en fait de la ratatouille.
Voilà un conte fantastique, qui veut faire peur et qui est paré de mille couleurs.
Il est également lu par Jean-Pierre Marielle (je craque pour sa voix ! Jean Rochefort me pardonnera cet écart), et prône bien évidemment la tolérance et l'amitié entre les peuples.
En somme, c'est un album joyeux et généreux, avec des illustrations colorées et séduisantes. Et comme nous l'avions beaucoup aimé (lu en 2011), il nous tenait à coeur de le remettre au goût du jour. ♥
Philomène et les ogres (1CD audio) - texte d'Arnaud Delalande, illustrations de Charles Dutertre, musique de David Chaillou - lu par Jean-Pierre Marielle & Agathe Natanson (Gallimard jeunesse, coll. Giboulées, 2011)
Ouste ! de Sally Grindley et Peter Utton
Tiens, il y a des panneaux dans ce livre qui disent de ne pas aller dans la forêt.
Regarde, il est écrit : « Attention aux ours ! Ouste ! »
Là, quelque chose a bougé dans l’herbe. Tout ça ne m’amuse pas du tout. Si on faisait demi-tour ?
Ne me dis pas que tu veux entrer dans la maison des ours !
ARGH !!! Gare à la chute !!!
Cet album se joue du lecteur en créant un suspense de malade, à travers un long, long chemin menant à la maison des ours, au cours duquel moult avertissements sont plantés dans le décor pour inviter les intrus à faire demi-tour.
Bien évidemment, ce n'est ni du courage, ni de l'effronterie, ni de l'inconscience (ou un peu) mais surtout de la curiosité qui pousse à tourner les pages, soulever les petits rabats, pousser les portes, soulever les pierres...
Et qu'est-ce qu'on sursaute à la fin ! Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir été prévenus. Han, han.
Un album réussi, qui fait flipper petits et grands, en travaillant sur la question de la curiosité. ☺
Ouste ! de Sally Grindley et Peter Utton (Pastel, octobre 2013)
3 contes cruels de Perceval Barrier et Matthieu Sylvander
Au potager, les poireaux mènent en général une vie calme et monotone, un peu ennuyeuse même.
Un jour, alors qu'ils sont en train de parler d'igloos, de phoques et d'Eskimos, ils remarquent soudain une grosse tête qui dépasse de la palissade.
Ils sont un peu effrayés, ils n'ont jamais vu de tête aussi grosse.
Les poireaux sont crédules et croient le premier beau parleur venu, ils ont un petit pois à la place du cerveau et sont prêts à se jeter dans la gueule du loup. Ou de la vache déguisée en renne du Père Noël. Ou alors ils s'entretuent au lieu de laisser leurs enfants, Roméo le poireau et Julotte la carotte, s'aimer en paix. Quelle macédoine !
Qu'est-ce que c'est drôle !!! C'est de l'humour noir, je vous préviens, mais c'est jubilatoire.
J'ai adoré ces trois contes cruels, qui mettent en scène des poireaux benêts et des carottes pas plus finaudes. On a aussi droit à notre couple maudit, en clin d'oeil à Roméo et Juliette (là, c'est obligé que le Roméo vous arrache un sourire, rien que pour sa dégaine et sa mèche rebelle... c'est poilant !).
Bref, on trouve de bonnes répliques, des situations loufoques, des retournements de situation à faire glousser dans les chaumières. C'est désopilant, vraiment culotté.
Même les insultes sont délirantes : Carotte, face de crotte, n'a pas de culotte ! - Pomme de terre, MDR, pue la bière ! Mouahaha ! J'en rigole encore.
Tout ça pour dire que je suis absolument fan de ces petites lectures irrévérencieuses, ça change tellement du lisse et du policé ! Oh yeah.
3 contes cruels de Perceval Barrier et Matthieu Sylvander (Ecole des Loisirs, mai 2013)
Un jeune loup bien éduqué, de Jean Leroy et Matthieu Maudet
Ses parents ont cru bien faire en lui enseignant les bonnes manières : se montrer toujours très poli, respecter en toutes circonstances les dernières volontés d’autrui.
C’est pourquoi, chaque fois qu’il attrape une proie, ce jeune loup lui donne le choix. Et tout le monde en abuse, ma foi. La poule réclame un air de musique, le lapin, une histoire… et tandis que le loup part chercher un livre ou un instrument, hop ! Ils filent à l’anglaise.
Mais tout change le jour où le loup capture un enfant encore mieux élevé que lui…
Q'est-ce que c'est drôle !
Cet album figure parmi mes petits coups de coeur, car j'ai aimé son espièglerie, son humour, son dessin et sa mise en scène. Les couleurs aussi sont justes, proprement automnales, tout à fait en accord avec la saison du moment !
L'histoire est toute simple, mais fait preuve d'un peu de malice et pas mal de ruse. A noter, la chute de l'histoire est top ! J'adore. ♥
En somme, c'est une histoire de loup qui revient à ses basiques : on sourit d'abord, on tremble après.
Un jeune loup bien éduqué, de Jean Leroy et Matthieu Maudet (Ecole des Loisirs, septembre 2013)
Le crocolion, d'Antonin Louchard
- Dis, papa, tu sais quel est l'arbre le plus grand d'Afrique ?
- Euh, oui...
C'est le baobab !
(Il peut atteindre 25 mètres)
Comme ce papa est savant !
Il connaît l'Afrique sur le bout des pattes : le plus grand arbre, la plus haute montagne, le plus long fleuve, il sait tout !
Mais connaît-il l'animal le plus méchant d'Afrique, le crocolion ?
Et sait-il pourquoi cet animal est si méchant ?
Sous ses faux airs de document animalier, cet album se révèle une lecture méchamment drôle et futée.
Au centre, un lapin et son papa discutent du bout de gras mais ne tombent pas d'accord lorsqu'il s'agit de l'animal le plus méchant d'Afrique. Le lapin n'en a que pour le Crocolion, une espèce rare, rendue féroce parce que ...
La chute est désopilante ! C'est tout bête, mais c'est le succès assuré auprès des enfants. Et pas seulement.
Déjà, rien que par sa couverture, le livre en jette un max !
Le crocolion, d'Antonin Louchard (éd. Thierry Magnier, août 2013)
Le vieux Cric Crac, de Muriel Bloch et Alexandra Huard
Il était une fois un roi qui refusait de marier sa fille unique et avait mis au défi ses prétendants en créant dans la nuit une montagne de sel. Quiconque serait capable de grimper jusqu'au sommet sans tomber obtiendrait la main de la princesse.
Hélas, tous les garçons tombent comme des mouches, se brûlent les mains et rentrent éclopés. Le roi se félicite de sa trouvaille et crie déjà victoire.
Or, la fille vient de rencontrer un jeune cavalier qu'elle apprécie énormément. Elle souhaite faire de lui son promis, aussi propose-t-elle à son père d'accompagner le prétendant jusqu'à la montagne de sel pour l'aider dans son ascension.
Mais c'est le drame ! La fille du roi va glisser et tomber au creux de la montagne, qui se referme aussitôt sur elle. Le cavalier rentre seul au château, le roi est éploré. Ses soldats tenteront de secourir la princesse, sans succès, et les années vont passer.
La jeune fille est donc tombée au fin fin fond de la montagne et a trouvé refuge dans une maison couverte de feuillage, qui appartient au vieux Cric Crac. Celui-ci est tellement vieux que lorsqu'il marche, ses os font cric crac, cric crac, cric crac. Sa barbe grise est si longue qu'il marche dessus. Bref, il découvre la princesse et la garde prisonnière chez lui.
Tous les matins, le vieux bonhomme cherche sous son lit une échelle minuscule et ferme la porte à clé avant de partir. Il rentre le soir, passé minuit, les poches pleines d'or et d'argent. Il mange de bon appétit, puis se couche et s'endort avec sa longue barbe grise en guise de couverture.
Sept longues années vont ainsi passer. Un matin, le vieux oublie la clé sur la table. Vite, la princesse s'enferme et ignore les supplications du vieux Cric Crac. Elle veut s'enfuir, retrouver son château, son père, son cavalier, sa vie, sa liberté...
Ce conte des frères Grimm raconté par Muriel Bloch est absolument remarquable ! L'auteur explique en fin d'ouvrage que c'est un des tout premiers contes qu'elle a racontés et sur lequel elle a choisi de travailler à nouveau, en y apportant quelques modifications. Car ce conte est effectivement saisissant : son ton, son mystère, son impact, sa ritournelle, sa forêt sombre et angoissante, son vieux bonhomme qui geint encore toutes les nuits... Mazette, quelle rencontre !
Et Muriel Bloch est une conteuse hors pair. Ecoutez, écoutez son Cric Crac, Cric Crac, Cric Crac... Vous vous surprendrez à fureter sous le lit avant de vous coucher, juste comme ça.
Un album entêtant, aux illustrations poignantes, qui ne manquera pas de hanter vos nuits !
Le vieux Cric Crac (1CD audio) de Muriel Bloch et Alexandra Huard (Syros, septembre 2013)
Le Mange-doudous, de Julien Béziat
L’autre jour, un truc terrible est arrivé à mes doudous.
Ça s’est passé quand j’étais à l’école, c’est Berk mon canard qui me l’a raconté. Une espèce de patate molle est entrée dans la chambre. Personne n’y a fait attention. Et puis… GLOUP ! elle a avalé Lapinot !
Malheur ! C'était un Mange-doudous ! Panique à bord, et tous à l'abri ...
Mille et une cachettes plus tard, les doudous n'en menaient pas large. Chut, pas un mot...
Très vite, une ligne de défense s'est mise en place. On ne pouvait décemment pas laisser cet avaleur de doudous agir en toute impunité.
Mais l'ennemi est redoutable et a avalé ses assaillants les uns après les autres. Quel cauchemar, quel désastre...
Il n'en restera qu'UN. Un doudou pas comme les autres. Le chouchou.
Celui qui sent la vieille bave et qu'on ne peut pas laver.
C'est l'Arme Ultime. Le terrasseur du Mange-doudous.
En plus d'être drôle, cet album est vraiment joli à regarder : illustrations et couleurs sont d'une douceur délectable. Ajoutez un suspense de malade dans l'histoire, et vous remportez une totale adhésion auprès de votre jeune public - absolument conquis.
Le Mange-doudous, de Julien Béziat (Pastel, octobre 2013)
La chasse au Grommelon, de Claire Freedman et Kate Hindley
Le Grommelon vit dans une maison située en haut d'une grande colline, isolé et à l'écart de tous. Personne n'est jamais allé chez lui. Impossible alors de vérifier les folles histoires qui courent à son sujet. Kiki la souris propose donc à ses amis, Nonos, Minouche et Lapinou, de s'y rendre !
Rendez-vous est pris au square, dès la nuit tombée. Equipés d'une lampe de poche, d'une corde et de gâteaux, ils grimpent la colline dans un silence inquiétant. Aussi, au moindre bruit, ils sursautent et s'interrogent. La peur les gagne tout doucement.
La porte de la maison n'étant pas fermée, ils entrent sur la pointe des pieds. La tension est à son comble, les craquements leur paraissent tous plus suspects. Ils sont aux aguets, ils gémissent et chuchotent mais ils poursuivent leur expédition.
Les voilà déjà devant la porte de la chambre du Grommelon ! Leur coeur bat la chamade. Ils retiennent leur souffle, s'introduisent en toute discrétion, et là ... CATASTROPHE !
Il faut fuir à toute vitesse, le Grommellon est à leurs trousses, avec ses griffes acérées et une lueur effroyable dans le regard. Et il rugit, il gronde, il leur colle aux basques. C'est insupportable !
Cet album au suspense maîtrisé, habile et efficace, joue délicatement avec les nerfs du lecteur grâce à cette histoire qui fait peur (mais fait sourire en même temps), surtout la fin est bien sympathique. ;o)
Le design est également de toute beauté : couverture au toucher tissé, illustrations vintage, sens de la lecture qui tournicote. La mise en scène est astucieuse, même le vocabulaire est choisi exprès pour donner la chair de poule. Il y a vraiment de solides arguments pour attirer le lecteur et le faire craquer !
Succombez sans hésiter à ce rendez-vous absolument charmant, pour frissonner de plaisir et jouer le jeu de la traque infernale. C'est adorable ! ♥
La chasse au Grommelon, de Claire Freedman et Kate Hindley (Gallimard jeunesse, août 2013)