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Chez Clarabel
21 juillet 2010

Mon bel amour...

Ce roman avait été préalablement publié en 2004 en collection poche. Il s'offre aujourd'hui un format plus confortable, une couverture plus romantique pour une histoire qui ne devrait pas décevoir les jeunes lecteurs. Par contre, le plaisir procuré demeurera succinct et fugace. Ce livre se lit effectivement en deux heures à tout casser. Son histoire est émouvante, elle raconte une histoire d'amour entre Elisha et Miah dans un New York contemporain et compartimenté par ses quartiers, bien souvent selon la couleur de peau. Elisha est blanche, de confession juive et vit à Manhattan. Miah est noir, habite Brooklyn et est le rejeton de deux sommités intellectuelles. C'est finalement la conjugaison de leurs deux solitudes qui va rapprocher nos adolescents, au détour d'un couloir de leur école privée. Leur rencontre a eu lieu sur un coup de foudre. Le temps d'un automne, Miah et Elisha vont donc s'aimer. Comme la plus belle des évidences. Et braver les regards des passants, leurs propres aprioris et les jugements de leur famille.

Mon_bel_amour_de_Jacqueline_Woodson

En fait, il ne se passe pas de réel conflit, pas de gros clash à la Love Story (d'Erich Segal) mais on ressent toute l'amertume des deux protagonistes via l'alternance de leurs points de vue, chapitre après chapitre. Ce n'est pas lourd, juste poignant et terriblement romantique. Un vrai mélo, en somme. Le roman se boucle même hâtivement, nous laissant une impression d'être passé à côté de quelque chose, sans pouvoir le nommer. C'était là, on était à deux doigts, et puis c'est déjà fini. Trop bref, trop furtif, trop insaisissable. L'histoire d'amour est également trop convenue, elle ne sert de prétexte que pour aborder la question des différences et mettre en avant la très touchante réflexion psychologique que Miah et Elisha sont amenés à produire. Par contre la relation des enfants avec leurs parents m'est apparue originale, même si peu crédible. C'est toutefois ce qui a su me plaire et m'intriguer dans ce livre.

Mon bel amour... ~ Jacqueline Woodson
Hachette (2010 pour la présente édition) - 240 pages - 12€
traduit de l'anglais (USA) par Luc Rigoureau

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9 juillet 2010

Pêle-mêle Polly

Le Mot de l'éditeur : Pêle-mêle Polly

Déjà le premier jour de septembre et bientôt la rentrée. Polly n’a aucune envie de reprendre les cours ni de retrouver les autres. À coup sûr, pour être heureuse, il faudrait fuir. Fuguer. Maintenant. Pourtant, avant la fin de l’été, les choses étaient différentes. Polly croyait qu’il existait des sésames pour le bonheur. Comme cette Cléo aux yeux bleus dansant pour elle sur la plage d’Houlgate. Mais tout se perd. Tout s’abandonne, même les amies. Polly n’a pas pu faire autrement. Elle a fait comme son père : abandonner avant de l’être. À Houlgate, Polly s’est souvenue de lui, de leur unique rencontre, l’été de ses six ans. Une angoisse terrible, comme une bulle pleine de rien, l’a envahie. Depuis, Polly ne voit plus que lui. Elle doit reconstruire le puzzle de ce père absent. Maintenant. Mais avec quoi attrape-t-on un fantôme ?

 

pele_mele_polly

Ce roman figure parmi les titres conseillés pour l'été par L'école des loisirs. Aussitôt, mon esprit s'est imaginé une lecture légère et rafraîchissante, d'ailleurs le résumé parle de la plage d'Houlgate, mon petit coeur a fait un bond, j'ai foncé tête baissée.
Ouch.
Ce roman est d'une sensibilité, c'est inattendu et extrêmement délicat. Très à fleur de peau. Je m'y sentais comme sur des coquilles d'oeufs. Donc, j'ai tout repris à zéro pour mieux plonger dans cette histoire de quête des origines. Polly, la narratrice, est une adolescente mature, réfléchie, solitaire et malheureuse. Elle ne connaît pas son père, ni sa mère ni sa grand-mère ne lui en parlent, elle ne dispose que d'une photographie très floue de lui et se souvient l'avoir vu pour la première (et seule) fois à l'âge de six ans. Elle se rappelle des détails et des contours mais a oublié les mots, les paroles, les traits de son visage.
Aujourd'hui, en cette veille de la rentrée, Polly vide et range les cartons de sa famille en nous offrant un pêle-mêle raffiné de ses émotions, ses souvenirs, ses doutes, ses besoins. Sur la plage, à Houlgate, Polly a rencontré Cléo qui dansait et dessinait des arabesques sur le sable. Et puis Cléo est partie... Sans le vouloir, cette rencontre a bouleversé Polly. Il faut que sa grand-mère lui explique pourquoi ceux qu'elle aime la quittent, car elle en souffre et sa bulle pleine de rien est en train de se crever.
Je me suis noyée de plaisir parmi les lignes de Gabriel Martiarena, c'est un roman admirablement bien écrit, très élégant, classique, guindé sans être pédant, et au charme suranné. Par contre, ce classicisme marque aussi une certaine distance et il n'est pas facile de se fondre dans l'histoire. C'est beau, très sensible mais l'histoire ne nous transporte pas. Il faut davantage considérer ce roman comme un brillant exercice stylistique.
A conseiller aux très bons lecteurs (adolescents) et plus.

Pourquoi faut-il que tout ait une fin ? En ce premier jour de septembre, une nostalgie lourde me serre la gorge. Je repense à cet été qui s'achève, aux arabesques de Cléo sur le sable de l'immense plage normande. Bientôt, il faudra retrouver la compagnie étouffante et imposée de camarades de classe. Je sens poindre l'envie de fuguer. Le goût de la fuite me taquine. Je ne suis pas courageuse, non, vraiment pas. J'ai le sentiment profond que seuls les fuyards sont heureux. Soyons lâches, évitons les contraintes !
J'ai perdu Cléo, l'escalier bigarré... Il me reste Mamée, maman. Et l'absence obsédante de mon père.

Si j'oublie son absence ? Si j'oublie son absence ! Est-il seulement possible de s'affranchir de ce qui n'est pas ? Oublier revient à soustraire quelque chose de sa mémoire. Mais quand cette chose est un néant, comment s'en délivre-t-on ? Par quel bout s'empoigne le vide quand on veut le flanquer dehors, le bazarder ?
Je ne connais pas mon père, ou si peu. Pourtant il me pourrit l'existence. Je voudrais le frapper, lui hurler ma haine. Mes poings s'agitent dans le vent, mes cris ne rebondissent sur aucune chair. Lutter contre un fantôme.

Pêle-mêle Polly ~ Gabriel Martiarena
Médium de l'école des loisirs (2010) - 118 pages - 8,00€
illustration de couverture : Franck Juery

30 juin 2010

Rock & Love

Alors qu'elle brique à fond la maison, Evangeline découvre, dans la chambre de sa mère, sa planque de romans à l'eau de rose. En voilà une surprise ! Ni une ni deux, la demoiselle plonge son nez dans ces histoires pleines de types torse nu et de femmes en pâmoison. Non, ce n'est pas sa tasse de thé. Et pourtant, Evangeline ne décolle pas d'un bouquin intitulé Un baiser rouge passion et s'identifie même à l'héroïne. Elle est comme sonnée. Suite à cela, un constat s'impose, sa vie est trop triste et sans saveur (son père a quitté le foyer et sa mère est totalement déprimée). Du coup, l'adolescente change de look, range au placard sa tenue de petite fille sage et compte bien vivre ses fantasmes, à commencer par décrocher son baiser rouge passion. Plus facile à espérer qu'à concrétiser ! Evangeline embrasse les candidats tous plus canons les uns que les autres, mais point de septième ciel au bout. Terriiiiible déception.

Rock___love_de_Wendelin_Van_Draanen

J'ai trouvé le début enthousiasmant, frais, rigolo et pétillant, avant de peu à peu sombrer dans l'ennui. Autant la collection Wiz peut m'arracher des cris de joie et me faire taper dans les mains, autant j'ai du mal à prendre mon pied avec Bliss. Rock & Love, le roman de Wendelin Van Draanen, confirme. Ce n'est pas uniquement une imitation de chick-lit, le but de la ligne éditoriale est de divertir tout en ne prenant pas les lecteurs pour des imbéciles. Le fond du problème n'est donc pas ici de savoir si Evangeline atteindra ou pas son but, mais plutôt pourquoi elle agit de la sorte. Car en fait on découvre qu'elle est fâchée avec son père, elle refuse de lui parler depuis le divorce et lui fait porter le chapeau du naufrage de leur vie de famille.

Tout ceci me lasse. Finalement je n'ai pas été sensible à l'humour d'Evangeline, j'étais incapable d'excuser son attitude très girly (le gloss, la poudre, la coupe de cheveux, la tenue glamour) et encore moins d'encourager son marathon du baiser qui donne des frissons. Plus jeune, oui, j'aurais sans doute rigolé. Mais là, ce n'est plus possible. J'étais parfois tentée de trouver ça lamentable, peu crédible et superficiel. Le conflit familial sert d'excuse, mais est-ce assez pour légitimer le délire du baiser rouge passion (embrasser tout et n'importe quoi, au risque de se tailler une réputation déplorable) ? Le lecteur en jugera par lui-même.

Couverture illustrée par Pénélope Bagieu.

Rock & Love ~ Wendelin Van Draanen
Bliss chez Albin Michel (2010) - 338 pages - 12,90€
traduit de l'anglais (USA) par Cécile Moran
 

13 mai 2010

Un automne à Kyoto (Karine Reysset) & Le tueur à la cravate (Marie-Aude Murail)

A suivre, deux romans récemment publiés par l'école des loisirs.

Je commence par mon préféré : Un automne à Kyoto de Karine Reysset.

Un_automne_a_Kyoto_de_Karine_ReyssetC'est un petit roman très attachant, qui raconte le voyage de Margaux au Japon (son père a obtenu une bourse pour résider à la Villa Kujoyama de Kyoto). En plus d'être dépaysante et poétique, l'histoire nous invite à explorer les états d'âme de l'adolescente dont le petit monde est en train de se fissurer de partout. D'abord, il y a la distance qui s'installe avec son petit copain, resté à Saint-Malo, puis l'humeur morose de son père, accaparé par son travail, et l'absence de leur mère, qui ne les a pas accompagnés à cause de son travail, et enfin Eric, leur voisin photographe, qu'on nous présente avec un sourire carnassier et qui, à force de croiser Margaux, va affoler les battements de son coeur. 

C'est une histoire touchante, avec quelques pointes d'amertume, sur ce qui fait et défait un lien, sur ce qui fait grandir aussi, sur les petites choses belles, touchantes, émouvantes, celles qu'on regrette, celles qu'on ne supporte plus. Ce beau voyage au Japon va faire exploser le coeur et la tête de Margaux, mille sensations sont attendues, avec cette petite phrase qui dit peu et tout à la fois : " Kyoto, il est temps que je parte, tu m'as ensorcelée, divine, tu m'as presque rendue folle, tu nous as tous rendus fous. Tu vas me manquer. "

Vraiment un joli roman qu'offre Karine Reysset, qui s'inscrit entre le carnet de voyage et le roman d'apprentissage, enrichi d'haïkus et d'illustrations sur les paysages de Kyoto.

Coll. Médium, EdL (2010) - 176 pages - 10,00€
illustration de couverture :  Hélène Millot

Le deuxième livre est celui de Marie-Aude Murail, Le tueur à la cravate.

Le_tueur_a_la_cravateJe crois avoir été plus emballée par le journal de bord que par l'histoire policière elle-même. En effet, sur quelques 70 pages, l'auteur nous raconte son métier d'écrivain et la lente élaboration de son dernier roman (pour tous ceux qui se posent la question, d'où vous vient l'inspiration, comment naît un roman, vous serez servis !). Donc, Marie-Aude Murail vient de terminer Malo de Lange et songe déjà à son prochain projet - un livre sur la mythologie grecque ou les réseaux sociaux du net. (Finalement, MAM optera pour la deuxième option.) Et c'est tout simplement cocasse de la suivre sur les pistes des blogs, de sites des copains d'avant, de facemachin, une sorte de pélerinage dans un pays inconnu qui la déconcerte et la met mal à l'aise. (Bon, il faut noter que l'auteur est absolument farouche au principe d'exhibition, mais elle ne juge pas, elle s'interroge et elle pose un regard innocent et sévère à la fois.)

Bien sûr, il y a d'abord le roman à lire pour frissonner de plaisir. Le Tueur à la cravate se veut un très bon thriller, où tout commence quand deux adolescentes postent la photo de classe des parents de Ruth sur un site du genre perdu-de-vue. A partir de là, les vieux démons vont se réveiller car nos demoiselles ignorent qu'un macabre fait divers a secoué la classe de TC3 qui appartenait au père de Ruth, à sa mère et la soeur jumelle de celle-ci. Vingt ans plus tôt, donc, cette dernière a été sauvagement étrangée, le corps jeté dans la Charente, le meurtrier mis sous les verroux, même si pendant un temps c'était le père de Ruth, lui-même, qui avait été suspecté. Aujourd'hui chirurgien estimé, Vincent Cassel élève seul ses deux filles, depuis la mort soudaine de son épouse. C'est beaucoup pour un seul homme, pense-t-on.

L'histoire nous en montrera d'autres, des vertes et des pas mûres, et durant une lente et haletante montée en pression, l'intrigue ressert son étau de façon inexorable (même si j'avais facilement deviné la fin). Malgré tout, cette histoire policière ne prend pas ses lecteurs pour des idiots, il y a des morts, des suspects, des psychopathes et des beaufs. Au milieu, on suit une jeune fille qui, en perte de repères, ne va plus savoir à qui accorder sa confiance (et on la comprend tout à fait !). C'est un roman noir, à l'ambiance oppressante. Et je crois que, pour un lecteur qui n'est pas encore trop usé par les ficelles du genre, ce livre conviendra parfaitement.

coll. Médium, EdL (2010) - 362 pages - 11,50€
illustration de couverture :  Franck Juery

12 avril 2010

Personne ne revient des Enfers.

Jack_Perdu_et_le_royaume_des_ombres_de_Katherine_MashNe serait-ce point une couverture illustrée par Benjamin Lacombe ? Si, si.
Est-ce sa faute si j'ai voulu découvrir ce roman ? Oui, un peu. Beaucoup.
Et j'aime quand le hasard se révèle si profitable car j'ai beaucoup apprécié Jack Perdu et le royaume des ombres.
C'est l'histoire d'un garçon de quatorze ans, Jack, qui vit avec son père à New Haven sur le site de l'université de Yale, où son père enseigne l'archéologie. Sa mère est décédée huit ans plus tôt, alors qu'elle était à New York et qu'un échafaudage s'est écroulé sur elle. Son absence pèse beaucoup à la maison, d'autant plus que c'est un sujet inabordable. Son père est trop triste d'y repenser et ne veut plus en entendre parler. Soit.
Un jour qu'il se promène le nez plongé dans Ovide, car Jack est un passionné de lettres classiques, il ne voit pas la voiture au moment de traverser et se fait renverser avec un beau vol plané. Le garçon s'en sort sans un bleu, mais son père préfère l'envoyer chez un médecin à New York pour plus de sécurité.
Le docteur Lyons le trouve en pleine forme, se contente de le prendre en photo avec un vieux Polaroid, merci, au revoir. Retour à la case Grand Central où son train l'attend. C'est alors que Jack fait la connaissance d'une écolière qui se prénomme Euri. Elle l'invite à le suivre, lui proposant de visiter les sous-sols de la gare. Jack accepte.

A ce stade, cinquante pages ont déjà été lues. C'est le feu vert pour aller encore plus loin, pour découvrir ce qui attend Jack au-delà du quai soixante et un. Le royaume des ombres, on s'en doute. Mais quel est-il ? J'ai envie de laisser le doute flotter. Envie de vous livrer à la totale inconnue - comme moi, au départ. Envie de vous inviter à prendre la corde et de suivre le chemin. N'ayez aucune crainte, la plongée sera sans douleur, juste excitante et pleine d'enchantement. Car au bout du tunnel, la découverte est riche, vraiment étonnante, avec ses théâtres, ses bars, ses bibliothèques et ses clubs des poètes disparus. Règne aussi un soupçon d'interdit et de menace - Cerbère, le chien à trois têtes, et son Gourdin de maître sont toujours dans les parages pour mettre la main sur les resquilleurs. Car, Jack a pénétré un monde censé être invisible aux yeux des mortels. Ce sont les Enfers de New-York. Pourquoi, comment. C'est énorme à expliquer. Une seule chose compte : Jack a enfreint les lois du royaume souterrain dans le seul but de retrouver sa mère, Anastasia.

C'est un roman vraiment passionnant, qui revisite l'histoire d'Orphée et Eurydice, en s'appuyant sur d'autres anecdotes issues de la mythologie grecque, en plus de quelques emprunts à la poésie (John Donne, Emily Dickinson, Dylan Thomas et même Tennessee Williams). Ce fut une plaisante et enthousiasmante découverte, qu'illustre à merveille la couverture de Benjamin Lacombe.

Une suite a été publiée en 2009 (sortie USA) : The Twilight Prisoner. Une traduction française est-elle envisagée ?

Jack Perdu et le royaume des ombres ~ Katherine Marsh
Albin Michel, coll. Wiz (2008) - 250 pages - 12€
traduit de l'anglais (USA) par Luc Rigoureau

A partir de 14-15 ans.

 

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9 avril 2010

Banal certes, mais il vient de Chine, et un timbre chinois a une valeur négociable dans une cour de récréation.

Chaque quinzaine, Fengfeng lui envoie tous les petits mots qu'il lui a écrits. Ce sont des miettes de sa vie qui, mises bout à bout, font une lettre. Ce soir, il la termine :

Grand-mère, aujourd'hui, on  a souhaité l'anniversaire de maman avec un énorme gâteau à la crème, et avant, on avait dîné au restaurant de papa. Et aussi, maman est allée se faire friser les cheveux, et ça lui va très bien. Tu vois qu'on s'amuse tous les trois ! Fais bien attention à ta santé ! Fengfeng

Et plus tard, dans le carnet jaune, il note, en tout petit :

Maman s'est fait faire des boucles si raides que je trouve ça affreux, et toi, grand-mère, tu détesterais aussi, j'en suis sûr ! Papa avait imaginé lui offrir une machine à faire des nouilles ! Il est pas fichu de lui faire plaisir ! Tout ça me rend triste.

Miettes_de_lettres_de_Anne_ThiollierArrivé depuis trois ans en France avec ses parents, Fengfeng a le mal du pays en pensant à sa grand-mère. Il lui écrit des lettres où il édulcore son quotidien, faisant passer sa nouvelle vie merveilleuse et idyllique, mais en cachette, il tient un carnet secret où il raconte la réalité : solitude, dépaysement, incompréhension, clivage culturel et générationnel. Fengfeng est un garçon obéissant, un très bon élève qui a su rattraper son niveau et égaler les meilleurs, c'est un exemple et pourtant il se sent mal dans sa peau. A l'école, il n'a pas d'amis. Il reçoit même des menaces et des insultes le traitant de chinetoque. Il n'en parle pas à ses parents, lesquels ont aussi leurs propres secrets. Sa mère travaille comme une malade sur sa machine à coudre et son père rentre tard du restaurant où il est employé et passe ses soirées à l'extérieur sans plus d'explications. La vie à Paris n'est vraiment pas rose ! Fengfeng ne veut pas faire de peine à sa grand-mère, la faisant mijoter dans sa douce illusion d'une vie en carton pâte. En vrai, Fengfeng n'a jamais quitté son quartier du XIII°, il ne connaît pas la Tour Eiffel, son quotidien est toujours englué dans un sectarisme figé et rien, absolument rien, ne laisse présager d'un lendemain meilleur.

Anne Thiollier a écrit un roman qui raconte comment on se sent dans la peau d'un jeune immigré, totalement déphasé par le choc culturel. La personnalité de Fengfeng est très attachante. Au départ, le garçon est calme, obéissant, il pose des questions mais il n'ose pas encore contester l'autorité parentale. Un peu grâce à ses rencontres, et à son amitié avec un camarade de classe, Fengfeng va comprendre le monde qui l'entoure, comprendre qu'il peut s'affirmer et faire face à la réalité sans voir son univers s'effronder, c'est un garçon intelligent et jalousé car il réussit là où d'autres échouent. Il comprendra aussi que certains connaissent un sort affligeant à cause de l'esclavagisme ou de la clandestinité, et que sa propre culture chinoise peut également briser certaines familles (pour des histoires de clans ou de mariage). Le roman se termine sur une note d'espérance et de foi en la vie qui fait plaisir à lire.

La dernière phrase : Et le bouillon pour les pâtes commence à embaumer la pièce.

Miettes de lettres ~ Anne Thiollier
Seuil jeunesse, coll. chapitre (2010) - 172 pages - 8,50€
illustration : Barroux

A partir de 11 ans.

 

8 avril 2010

Tall Jack, emmène-moi.

IMGP7348A lire comme ça, l'incantation semble sortir d'un film d'horreur ! Et c'est presque cela.
Tall Jack, emmène-moi. Ou Malice, la bd maudite. Ce sont des mythes, passés sous le manteau, qui évoquent un univers proche de la légende urbaine. Malice n'existerait que dans les rêves les plus fous, et Tall Jack ne serait qu'une farce pondue un matin par un petit plaisantin.
Oui, d'accord. Mais tout ceci excite l'imagination et fait naître une véritable légende.
Aussi, lorsque Luke met la main sur LA bd interdite - Malice - son sang ne fait qu'un tour. Il continue d'enfreindre les règles en la lisant - des planches où règne une atmosphère étrange et horrible - et il met en scène le rituel pour appeler Tall Jack. Ce soir-là, dans sa maison plongée dans l'obscurité, rien ne se passe. Néanmoins, Luke est rongé par la peur et les doutes. Ses amis, Seth et Kady, se font du souci et apprennent très vite pourquoi. Mais trop tard, car Luke disparaît sans laisser de traces.
L'enquête commence - Seth va retrouver la librairie où son ami Luke a plongé en enfer, puis va accomplir le cérémonial maudit tandis que Kady servira d'agent sur le terrain.

Tout paraît très confus à expliquer, mais l'univers de Malice est proprement sombre, mystérieux et envoûtant. Je comprends la fascination qu'elle exerce sur les adolescents, alors qu'elle est à double tranchant. Malice est un monde parallèle d'où on ne revient jamais complètement indemne. Si seulement on en revient... Car il faut survivre contre les abominations lancées par Tall Jack. Le pire, on le découvre grâce à un procédé ingénieux, c'est de lire en direct sur les planches de bande dessinée le funeste destin que vivent ceux qui ont franchi la limite. De découvrir donc ce qui est arrivé à Luke et ce que va connaître Seth à son tour.

Palpitations assurées !

Quand j'évoque un procédé ingénieux, c'est en rapport avec l'esthétisme de l'ouvrage. Un petit prodige à lui tout seul ! La couverture, d'un beau rouge sanglant, montre en relief le redoutable personnage de Tall Jack. A l'intérieur, le roman flirte avec des pages de bande dessinée. Au sens le plus strict, le lecteur est donc véritablement plongé dans l'histoire. Cette mise en scène participe activement à capturer l'intérêt et à nous condamner à lire jusqu'au bout cette histoire de fantasy sombre et terrifiante. A conseiller aux jeunes amateurs d'histoires à sensations.

le site : http://www.malice-lelivre.com/

Malice ~ Chris Wooding
illustration de Dan Chernett
traduit de l'anglais par Faustina Fiore
Casterman, 2009 - 410 pages - 14,95€

La suite RAVAGE devrait paraître au printemps 2010. La série est en deux tomes.

16 mars 2010

Un garçon fasciné par les multiplexeurs d'accès DSL serait forcément repéré.

Un garçon collectionnant des cartes de sport, non.

evil_geniusCadel Piggott, sept ans, est un esprit brillant. Frappé d'interdiction de toucher, ou même d'approcher, le moindre ordinateur, pour cause de piratage, il doit consulter un psy, Thaddeus Roth, pour l'aider à se sevrer et à guérir de son addiction informatique. Hélas, ce docteur se révèle être le bras droit de Phineas Darkkon, un type actuellement en prison, qui prétend être son véritable père. C'est beaucoup pour un seul bonhomme. Néanmoins, Cadel est tout émoustillé car, pour la première fois, il se sent traité à part et presque comme un adulte. Il tombe facilement sous l'influence de son psy, qui l'encourage à passer encore plus de temps sur l'ordinateur et à mentir à ses parents adoptifs (deux guignols grotesques et caricaturaux). Cadel rejoint ainsi de son plein gré la Force Obscure. Le procédé est sournois, diabolique mais remarquable.

En grandissant,  Cadel développe ses talents et n'hésite pas à les tester (il brouille les circulations et les systèmes, il se venge sur ses établissements scolaires, ses profs ou ses camarades avec lesquels il ne s'entend pas), il agit petit mais ses actes ont des conséquences de plus en plus importantes, pas bien méchantes, Cadel est un hacker dont le but est d'embêter le monde, sans réellement lui nuire. De plus, il est encouragé par Roth et Darkkon, qui lui fournissent du matériel dernier cri, mais on se doute que rien n'est purement gratuit ou innocent, pas juste le fruit d'un zest de fierté paternelle, il y a de l'intérêt caché ou je ne m'y connais pas ! Et c'est ainsi qu'il finit par intégrer l'Institut Axis, une école fondée par son père où il est de bon ton de déroger aux règles et d'agir pour le mal. Et là, Cadel n'est plus sûr de lui et encore moins sûr d'avoir fait les bons choix.

J'étais curieuse de lire ce roman, sa couverture et son résumé me semblaient captivants. Au final, je suis assez déconcertée. De par l'épaisseur du livre (500 pages), l'histoire peine à maintenir une constance pour intéresser le lecteur, c'est long et plutôt lent. Et même si certains passages me rappelaient Artemis Fowl ou Alex Rider, Cadel Piggott ne possède pas la même étoffe - à mon goût.  Le roman ne manque pas d'humour, ni d'action pour décrire ce génie du mal. Il fait aussi preuve d'une démonstration habile de la manipulation mentale, de l'espionnage et du contre-espionnage, de l'infiltration, de la duperie, du bon et du mauvais, bref il y a matière à passionner les jeunes amateurs de technologies nouvelles, avides de sensations. (Un simple coup d'oeil au programme de l'institut Axis vous donne une idée de l'ambiance ! C'est pervers et diabolique, tout en restant parfaitement moral à la fin.)

Premier tome d'une trilogie qui se poursuit avec Genius Squad et The Genius Wars.

dès 13-14 ans.

Evil Genius ~ Catherine Jinks
MsK (Le Masque), 2010 - 500 pages - 16€
traduit de l'anglais (Australie) par Karine Suhard-Guié

12 mars 2010

Le ramassage de poubelle est un symptôme de béguinite flagrant.

la_formule_du_succesCe petit roman a été une agréable surprise. Il est drôle et très fin. Il raconte l'histoire d'une fillette de dix ans qui rêve d'apprendre à jouer du piano et se retrouve avec un orgue. Enfin, il s'agit tout de même du Perfectone D-60 ! Pour Zoé qui rêvait de devenir la nouvelle Vladimir Horowitz pour briller au Carnegie Hall, la désillusion est énorme. Toutefois, inutile de baisser les bras. Elle suit avec assiduité les cours de Mabelline Person, un prof particulier qui aime boire du Canada Dry bien frais et qui jure en employant des expressions cocasses comme "Nom du barbier de Beethoven" ou "Sainte mère de Mozart". Là encore, la réalité dépasse ses espoirs les plus fous, car c'est sur un genre de répertoire musical très différent que Zoé va apprendre ses gammes (les vieux génériques d'émission de télé ou les chansons des années soixante-dix). Qu'importe la déconvenue, Zoé a bien l'intention d'être la meilleure et de remporter le premier prix du Concert-O-Rama de Perfectone auquel elle participe.

Pour l'occasion, tout le monde devra se surpasser. Et c'est un peu le leitmotiv du roman, ce ne sont pas les humiliations qui comptent dans la vie, c'est le résultat, c'est l'effort, c'est la volonté de se donner à fond et c'est le plaisir d'avoir atteint son but, c'est l'amour d'une famille, c'est le courage d'affronter ses peurs (le papa de Zoé refuse de sortir de chez lui et d'être parmi la foule), de trouver du temps pour les siens (la maman de la petite fille est accaparée par son job). Bref, c'est drôle, distrayant, tendre et généreux. Un peu émouvant aussi. Cela fait surtout comprendre bien des choses, de plus on s'attache beaucoup à cette famille hors du commun.
 

Je le recommande. Pour tous.

La Formule du succès ~ Linda Urban
Neuf de l'Ecole des Loisirs, 2009 - 250 pages - 11,50€
traduit de l'anglais par Cyrielle Ayakatsikas
illustration de couverture : Audrey Poussier

On peut feuilleter les premières pages sur le site d'amazon.

Un extrait :

Nous avons 432 rouleaux de papier toilette dans notre sous-sol. Quatre cent trente-deux. Assez pour tenir jusqu'à mon entrée à l'université, dit ma mère, à condition qu'on l'utilise avec modération. Elle a fait le calcul. Une famille de trois personnes - dont une est au travail presque toute la journée sept jours sur sept et une autre à l'école d'Eastside cinq jours par semaine - consomme environ un rouleau de papier toilette par semaine. Ce qui veut dire qu'on utilisera cinquante-deux rouleaux par un. 52 x 8 (le nombre d'années qu'il me reste avant d'entrer à l'université, à supposer que je ne redouble aucune classe - ce qui est peu probable - ou que je n'en saute aucune - encore moins probable) = 416. Ce qui laisse seize rouleaux supplémentaires pour les éventuelles situations d'urgence.

 

le site de l'auteur : http://www.lindaurbanbooks.com/index.html

 

28 février 2010

Je suis devenue invisible.

(...) Je me déplace sans bruit, comme un fantôme. Invisible à l'oeil nu. Et quand j'attaque, c'est fulgurant. Tu pourrais recevoir un coup mortel sans jamais savoir qui t'a tué.
Mais je ne dégainerai pas mon épée contre toi. Parce que tuer sans raison, de sang-froid, est contraire au bushi, le code des samouraïs.
Et je suis un samouraï.

Ceci signe le lancement d'une excellente série, avec deux tomes déjà disponibles :

les_filles_du_samourai_1      les_filles_du_samoura_2

Les filles du Samouraï de Maya Snow : 1. La Trahison  2. Le Guet-Apens.

Et j'ai tout simplement adoré !
C'est une histoire qui vous transporte au 13° siècle, au Japon. Les deux héroïnes, Kimi et Hana, sont les filles du Jito, élevées dans la tradition pour devenir des demoiselles accomplies, bien qu'elles rêvent avant tout de devenir des samouraïs. Du fait de leur sexe et de leur rang, c'est une chose impossible, mais leur père, sur la bonne foi de savoir ses filles prêtes à se défendre en toutes circonstances, a toléré qu'elles s'entraînent avec des armes d'homme, aussi n'est-il pas étonnant de voir Kimi et Hana manier l'épée avec une grande dextérité.
Beaucoup de bonheur, de richesse et de sérénité baignent chez les Yamamoto, mais tout sera balayé en une soirée.
Kimi et Hana doivent fuir et se refugient dans la forêt avant de tenter leur chance dans une école de samouraïs tenue par Maître Goku. Elles masquent leur réelle identité et se font passer pour des paysans. A défaut d'être acceptées pour élèves, les soeurs sont reçues pour devenir des serviteurs.
La vie au dojo leur offre un havre de paix temporaire, le temps de se former et d'asseoir leurs maigres acquis, elles vont aussi mijoter un plan pour retrouver le reste de leur famille et laver l'honneur des Yamamoto, qui a été souillé par une haute trahison.

C'est une série que j'ai découvert avec grand plaisir. Une série où se mêle la richesse de la culture japonaise, à travers les arts martiaux, les samouraïs et les ninja, mais aussi qui révèle l'importance des castes sociales, l'éducation des plus nobles à travers les cérémonies du thé, la danse et la calligraphie, et puis le code de l'honneur des samouraïs, le bushi.
Respect et tradition, à première vue, mais pas seulement.

L'histoire nous montre le tourment des ambitions politiques, des complots et des trahisons, les soeurs ne vivent plus dans la douce illusion de confort et de paix. La belle époque est révolue, les héroïnes, loin d'être des pleurnicheuses, sont fortes et courageuses et ont vite fait le deuil de leur cocon.

La lecture se révèle parfaitement réjouissante, j'ai même dévoré les deux tomes à la suite, je me suis régalée. C'est plus enfantin que Le clan des Otori, car cela peut se destiner aux lecteurs dès 11 ans, mais c'est aussi une passionnante série qui ne fait pas dans la dentelle (les combats sont assez sanguinaires). Il y a beaucoup d'action, le récit oscille entre un tempo classieux et le rythme trépidant, dans le tome 2, par exemple, l'aventure ne faiblit pas un seul instant. Nous suivons les soeurs accompagnées de leur ami Tatsuya, la province est au bord de l'implosion, on ne compte plus les ennemis, mais heureusement des alliés inattendus font aussi leur apparition. Si le lecteur peut, a priori, reprocher un certain manque de style et quelques maladresses, il ne boudera pas longtemps son plaisir. C'est une très bonne série, qui aura à coeur de nous étonner encore et toujours.

Il s'agit d'une tétralogie. Le tome 3 doit prochainement paraître.

 

Traduction française de Alice Marchand

illustration de couverture : Brandon Dorman

Flammarion, 2009

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