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Chez Clarabel

29 mars 2017

Un sale hiver, de Sam Millar

un sale hiver sixtrid

Il neige dru sur Belfast. Drapé dans le peignoir rose de sa compagne, entre bouteille de lait et journal du matin, Karl Kane découvre une main, soigneusement sectionnée, sur le seuil de sa porte. La deuxième en quelques semaines. La police trouve cette coïncidence douteuse, mais c'est aussi devenu un sport, du fait des rapports houleux qu'entretient notre détective avec les forces de l'ordre, la méfiance et l'arrogance se disputent la part du gâteau. Toutefois, Kane est interpellé par cette affaire, encore plus depuis qu'une grosse prime a été promise par un riche industriel si celui-ci obtient davantage d'informations. Un bonus non négligeable pour soulager les finances désastreuses de son agence.

Peu de temps après, Kane reçoit aussi la visite d'une nouvelle cliente, Jemma Doyle, qui recherche son oncle pour permettre à son père mourant de se réconcilier avant le grand saut. Naomi, sa tendre et chère, renifle bruyamment pour manifester son mécontentement. Kane est anormalement mielleux dès lors qu'il est en présence de demoiselle en détresse, oubliant que c'est l'archétype des problèmes en devenir. Karl n'en fait qu'à sa tête et s'embarque dans une enquête jusqu'à la sulfureuse petite ville de Ballymena, puis fait un crochet dans un quartier chaud de la ville, jusqu'à un abattoir aux odeurs nauséabondes et aux pratiques qui soulèvent sa sensibilité inavouée. Face aux individus louches et aux entrevues musclées, Kane ne se démonte pas et s'entête avec audace et un brin d'inconscience. Casse-cou, notre Karl Kane ? Complètement. Depuis deux livres déjà, preuve a été faite que ce détective privé aimait particulièrement enfoncer des portes ouvertes. De caractère revêche et pugnace, notre homme en a aussi sacrément bavé, d'abord le meurtre de sa mère sous ses yeux de môme qui ne cesse de le hanter, sans oublier ses dernières enquêtes qui ont plongé tout le monde (protagonistes et lecteur compris) dans la tourmente.

Roman noir par excellence, l'ambiance est aux petits oignons et nous sert un bon bouillon de cynisme, d'ironie et de sarcasme. Après Les chiens de Belfast, puis Le Cannibale de Crumlin Road, ce troisième tome de la série est un rendez-vous incontournable, pour qui apprécie les intrigues féroces et les personnages sur la corde raide. Karl Kane ne fait pas dans la dentelle, mais son rôle s'étoffe au fil des épisodes pour révéler une facette autrement plus humaine et attachante. Le prochain livre, Au scalpel, le propulse d'ailleurs dans une situation inconfortable, puisque Karl Kane renoue avec son passé pour affronter le meurtrier de sa mère. Aucune chance que je fasse faux bond au “poète des ténèbres” !

Sixtrid - Texte interprété par Lazare Herson-Macarel (durée : env. 7h) - ©2016 Éditions du Seuil pour la traduction par Patrick Raynal [Dead of Winter]

 Repris en format poche au POINTS, avril 2017

un sale hiver

 

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29 mars 2017

En vrille, de Deon Meyer

EN POCHE !

en vrilleErnst Richter, créateur d’un site qui fournit de faux alibis aux conjoints adultères, vient d'être assassiné. Ce génie de l'informatique avait néanmoins plus d'un tour dans son sac et multipliait les casquettes pour remettre à flot sa société aux comptes déficitaires. Tous les coups semblaient permis, aussi les forces spéciales ne s'étonneront plus de déterrer d'autres vérités cinglantes : activités illicites, lettres de menace et d'insulte. Les suspects ne vont pas manquer. Face à la séduisante Desiree Coetzee, la directrice opérationnelle d'Alibi.co.za, l'inspecteur Vaughn Cupido va également perdre toute consistance. Il procède à une interpellation expéditive, se fourvoie avec panache et finit par remonter les bretelles d'un Benny Griessel désespérément inefficace (ses vieux démons sont de retour). Contraint à se soigner une bonne fois pour toute, notre Hawk à la carapace fêlée prend douloureusement conscience de sa déchéance, mais fait enfin un grand pas dans sa vie ! Ouf.

En parallèle, on assiste à une autre histoire narrant la rencontre entre un viticulteur et son avocate. Au cours de leurs nombreuses entrevues, celui-ci va étrangement déployer l'arbre généalogique de sa famille. On découvrira fort tardivement les raisons d'un tel déballage, tout juste saisit-on que la police vient de débarquer sur ses terres afin de l'inculper, mais qu'il entend préparer sa défense en bonne et due forme.

J'aime beaucoup cette série sud-africaine pour son ambiance dépaysante et ses intrigues construites autour de personnages tenaces et imparfaits. Certes, les livres se suivent et ne se ressemblent pas. L'enquête ici est assez lente et pêche en révélations fracassantes, elle ne découle pas non plus sur un dénouement époustouflant, mais la lecture reste agréable et entraînante. On y découvre aussi un pays en butte à une ségrégation raciale et au taux de criminalité galopant. Une plongée vivifiante, malgré de nombreux états d'âme.

Points - Traduit de l’afrikaans par Georges Lory - 2017

28 mars 2017

Chanson douce, de Leïla Slimani & Lu par Clotilde Courau

Chanson douceLorsque Louise est engagée comme nounou pour soulager Myriam, mère de deux jeunes enfants, qui décide de relancer sa carrière d'avocate, ne supportant plus d'être confinée chez elle, engoncée dans son rôle de maman, c'est pour toute la famille une véritable aubaine. Louise est menue, fragile, discrète, efficace. Une véritable aubaine, vraiment. Leurs amis sont d'ailleurs admiratifs et leur envient cette perle rare, babillant sur leurs propres déconvenues ou autres tristes expériences en matière de “personnel” peu qualifié. Bref. Louise s'installe donc dans leur quotidien telle une petite fourmi ouvrière, rapide, utile, rassurante. Les enfants redécouvrent la présence affective d'une figure féminine, à défaut d'avoir leur mère, qui fuit, toujours, le foyer. Celle-ci ne s'y épanouit plus et panique rien qu'à l'idée de perdre leur nounou. En effet, son mari évoque une sensation de malaise en sa compagnie. Il n'a pas les mots pour l'exprimer, mais il incite sa femme à chercher d'autres alternatives. En attendant, le couple continue de s'appuyer sur Louise, femme secrète, silencieuse et troublante. Femme dangereuse. On le sait, le roman s'ouvre sur une scène dramatique, les deux enfants sont morts. Qui, comment, pourquoi. Le roman décrypte tous les signes, tous les signaux, et s'applique à recadrer un tableau sinistre et dérangeant d'une dépendance mutuelle et d'une psychose latente. Le ton est sec et glaçant, mais délivre un suspense envoûtant en nous confiant cette triste radiographie de notre société (ambition, apparence, pouvoir, soumission, autonomie, folie...). Aucun acteur du drame n'est épargné, seules les victimes nous touchent par leur innocence et l'injustice de leur tragédie, pour le reste la condamnation tombe, implacable et insoutenable. C'est avec la même intransigeance, le même sang-froid, que Clotilde Courau nous plonge dans l'histoire terrifiante de Louise. Son interprétation est remarquable, à la fois puissante, tranchante et sévère. Une mise en scène pertinente au service d'un roman fort, poignant, profondément marquant. 

Gallimard, coll. Ecoutez Lire, 2017 - Lu par Clotilde Courau (Durée d'écoute : env. 5 h 45)

28 mars 2017

Les Aventures inter-sidérantes de l'Ourson Biloute, ép. 1: La baraque à frites de l'espace, de Julien Delmaire & Reno Delmaire

ourson biloute

La native des “Hauts de France” que je suis exulte à la lecture de cette nouvelle série déjantée, qui se propose de mettre en scène l'Ourson Biloute, une peluche vraiment pas ordinaire, avec un fichu caractère et du courage à revendre, qui adore aussi les histoires de science-fiction. Mais ça, son jeune ami (humain) Kevin l'ignore totalement. Chaque soir, après le rituel du coucher, l'Ourson Biloute se faufile hors du lit pour suivre à la tv son feuilleton préféré : Les Envahisseurs de la Galaxie Fantôme. Au cours d'épisodes palpitants, Lemmy le motard et sa frangine Janis livrent une résistance farouche à l'ignoble Blast Ador et son infâme assistant, le docteur Veggaline, qui veulent conquérir la planète. En attendant de vivre à son tour son quota d'aventures rocambolesques, notre Ourson Biloute se console en rêve et s'imagine une vie autrement plus excitante que de devoir prendre un bain chaque semaine dans le tambour à linge. Aussi, lors de la sortie familiale à la ducasse, l'Ourson Biloute met au point son plan d'évasion. Dans sa ligne de mire : la baraque à frites, qui clignote, vibre et se déplace toute seule pour laisser apparaître, à la place du marchand, une créature couverte d'écailles violettes, avec une sale tronche d'iguane mal luné et des griffes à la place des mains. Nom d'une wassingue ! Qu'est-ce que c'est drôle. Et ce n'est pas seulement l'idée d'avoir un ourson grincheux qui prend son destin en main et qui va vivre une épopée inspirée de son feuilleton fétiche, c'est aussi l'ambiance générale, la culture chti mise à l'honneur, les allusions aux comics, au cinéma ou à la musique rock. L'ensemble est fabuleusement décalé et farfelu. C'est très agréable, en plus d'être original et amusant. Pour une fois, on implante une fiction dans les “Hauts de France” avec une vision beaucoup plus positive et attachante. Pour ça, je dis OUI ! Le délire est pleinement assumé et comblera autant petits et grands lecteurs. ;-)

Grasset Jeunesse, 2017 - Parution de l'épisode 2 (Les mutants de la mine noire) : fin avril 2017

28 mars 2017

Pas si simple, de Lucie Castel

pas si simpleCoincée à l'aéroport de Heathrow avec sa sœur Mélanie, Scarlett Archer se ronge les sangs d'annoncer la terrible nouvelle à leur mère impatiente de les retrouver pour fêter Noël. Furieuse, excédée, impatiente et angoissée, Scarlett se rue dans les premiers WC à sa portée, ignorant qu'il s'agit des toilettes pour hommes. Entre deux, trois réflexions cassantes sur les anglais et leur esprit guindé, Scarlett fait alors face à un individu mécontent, qui mouche son arrogance avec un flegme... britannique. Humiliée, Scarlett se réfugie auprès de sa sœur en quête de solutions désespérées. Pas un vol à l'horizon, pas de transport digne de confiance, pas un ferry disponible avant deux jours. L'enfer s'ouvre sous leurs pieds. Comble de tout, Mélanie et Scarlett retrouvent l'ignoble bellâtre dans l'aérogare et se résignent à pactiser du bout des lèvres. Constatant qu'aucune issue n'est envisageable dans l'immédiat, ce William Hill propose de les accueillir chez lui pour célébrer un réveillon à la fortune du pot. C'est là que tout bascule... Scarlett et Mélanie débarquent en plein psychodrame familial et se retrouvent au cœur d'un imbroglio de non-dits, de rancœurs et de rancunes particulièrement tenaces. Ajoutez une attirance physique entre notre héroïne au tempérament méfiant et belliqueux et son alter ego au charme dévastateur, et vous plongez dans une comédie à la fois comique et grinçante sur fond de repas de famille gratiné !

La lecture est engageante, elle possède du style et un joli coup de plume, tout en servant une histoire surprenante et néanmoins plaisante, avec pour décor féerique les rues enneigées de Londres. L'essentiel demeure cependant axé sur les personnages et leurs relations conflictuelles ayant impacté leurs rapports amoureux ou leur confiance en soi. La famille Hill est par exemple un pot-pourri de faux-semblants et de frustrations, mais les Archer détiennent aussi des failles et des fragilités qui ne facilitent pas non plus leurs élans affectifs. Scarlett n'a pas réglé son histoire de deuil, préférant se planquer sous une cloche pour empêcher la réalité de prendre le pas sur ses réserves, puis de submerger ses remparts. C'est dire combien le roman est avant tout affaire d'émotion et de remise à plat, et pas seulement une histoire trop légère autour d'une rencontre impromptue. Les dialogues souvent font mouche, c'est même l'un des points forts du livre, qui se découvre pour la forme, en plus de révéler une nouvelle plume prometteuse.  

Harlequin, coll. &H - 2017

« Mélie, arrête un peu avec le ton dramatique. Je sais qu'on est à Londres, mais ce n'est pas la peine de nous inventer un drame shakespearien. Je n'ai pas l'intention de donner suite. Je flirte, c'est tout. »

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27 mars 2017

Entre ciel et Lou, de Lorraine Fouchet

EN POCHE ! 

entre ciel et lou

Lou vient de mourir. Sa santé vacillante et ses pertes de mémoire avaient finalement conduit son époux Jo à la placer dans une maison spécialisée, à seulement cinquante-huit ans. Trop jeune pour être écartée, trop jeune pour s'éclipser. Leurs enfants, Cyrian et Sarah, n'ont jamais compris le choix de leur père et continuent de lui en tenir rigueur. La lecture du testament va d'ailleurs consolider leurs reproches, alors que le notaire énonce à voix haute que Jo aurait “trahi” Lou. La suite du document est cependant confidentielle, les enfants sont priés de quitter l'office, non sans une certaine amertume. Très déçus par leur père, ils imaginent une tromperie impardonnable et repartent le cœur lourd. 

Seulement, Lou a confié à son mari la délicate tâche de rendre leurs enfants heureux. Elle a été une épouse comblée, une mère épanouie, mais hélas Cyrian et Sarah n'ont pas hérité leur droit au bonheur. C'est au tour de Jo de rectifier le tir, en toute discrétion. Cette mission n'enchante guère notre veuf éploré, depuis longtemps ses enfants et lui ont vécu des vies parallèles. Cyrian mène une existence bourgeoise, complètement éteinte, et se tient à distance de Groix, où il prétend ne pas y trouver sa place. Sarah est tétanisée par son handicap et sa maladie, au point de renoncer à l'amour en ne s'attachant à personne. 

Comment consoler cette famille cabossée par les aléas de la vie, la réconcilier avec la notion de famille, synonyme de valeur sûre et d'entraide, quand il n'y en a jamais été question, ou seulement pour sauver les apparences, et pour soutenir la mater familias ? J'ai finalement été agréablement surprise par cette belle histoire d'une famille qui va droit dans le mur, complètement paralysée par ses émotions, et qui a trop l'habitude de conserver pour elle ses vérités, en contenant aussi ses élans affectifs. Et puis il y a le cadre de l'île de Groix, véritable pivot de l'intrigue, et surtout un appel du pied pour y déposer ses bagages. C'est un cocon hors du temps, un refuge bienveillant, avec des personnages attachants (Maëlle, sa petite Pomme, les copains de banquet, où l'on se rappelle entre rires et larmes que Lou était une piètre cuisinière...). Soudain les chagrins et les peines vous semblent moins lourds, moins insurmontables. On guérit de tout, à Groix ! 

Cette lecture a eu l'effet d'une bulle et a su m'envelopper tout naturellement. Je m'y suis sentie tellement bien. Parfaitement à mon aise. J'étais prête pour suivre l'histoire de Jo, face au nouveau challenge de sa vie, un défi pour le forcer à ne pas couler à pic non plus, car notre homme est vraiment très, très triste d'avoir perdu son alter ego. Pour s'accrocher à la vie, il se tourne vers ses enfants qu'il ne comprend plus. Au départ, il est un peu pataud dans ses tentatives de “colmatage”, et puis au fil du temps ses stratagèmes vont prendre forme et approcher le rêve inaccessible. C'est vraiment une chouette lecture, qui envoie de bonnes ondes et qui fait se sentir #heureux. C'est simple, charmant et riche en émotions. Un beau et bon roman, à déguster! 

Le Livre de Poche - mars 2017

En bonus : une recette et une postface inédites.

27 mars 2017

Les aventures improbables de Julie Dumont, de Cassandra O'Donnell

EN POCHE ! ☺ 

Les aventures improbables de Julie DumontJulie Dumont est journaliste, parisienne, célibataire, fonceuse et gaffeuse. Effrayée de se réveiller un matin avec un homme nu dans son lit, incapable de se souvenir de son identité, la belle brune file à l'anglaise en Normandie pour l'anniversaire de mariage de ses parents. En route, elle voit un type jeté d'une voiture et lui porte secours alors qu'il gise dans le fossé. Son détour par l'hôpital la met en retard et lui vaut les pires remontrances de sa mère. Mais les ennuis continuent, lorsqu'une convive tombe raide morte sous son nez. Trêve des réjouissances. Julie est persuadée d'avoir la scoumoune et revoit son séduisant rescapé, Benjamin Stein, qui lui confie en retour une nouvelle mission : enquêter sur le meurtre d'une épouse de notable. L'affaire a fait grand bruit dans la région (argent, liaison, amant roumain, disparition...) et a attiré un journal à scandale comme Le Nouvel Inquisiteur, pour lequel bosse Benjamin. Celui-ci soudoie alors Julie pour reprendre le flambeau, quitte à s'improviser détective avec pertes et fracas. Là où elle passe, les témoins trépassent. Et pour tout arranger, son inconnu abandonné dans son lit déboule dans sa verte campagne. 

Amateurs de comédies policières façon Janet Evanovich ou Sophie Henrionnet, vous allez vous régaler avec Julie Dumont et ses aventures improbables ! L'histoire est complètement folle, futile et légère. C'est donc avec un plaisir sincère que j'ai suivi Julie dans ses péripéties rocambolesques, tentant de résoudre une énigme crapuleuse, habilement troussée, riche en suspense et en rebondissements. La personnalité de l'héroïne donne aussi du pep's au récit : Julie est une jeune femme moderne et indépendante, spontanée et pleine d'ambition, elle collectionne les impairs et les cadavres, mais ne s'apitoie jamais sur son sort. Son retour sur les terres de son enfance lui donne également du fil à retordre, entre son éternel célibat, son choix de carrière et son départ pour la capitale, ses oreilles n'en finissent plus de siffler ! Il faut dire que son entourage est particulièrement gratiné - famille de croque-morts, vivant au Neubourg, une mère impatiente de la marier, un père au flegme admirable et un grand-père obsédé sexuel. Les tablées autour du rôti dominical ne manquent pas de saveur ! Tous les codes de la comédie ont ainsi été réunis pour combler la lectrice en quête de détente et de bonne humeur. Rien que pour ça, le roman a rempli son contrat et m'a fait passer un très bon moment. ☺

J'ai Lu - 2017 (7.60€)

27 mars 2017

Meilleurs ennemis, de Sally Thorne

« Tout ce que nous faisons, Joshua et moi, obéit toujours à la loi du Talion. Œil pour œil, dent pour dent. Nous ne connaissons que ça. »

Meilleurs ennemis

Collègues dans la maison d'édition qui vient de fusionner, Lucinda Hutton et Joshua Templeton travaillent leurs antagonismes en se livrant une véritable guerre froide à force de regards impénétrables, de répliques piquantes et d'allusions sournoises. Mais la tension monte d'un cran depuis qu'ils se savent en compétition pour le même poste. Lucy et Joshua affûtent leurs armes, quand soudain celui-ci manifeste étrangement un certain penchant pour sa collègue. Baiser fougueux volé dans l'ascenseur, crise de jalousie, attitude possessive et/ou protectrice... Les signaux envoyés sont totalement perturbés, ET perturbants. Lucy perd ses repères, découvre la face soigneusement cachée de Josh, sent ses sens fondre comme beurre au soleil, devient complètement obsédée... sans perdre de vue qu'il s'agit peut-être d'une technique habile pour prendre le dessus et lui voler sa promotion. Jeux de dupe, attirance fatale et numéros de charme viennent donc troubler une relation largement placée sous le signe du “je t'aime moi non plus” !

Comment ne pas sourire béatement à la lecture de cette jolie comédie éclaboussée d'humour, de séduction et de tendresse ! J'ai totalement succombé. Le couple de Lucy et Josh est affolant de quiproquo, d'interdit et d'enchantement. Le combo parfait. Chaque interaction est explosive, mais laisse place à une subtile attirance qui rend l'alchimie éclatante. Les codes de la romance sont déclinés dans la plus pure tradition, tout en étant moderne, pétillante et enlevée. Il faut, par contre, fermer les yeux sur l'attitude déjantée et incohérente de Lucy, un minuscule bout de femme qui adore porter du rouge à lèvres couleur lance-flammes, qui souffre de solitude, qui est nostalgique de son enfance parmi les champs de fraises et qui refoule son ambition par peur de se lancer tout de go. Dès lors qu'elle est en présence de Josh, c'est plus fort qu'elle, elle pète les plombs et lui fait du rentre-dedans, tout en admettant in petto être franchement pathétique. Face à elle, Joshua est en mode “control freak”, stoïque et insondable, il réussit à attiser son désir en cultivant le mystère (“mais pourquoi s'impose-t-il la frustration de séances de préliminaires dignes d'adolescents avec sa collègue un peu bizarre ?”). Ce jeu du chat et de la souris peut friser l'absurde, mais génère de fabuleuses scènes qui m'ont fait honteusement glousser. J'avoue, ce roman a été un rendez-vous déculpabilisant, frais, drôle, décalé. Il réunit clairement tout ce que j'aime, de l'humour, de l'humour et encore de l'humour. C'est sans conteste une comédie pur jus, à déguster pour le plaisir de rire et s'évader. Et ça fait toujours du bien.

Harlequin, coll. & H - Trad. Charlotte Demanie [The Hating Game] - 2016 

24 mars 2017

Pas celle que tu crois, de Mhairi McFarlane

Pas celle que tu croisInvitée au mariage de ses collègues, Jack et Charlotte, Edie est surprise en train d'embrasser le marié par sa propre épouse. Le scandale ! N'osant pas se disculper, la jeune femme se carapate en douce jusqu'à sa chambre, avant de prendre un taxi aux aurores pour se réfugier chez son père, à Birmingham. Edie a décroché un nouveau contrat avec son agence et doit rencontrer une vedette locale pour rédiger ses mémoires. Loin du chaos, loin de la haine, notre héroïne pense avoir trouvé un bref sursis, mais c'est sans compter sur l'acrimonie vindicative de sa sœur Meg, ainsi que sur l'accueil peu amène de l'acteur Eliott Owen. Celui-ci n'a clairement pas envie de jouer le jeu des confidences et donne du fil à retordre à la jeune femme, exaspérée par cette accumulation de petites bassesses qui font déborder la coupe. Trop, c'est trop. Il est temps de remettre de l'ordre dans sa vie !

Cette lecture a été une douce et agréable surprise, un rendez-vous de gaieté, de tendresse et de lucidité. On y trouve évidemment tous les ingrédients pour réussir une bonne comédie romantique (personnages attachants et intrigue savoureuse), mais on partage aussi une belle aventure humaine, parsemée de chemins entortillés, avec des déceptions et désillusions en pagaille, ainsi que des petites perles salvatrices qui rappellent qu'aucun malheur n'est totalement invincible. Autre bon point, l'histoire ne se focalise pas sur la romance et propose une approche autrement plus subtile et raffinée. Alléluia. Edie a 35 ans et fonctionne moins à l'instinct et plus dans l'affect. Cela tient du miracle de rencontrer une héroïne qui ne grille pas ses neurones dès qu'entre en orbite un spécimen mâle affolant de sexytude. Pour ça, et pour la délicatesse, l'authenticité, l'humour et l'émotion, je dis OUI à ce roman, simple, distrayant, hyper touchant. La parfaite petite bulle de lecture, pétillante et légère. ♥

Harlequin, coll. & H - Trad. Nolwenn Guilloud [Who's That Girl?] - 2016 

23 mars 2017

Nos cœurs tordus, de Séverine Vidal & Manu Causse

nos coeurs tordus

Vlad fait sa rentrée dans un nouvel établissement scolaire qui ouvre, pour la première fois, une classe spéciale dédiée aux handicapés. D'humeur chagrine et méfiante, l'adolescent est en pétard contre l'adjoint du proviseur, François Flachard, qui tient un discours pompeux et dégoulinant d'hypocrisie, tout juste bon à le faire sortir de ses gonds. Vlad se la joue rebelle façon Cercle des poètes disparus et attire tous les regards... en se vautrant comme une crêpe alors qu'il tourne le dos à l'assistance médusée. Humilié, le garçon se réfugie dans le couloir où il rencontre la ravissante Lou.

Avec son corps disloqué, sa béquille à portée de main, Vlad a longtemps souffert de sa différence et du regard des autres, au point de se réfugier dans la provocation en guise de bouclier. À ce petit jeu, il découvre en Saïd un adversaire de choix. Lui n'a pas de handicap physique, mais une propension à semer la zizanie en classe, à être incapable de se concentrer, à collectionner les avertissements et à s'attirer une mauvaise réputation. Ces deux-là sont faits pour s'entendre et vont rapidement se constituer leur petite bande avec Mathilde, coincée dans son fauteuil, Lou et son copain Morgan (argh), Dylan, atteint de trisomie, Théa et Charlie, les jumelles au langage cosmique... C'est aussi ensemble qu'ils vont se lancer dans un projet de cinéma en tournant un court-métrage avec un simple téléphone pour gagner un voyage à New York ! 

Cette lecture est à la fois pleine d'énergie, pleine d'espoir, pleine de vie tout court. Elle met en scène des adolescents qui ont des rêves, des envies, des coups de cœur et des coups de gueule, mais qui ne veulent pas dicter leur choix selon leur handicap. C'est certes une réalité quotidienne, jalonnée de frustration et de contrainte, mais certainement pas l'excuse pour les priver de formidables opportunités sous des prétextes idiots (société enfermée dans ses préjugés, orgueil mal placé, disposition trop lente, angoisse puérile et imbroglio amoureux). En somme, l'histoire nous invite à partager sur une année scolaire le parcours assez commun d'adolescents extraordinaires. Ils n'ont pas fait de leur handicap un signe distinctif mais se comportent comme des mômes de leur âge. Ils ne manquent ni de force, ni d'insolence, ni de talent pour avancer dans la vie, sans compter l'amitié, véritable socle de leur projet insensé, qui montre aussi que le collectif a du bon pour dépasser les étiquettes et les clichés. C'est un chouette roman, qui inspire des sentiments profonds et qui dégage aussi de la sensibilité, de la sincérité, de la joie et de la bonne humeur. Excellent melting-pot ! 

Bayard Jeunesse, 2017

"Nos coeurs tordus" a d'abord été écrit par Séverine Vidal, et publié sous la forme d'un mini roman paru dans le magazine Je Bouquine. Plébiscité par les lecteurs, il a été enrichi par la plume de Manu Causse. Plein de poésie et d'humour , le roman aborde le thème du handicap , sans pathos, c'est aussi une très jolie histoire d'amour et d'amitiés profondes.

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