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Chez Clarabel

8 septembre 2016

Des noeuds d'acier, de Sandrine Collette

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Théo vient de passer dix-neuf mois en prison (pour avoir tabassé son frère qui entretenait une liaison avec sa femme). Il porte toujours la haine en lui et ressort de son expérience carcérale avec une rancune tenace. Il récupère néanmoins sa grosse cylindrée et se rend au chevet de son frangin désormais tétraplégique pour lui cracher son venin, mais la situation s'emballe et le voilà contraint de foncer droit devant au volant de son bolide. Il arrête sa course en pleine campagne et trouve le gîte et le couvert chez une petite dame du nom de Mme Mignon. Celle-ci l'accueille en toute simplicité et va le conseiller au fil des jours dans son désir de randonnées. Plus le temps passe, plus Théo se sent mieux dans sa peau. Et reconnaissant auprès de son hôtesse qui multiplie les prévenances à son égard. Un matin, suivant les indications de sa logeuse, Théo s'aventure sur des chemins insoupçonnés et traverse un potager appartenant à des propriétaires peu amènes. Deux vieux grincheux qui le menacent de leur fusil et le conduisent dans leur bicoque délabrée. Théo est paralysé par la peur et le scepticisme. En moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges, il est expédié dans une cave privée de lumière et réalise trop tard qu'il vient de tomber dans un traquenard. Captif de deux tortionnaires qui le traitent comme leur chien. L'enfer vient de s'ouvrir sous ses pieds. Le cauchemar peut commencer. Et franchement, quelle lecture impitoyable et éprouvante ! En seulement 250 pages, le roman réussit l'exploit à nous scotcher sur place, malgré l'effroi et la terreur que nous inspire cette lecture au rythme insoutenable. On subit le calvaire de Théo entre rage et impuissance. C'est très, très dur. Et interminable. La souffrance morale est aussi poignante que les supplices infligés. Les motivations sont tout aussi inexistantes tant les deux vieillards perfides prennent leur pied à humilier leur prisonnier et à le traiter pire qu'une bête. La spirale de l'horreur paraît sans fin et file la nausée au lecteur abasourdi, immanquablement mis k-o par tant de violence gratuite et de perversité. Un roman un poil trop noir et déprimant. 

Denoël, coll. Sueurs Froides (2013) ♦ Repris en Livre de Poche, Janvier 2014

 

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7 septembre 2016

Juste une ombre, de Karine Giébel

Juste une ombre

Cloé Beauchamp ne connaît pas l'échec : à trente-sept ans, elle est à deux doigts de décrocher le poste de directrice générale d'une agence de publicité et file le parfait amour avec le beau Bertrand. Brillante et ambitieuse, elle ne doute de rien. Pourtant, depuis quelques semaines, rien ne va plus dans sa vie parfaite.
La jeune femme est en effet persuadée d'être traquée par un individu mais ne parvient pas à convaincre son entourage ni la police de cette probabilité. Et à force de vouloir leur bourrer le mou, elle passe pour une folle. Pire, on la sent sur la corde raide, victime de surmenage et sensible aux hallucinations. En fragile équilibre sur une pente glissante.
Ainsi, tout ce qu'elle avait réussi à construire est en train de se casser la figure (boulot, amour, amitié, famille). Rien ne va plus dans la vie de Cloé, au bord de la crise de nerfs. Quand, enfin, elle décroche l'attention d'un flic, elle soupire d'aise et compte se servir de lui pour prouver à tous qu'elle n'est pas dingue. Or, Alexandre Gomez n'est pas un flic ordinaire.
Mis sur la touche après une bavure, le type, qui ne surmonte pas son récent veuvage, est en train de partir en roue libre. Il est grossier et odieux, n'est pas tendre avec Cloé, n'éprouve aucune compassion pour elle et la trouve insupportable. Il s'accorde néanmoins à reconnaître l'existence d'un détraqué qui la harcèle à l'insu de tous.
Soulagement général ? Que nenni. 
L'histoire continue de prendre un plaisir sadique à brouiller les pistes et à nous faire croire tout et n'importe quoi. C'est très perturbant. On partage le désarroi de l'héroïne, sans trop savoir sur quel pied danser. On ne s'apitoie pas trop sur son sort non plus, car Cloé n'est pas du tout attachante, même si on trouve sa situation vachement tordue à vivre. De toute manière, la frontière entre le vrai, l'acquis et le fantasme est hyper mince. On croit détenir un bout de la vérité, et bam c'est l'impasse.  
Cette lecture est juste diabolique, elle se joue du lecteur sur toute la ligne, elle est à la fois pesante, longue, lourde et frustrante. Par contre, elle est remarquable de rouerie. La fin, clairement, déchire tout. C'est bluffant jusqu'au point final. Et ça rattrape tous les défauts mineurs du roman. Chapeau.  

 

Texte lu par Nathalie Spitzer en exclusivité pour Audible (durée : 15h 08) / Août 2016

2012 Univers Poche (P)2016 Audible FR

Juste une ombre | Livre audio

7 septembre 2016

Sirius, Le Chien Qui Fit Trembler Le IIIe Reich, de Jonathan Crown

Sirius, Le Chien Qui Fit Trembler Le IIIe Reich

Ce roman ressemble à une farce sans en être une ! L'histoire raconte le parcours sensationnel d'un jeune fox-terrier depuis les rues de Berlin jusqu'aux studios hollywoodiens où notre animal à quatre pattes va devenir la nouvelle gloire montante du cinéma. Compagnon d'une famille allemande juive, les Liliencron, contrainte à l'exil avec la montée du nazisme et des persécutions antisémites, Sirius va également traverser l'Atlantique pour aller à la rencontre de son destin. Ce chien exceptionnel, qui comprend les humains et parvient à communiquer avec eux à sa façon, fait grand bruit et séduit les agents, les producteurs et même des stars comme Clark Gable, Carole Lombard, Humphrey Bogard ou Rita Hayworth. La carrière de Sirius atteint des sommets étourdissants. Mais son aventure ne s'arrête pas qu'au monde des paillettes, puisque notre toutou va malencontreusement être l'objet d'un cafouillage lors d'un numéro de cirque et être expédié sur un paquebot à destination de l'Europe. Retour à la case départ. Sirius rentre à Berlin, côtoie des dignitaires nazis et se trouve aux premières loges au moment où ces derniers élaborent leurs stratégies militaires. Il n'en faut pas davantage à notre prodigieux clébard pour partager les informations en envoyant des messages codés à Londres ! Cette histoire totalement improbable ne nous arrache pourtant pas des cris de révolte car il se dégage de l'ensemble une sensation grisante et primesautière qui rend la lecture entraînante, fraîche et enlevée. Les aventures rocambolesques de Sirius procurent autant d'enchantement que d'incrédulité, sans compter qu'au farfelu se mêlent aussi des anecdotes historiques véridiques qui vous replantent le décor en deux temps trois mouvements. C'est une lecture sans prétention, qui se découvre juste pour le plaisir d'un bon moment partagé et qui vous laisse une franche sensation grisante. Nicolas Justamon accorde son interprétation au vent de folie qui souffle sur le roman et rend du mieux qu'il peut son ambiance grand-guignolesque sans jamais forcer le trait. Très agréable, simple et joyeux.    

Texte interprété par Nicolas Justamon pour Sixtrid (durée : 6h 23) - Juin 2016

Traduit de l'allemand par Corinna Gepner pour les éditions Presses de la Cité

6 septembre 2016

Le Grand Marin, de Catherine Poulain

Le grand marin

« Embarquer, c'est comme épouser le bateau le temps que tu vas bosser pour lui. T'as plus de vie, t'as plus rien à toi. Tu dois obéissance au skipper. Même si c'est un con. Je ne sais pas pourquoi j'y suis venu, je ne sais pas ce qui fait que l'on veuille tant souffrir, pour rien au fond. Manquer de tout, de sommeil, de chaleur, d'amour aussi, jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu'à haïr le métier, et que malgré tout on en redemande, parce que le reste du monde vous semble fade, vous ennuie à en devenir fou. Qu'on finit par ne plus pouvoir se passer de ça, de cette ivresse, de ce danger, de cette folie oui ! »

Lili quitte sa campagne française pour assouvir son rêve de pêcher en Alaska. À force de persuasion, ce petit bout de femme parvient à rejoindre l'équipage du Rebel et s'en va pêcher la morue noire en pleine mer. Commence une expédition exaltante, mais rude, entre les vents violents, la mer déchaînée, les conditions de vie à bord, le manque de confort, le froid, la faim, le sel qui ronge la peau, les blessures... Lili s'accroche jusqu'au jour où son corps lâche l'affaire. Obligée de rentrer au port pour se soigner, la jeune femme se languit d'être loin de son bateau et compte les heures avant de reprendre du service. Cette passion, plus proche de la folie obsessionnelle, est ainsi partagée en toute transparence. Une femme en fuite, un passé brumeux, un chagrin au fond de la gorge, une volonté de prendre le large pour tout effacer, et des objectifs complètement dingues, auxquels elle ne renoncerait pour rien au monde, même pas quand des propositions annexes croisent sa route. Ce roman est étrange, envoûtant et poétique, il nous raconte les grands horizons et les quêtes d'absolutisme avec une énergie féroce et palpable. L'héroïne vit dans un monde de mecs, un univers de bars et d'alcool, dans lequel elle se fond sans frémir. La camaraderie aussi est très présente, on se tape sur l'épaule, on trinque en avalant des White Russians à grande rasade, on s'échange des projets, on se promet de garder contact, on noue des contrats d'une simple poignée de mains. À bas le glamour dans ce livre, qui fait fi de séduction, de charme, de tendresse. Lili et son grand marin vivent une liaison brève et intense dans la deuxième partie du roman, mais n'éclipsent pas le désir toujours puissant d'échappée belle. Au final, on aime, on n'aime pas, on éprouve de l'agacement, un peu d'émotion, et surtout de la curiosité et de la fascination pour ce récit. Il se passe tout et rien à la fois, il n'y a pas de réelle intrigue, puisqu'elle se répète beaucoup autour de Lili-vouloir-partir-pêcher-de la morue, du crabe, du flétan. On y sent aussi du désespoir, du vide, de l'attente, de l'oubli. On ne sait plus trop sur quel pied danser, on soupire après les longueurs et l'absence de rythme. Puis on savoure le souffle des mots et la beauté des phrases, on sympathise avec les personnages, sans jamais s'y attacher non plus. Ce va-et-vient continu entre le bon, le très bon et le potable rend l'expérience épuisante, ou du moins déstabilisante.

Marie-Christine Letort, l'interprète pour Sixtrid, prête sa voix au personnage de Lili et imprime une authenticité à son caractère farouche et indépendant, au point de rendre sa personnalité touchante et énervante à la fois. Une impression particulièrement exacerbée par une écriture sans fard et au rendu parfois simpliste. Cette tranche de vie hors du commun, empreinte de tristesse et de réalisme, s'en sort tout de même avec une belle pirouette en glissant une touche d'exotisme appréciable. 

Texte lu par Marie-Christine Letort pour Sixtrid (durée : 10h 30) / Août 2016

Avec l'aimable autorisation des éditions de l'Olivier

 

6 septembre 2016

Le Camp des morts, de Craig Johnson

Le camp des morts

La vieille Mari Baroja est retrouvée morte à la maison de retraite, où l'ancien shérif Connally séjourne également. Il prend la liberté de réclamer une autopsie et d'ouvrir une enquête auprès de son successeur, Walt Longmire. Il est en effet convaincu que la victime a été empoisonnée. Longmire chipote, mais fait confiance en l'instinct de son ancien chef. Certes, celui-ci avoue avoir été le premier grand amour de la vieille Mari et aurait connu une brève escapade amoureuse, laquelle a été écourtée par sa famille, des immigrants d'origine basque, qui ont privilégié un mariage de convenance pour étouffer le scandale. Longmire va ainsi se plonger dans le passé d'une communauté fermée aux autres et ouvrir une boîte de Pandore, avec des non-dits et des secrets bien enfouis. Plus il avance dans son enquête et rassemble les preuves, plus il se heurte à de nouveaux meurtres sanguinaires. Toutes les victimes ne sont pas non plus de saintes personnes, mais il n'empêche que notre affaire se complique. Pour Walt Longmire, ce travail de fourmi est comme un coup de pied aux fesses qui lui fait presque oublier ses propres fantômes. Et c'est bien pour ça que la lecture dégage autant de charme et d'attrait. On s'attache à ses personnages cabossés, à leur humour mordant, à leurs parcours jamais tracés en ligne droite, aux nouvelles rencontres, aux potes fidèles, au contexte de cette Amérique profonde, avec ses shérifs aux méthodes rustres et au cœur tendre, aux conditions météorologiques intransigeantes, le froid, la neige, les routes glissantes... Le pays des cowboys est une terre promise à conquérir par une volonté farouche et inflexible ! ^-^ L'intrigue criminelle ne prend donc pas toute la place et rend hommage aux figures qui la composent. C'est très, très bon. Super dépaysant. De plus, Jacques Frantz, le lecteur pour Sixtrid, nous embarque par la force de sa voix rauque dans cette contrée du bout du monde où chaque pièce du décor semble être sortie d'un tournage de cinéma. Cette lecture nous imprègne en moins de deux minutes, il n'y a qu'à fermer les yeux et croire en l'impossible, comme se téléporter dans les grandes plaines de solitude et contempler la beauté des environs... 

Texte interprétré par Jacques Frantz pour Sixtrid - durée : 11h 41 / Juin 2016

Traduit par Sophie Aslanides pour les éditions Gallmeister (Death Without Company)

 

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5 septembre 2016

Le Rituel de l'ombre, par Eric Giacometti & Jacques Ravenne

Le Rituel de l'Ombre

L'histoire s'ouvre en avril 1945. Le Troisième Reich est sur le point de s'effondrer. Sur ordre de dignitaires nazis, un convoi SS quitte Berlin en flammes pour évacuer de mystérieuses caisses. Au même moment, un professeur de neurologie est sauvagement assassiné, suivant le rituel évoquant la mort d'Hiram. Un coup de masse sur l'épaule, un sur la nuque, le dernier sur le front. 

Soixante ans plus tard, une archiviste est exécutée sur le même mode. Détail troublant, son travail consistait à éplucher des documents d'archives maçonniques qui avaient été pillés par les nazis, récupérés par les Russes et rendus aux francs-maçons. La même nuit, à l'université hébraïque de Jérusalem, un archéologue en possession d'une énigmatique pierre gravée est tué à son tour. Comme Hiram. 

Le commissaire Antoine Marcas, maître maçon, et Jade Zewinski, responsable de la sécurité de l'ambassade de France à Rome, vont mener l'enquête ensemble clopin-clopant. La jeune femme nourrit une rancune féroce à l'égard des francs-maçons, tandis que Marcas en affiche toute la panoplie et l'érudition. Le duo est au départ explosif, avant de se découvrir une attirance soudaine et incontrôlable. Ce revirement de situation a juste été risible, mais passons.

Marcas et Zewinski ont contre eux des tueurs chevronnés, appartenant à la Société Thulé, une confrérie occulte qui combat la maçonnerie depuis des lustres. Leurs agissements sont implacables et sans limites. L'histoire plonge judicieusement dans une atmosphère sombre et angoissante, selon une mécanique bien ficelée.  

De manière générale, Éric Giacometti et Jacques Ravenne nous introduisent dans une série sans prétention, avec pour toile de fond l'énigmatique franc-maçonnerie dont on découvre les coulisses, les rouages et le passé historique à grand renfort de descriptions pertinentes. Des points faibles demeurent : l'intrigue globale manque de force et les personnages de charisme, trop de discours fleuve et une sensation de bavardages inutiles. L'action aussi est en demi-teinte, et le dénouement en-dessous des attentes.

Je me lance cependant dans la lecture du prochain tome pour mieux juger cette série et croire au final que ce livre est une simple mise en bouche dont les longues explications ont un peu alourdi la dégustation.

Le lecteur choisi par Audible n'est autre que l'excellent Julien Chatelet. Son interprétation est limpide, agréable et donne justement envie d'écouter la suite. 

>> Ce livre audio est en exclusivité sur Audible - disponible en téléchargement.

©2005 Univers Poche (P)2016 Audible FR

Texte lu par Julien Chatelet (durée : 13h 12)

Le rituel de l'ombre (Antoine Marcas 1) | Livre audio

 

5 septembre 2016

Mémoire cachée, de Sebastian Fitzek

Mémoire cachée roman

Le point de départ de ce thriller évoque celui de La Mémoire dans la peau, de Robert Ludlum, mais aussi L’Armée des 12 singes, de Terry Gilliam. Un type se réveille dans Berlin, blessé et amnésique. Il ne sait plus qui il est (le nom Noah est tatoué dans sa paume droite). Il n’a aucune idée d’où il vient. Il ignore pourquoi il se trouve à Berlin mais comprend rapidement qu'il est en danger. Recueilli par Oscar, un sans-abri, il part avec lui en quête de son destin.

Au même moment, à Manille, un foyer de grippe se déclare, qui bientôt se transforme en pandémie. La planète entière est touchée. Les aéroports de New York sont placés en quarantaine. On compte les victimes par dizaines de milliers. Et la psychose s'installe. Un groupe d’extrémistes semble s'en frotter les mains, quand la question soudain se pose : Noah est-il complice ou victime ?

Le début de l'intrigue est redoutable : suspense, rythme, mystères et rebondissements font du roman un rendez-vous appréciable, qui surprend, qui accroche et qui tient en haleine. J'ai pendant longtemps été interpellée par les ressorts de l'histoire, dont l'intensité dramatique est remarquable (un héros frappé d'amnésie, des tueurs à ses trousses, une pandémie de grippe galopante = jackpot gagnant). 

Les événements s'enchaînent sur une cadence régulière et soutenue. Puis, l'ensemble s'essouffle et se noie en détails improbables, en explications lentes, longues et laborieuses. D'où une petite déception qui déteint sur l'enthousiasme d'entrée de jeu. Mauvais point aussi sur la place que prennent les rôles féminins dans l'intrigue : de simples potiches, sujettes à leurs troubles hormonaux. Pff.

La version audio est lue par Alexandre Donders, très bon dans sa lecture, son intonation des voix, son interprétation des rôles, veillant à ne pas se ridiculiser avec les voix féminines. Une lecture appréciable, qui aurait été plus percutante avec un dénouement moins abscons.

Traduit de l'allemand par Céline Maurice pour L'Archipel (2016).

>> Ce livre audio en exclusivité sur Audible - uniquement disponible en téléchargement.

Texte lu par Alexandre Donders (durée : 15h 41)

Mémoire cachée

 

 

2 septembre 2016

Berezina, de Sylvain Tesson

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« Un vrai voyage, c’est quoi ?
– Une folie qui nous obsède, dis-je, nous emporte dans le mythe ; une dérive, un délire quoi, traversé d’Histoire, de géographie, irrigué de vodka, une glissade à la Kerouac, un truc qui nous laissera pantelants, le soir, en larmes sur le bord d’un fossé. Dans la fièvre…
– Ah ? fit-il.
– Cette année ce sont les deux cents ans de la Retraite de Russie, dis-je.
– Pas possible ! dit Gras.
– Pourquoi ne pas faire offrande de ces quatre mille kilomètres aux soldats de Napoléon ? »

 

Quelle formidable épopée racontée avec panache, émotion et passion ! C'est tout ce qu'inspire le récit fabuleux du road-trip de Sylvain Tesson sur un vieux side-car en compagnie de son ami Cédric Gras, de deux camarades russes et Thomas Goisque, l'ami photographe.

C'est suite à un salon du livre basé en Russie que notre trio un peu fou lance ce projet de rentrer à Paris en suivant les traces des troupes napoléoniennes. Treize jours pour tenir un pari insensé à rouler sur des routes enneigées, par un froid de canard et couvrir la retraite de l’Empereur sur plus de quatre mille kilomètres. L'auteur nous entraîne dans une épopée carnavalesque et réjouissante, entre soif d'histoire et hommage bouleversant. On replonge dans des chapitres oubliés, on revit les batailles enfiévrées et on imagine la détresse de ces Français en déroute, leur lutte acharnée et leur désespoir face à des stratégies militaires proche du suicide. On éprouve aussi un formidable élan d'admiration pour les Grognards qui n'ont rien lâché et ont tout donné jusqu'au bout, malgré les conditions rudes, malgré le froid, la faim et malgré la fuite de Napoléon qui a précipité son retour à Paris en solo. Le moral des troupes est au plus bas, mais ces hommes se démènent pour sauver l'honneur. Une notion au sujet de laquelle l'auteur débat, tout en s'interrogeant sur l'héroïsme et notre capacité aujourd'hui à nous sacrifier pour la nation. Une cause hélas décotée. Il compare alors le génie de Napoléon qui avait réussi à imposer son rêve par le verbe, à étourdir les hommes, à les enthousiasmer et à les associer à son projet. « Il avait raconté quelque chose aux hommes et les hommes avaient eu envie d'entendre une fable, de la croire réalisable. Les hommes sont prêts à tout pour peu qu'on les exalte et que le conteur ait du talent. »

J'ai beaucoup aimé partager cette aventure, en alternant les pages du roman aux épisodes lus à voix haute par Franck Desmedt pour Audiolib. Le comédien livre une performance vivante et captivante, nous donnant l'illusion d'être à bord du side-car (ou presque) et d'être au cœur du récit. C'est passionnant, à dévorer en une bouchée tant on se sent porté par le feu de l'action. Une expérience où le sublime flirte avec le grotesque. Unique. Et fascinant.

 

Texte lu par Franck Desmedt pour Audiolib (durée : 4h 51) - Juillet 2015

Repris en poche chez Folio / Mars 2016

 

Cédric Gras, en bon baroudeur, a également fait l'écho de son récit de voyage à travers la Russie d'Extrême-Orient dans L'hiver aux trousses (Folio, 2016). 

Rien à voir avec les Grognards et Napoléon ! Il s'agit d'une autre quête fabuleuse et folle, qui consiste à partir à “la chasse aux feuilles rouges”. Soit, accompagner l'automne par tous les moyens possible (à pied, en camion, sur des canots ou à bord de remorqueur). Ainsi, des contrées polaires à la mer du Japon, ses pas ont foulé des parcelles méconnues de cette Russie du Pacifique. Une lecture totalement dépaysante ! 

 

2 septembre 2016

La Grande nageuse, d'Olivier Frébourg

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Originaire de Quiberon, où le narrateur a passé son enfance à faire de la voile et fantasmer sur la belle Gaëlle avec ses copains, le jeune homme a pris le large en intégrant l'école navale, revenant le temps de rares week-ends ou durant les vacances. Il recroise ainsi Marion, la fille de son béguin de jeunesse. Tous deux sortent ensemble et évoquent leur passion commune pour les grands espaces, les horizons perdus et l'océan. Marion est une nageuse exigeante, lui passe tout son temps à peindre ou esquisser des croquis.

De leur attirance réciproque, va naître une histoire d'amour pudique et émouvante. Le couple va s'envoler vers de nouveaux paradis terrestres, s'absorber dans leur violon d'Ingres respectif et composer leur destinée entre sensualité et délicatesse. La fascination du narrateur pour sa femme est troublante, poignante. Elle tient compte des aléas de la vie, de ses absences répétées à vivre en mer et mener ses missions, des liens de la famille, du cercle qui s'agrandit, des ambitions, des voyages et des silences toujours plus conséquents.

C'est un roman que j'imaginais pas loin d'être voluptueux mais que j'ai finalement découvert en mode contemplatif et distant, à l'instar d'un tableau exécuté par un peintre habité, soucieux de renvoyer une image noble, alors que toute perception artistique reste subjective. On y devine ainsi la nuance parfaite, le détail jamais laissé au hasard, l'ombre tracée à la loupe et le coup de crayon qu'on lâche la main légère et gracieuse. Peu de spontanéité, mais une précision tirée au cordeau.

Certes, la lecture possède de la prestance et une écriture raffinée, mais se trouve hélas dépourvue d'émotion. Je n'ai absolument pas été touchée par cette histoire d'amour ni par les personnages. Le roman apparaît trop guindé, trop froid, trop sur la réserve. La fin m'a à peine pincé le cœur et résulte après un attentisme frustrant. C'est donc sur un sentiment de déception que j'ai refermé ce livre, dont j'espérais une lecture beaucoup plus sensuelle et bouleversante. Dommage. 

Folio / Octobre 2015

1 septembre 2016

La Résurrection de Luther Grove, de Barry Gornell

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John et Laura Payne viennent d'acheter une vieille ferme au cœur d'un terrain immense dans la campagne écossaise. Après des mois de travaux, le couple peut enfin emménager avec leur petite Molly et se féliciter de leur bonne fortune. Le cadre est verdoyant, isolé et à l'abri du bruit de la ville. Ils ont la certitude de recommencer à zéro une vie jusque-là fébrile et fragile. Ils découvrent par la même occasion l'existence de leur voisin, Luther Grove, un type bourru, qui préfère la compagnie de ses abeilles à celle des humains. Il ne manifeste aucune politesse à l'encontre de John, venu le saluer avec toute sa suffisance de propriétaire fraîchement établi. Seule la petite Molly tend à dérider le bougre. Laura a bien conscience de la grossièreté de son époux et cherche à apaiser les tensions naissantes entre les deux hommes. Mais l'arrivée de Frank, le frère de John, va mettre de l'huile sur le feu et compliquer les rapports de voisinage. Laura ne supporte pas ce beau-frère vicieux et alcoolique, au comportement violent. Dès que John se trouve en sa compagnie, il se métamorphose en un individu lourd, moqueur et blessant. Les mots claquent, les mains se perdent et les esprits s'échauffent. C'est finalement chez Luther que Laura va trouver du réconfort autour d'une tasse de café. Derrière ses manières rustres, l'homme cache un chagrin insurmontable lié à un drame du passé. Pourtant, à aucun moment le roman ne laisse deviner la direction que va prendre l'histoire, si ce n'est à travers son atmosphère. D'abord sombre et inquiétante, celle-ci prend peu à peu des allures glauques et dérangeantes. On s'enfonce jusqu'au cou dans une intrigue empreinte de folie, de rage, de désespoir. Et ce n'est pas toujours aisé à supporter. J'ai tourné la dernière page avec soulagement et ressors contrariée par cette lecture... :/

Traduit par Nathalie Bru pour Mercure de France (The Healing of Luther Grove)

Repris en poche chez Folio Policier,  mai 2016

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