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Chez Clarabel

1 septembre 2008

Les mille-vies - Delphine Coulin

 

 

C'est le dernier jour de tournage pour l'actrice Dorine M., qui incarne Emma - une femme mariée qui apprend la mort prochaine de son époux par un jeune médecin qui tombe amoureux d'elle. La préparation est longue, difficile. Elle cherche à s'imprégner de son personnage, mais depuis le matin, Dorine s'est réveillée en proie aux doutes et à ses sempiternelles angoisses. Aujourd'hui, forte d'une longue carrière derrière elle, Dorine M. se sent épuisée et lasse de ses "mille-vies". Elle ne le sait pas encore, mais son jeune partenaire lui fait comprendre qu'elle a perdu pied depuis longtemps, en confondant la fiction et la réalité. 

"Prodige d'être une actrice. Une mille-vies. Fantasme absolu de notre époque, où chacun court après le temps pour vivre le plus possible. Où tout est démultiplié."

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Ce sont vingt-quatre heures de la vie d'une actrice, une femme brillante, très belle et qui n'a peut-être pas envie de se poser.

Il y a beaucoup de pudeur dans ce roman. On sent une héroïne fragilisée, qui n'a pas été épargnée par la vie et qui a choisi une kyrielle d'identités imaginaires pour fuir d'autres fantômes. A travers ce portrait d'une actrice et d'une femme, avant tout, il y a aussi l'ombre de la vraie vie, celle d'une femme amoureuse, abandonnée. L'apprentissage de l'amour défunt. C'est si admirablement conduit, feutré et silencieux, dans un vrai décor, entre les MOTEUR. TOURNE. ACTION. CUT. On suit les mille-vies de Dorine M. avec une concentration mystique.

Les mille-vies

   Seuil, août 2008 - 157 pages - 15€

merci tout particulier à l'auteur...

Le pourquoi des Mille-Vies, par Delphine Coulin (entretien vidéo)

Delphine Coulin travaille pour le cinéma et la télévision. Elle a publié un roman, Les traces, et un recueil de nouvelles, Une seconde de plus, remarqués tant par la critique que par le public.

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31 août 2008

(florilège de manga)

ça faisait un petit moment que je n'avais pas tapissé les murs de ce blog avec ma lecture de manga ! pourtant, je n'ai jamais lâché l'affaire et cela me passionne toujours autant !!!

allez hop... un petit passage en revue !

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Royal 17

Lumina est une riche héritière, chouchoutée et couvée par ses parents, sa gouvernante à tel point qu'elle se sent étouffée. Fiancée à Tarô, elle n'éprouve pour lui aucun sentiment et aspire à vivre un amour libre. Lors d'une fugue, elle croise au fastfood un type très beau et fort entreprenant. Elle découvre peu après qu'il s'agit de son garde du corps, embauché par ses parents. Côté pile, Allen est un vrai chevalier servant. Côté face, il réveille sa personnalité de fieffé don-juan et abuse de chaque instant d'intimité pour séduire Lumina.
Il y a des scènes très explicites dans cette histoire, ça peut interloquer mais l'histoire est séduisante et pourrait rappeler Shinobi Life - le glamour en moins. Les dessins ici ne sont pas toujours soignés, des détails rendraient presque laid le profil des personnages.
Par contre, je suis déçue car ce tome 1 est composé d'une autre histoire (assez nulle, c'est une jeune fille avec de gros seins qui devient la mannequin vedette d'un styliste de dessous féminins) et d'un micro feuilleton ridicule (la sorcière Melmo passe-partout, très bof !).

(Série finie en 3 tomes.)

NB : J'ai d'ailleurs lu les deux autres tomes et j'ai été fort déçue, notamment par le 3 !

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J'ai lu  Crown (quatre tomes) et j'avais bien aimé sur le coup. Cela changeait des histoires sentimentales et délicieusement grotesques ; là c'est davantage un mix de Nicky Larson & de princesse malgré elle devenue la cible d'une belle-mère décidée à la tuer pour garder son trône.

Donc, ok sur l'instant mais je m'aperçois que je ne suis pas pressée de lire la suite (le tome 5 est déjà paru) et ça ne me manque pas. Pourtant je suis du genre à réserver à l'avance... donc forcément un signe !

Pour info : Miharo, une jeune fille sans famille, est kidnappée par deux beaux gosses, en fait deux ex-mercenaires chargés de la protéger. Miharo est la princesse d'un royaume lointain, Regalia, héritière du trône, mais sa belle-mère a lancé à ses trousses une armée de tueurs. Son but, en plus de liquider celle qui risque de lui voler la place, est de s'emparer du Crown, un diamant rare, porté en pendentif par Miharo.
La jeune fille a donc deux gardes du corps à ses côtés, pas n'importe qui : il s'agit de son frère Ren et de son inséparable compagnon, Jake (Ray Muller). Ils ont des capacités à faire pâlir La ligue des Super Héros. Facilement ils déjouent tous les plans lancés par Fibula. Fingers in the nose.
D'autres personnages vont enrichir l'intrigue : Condor, un autre redoutable mercenaire, tombera fou amoureux de Miharo ; Angela, une tueuse à gages réputée pour sa passion des pierres précieuses.
Cette série est entraînante, drôle aussi, parfois émouvante (cf. le 3). On suit beaucoup les plans d'attaque et de défense, avant de prendre connaissance avec le passé des personnages. Mon seul reproche : souvent les "méchants" ont tendance à passer du côté des "bons" sans grande difficulté, c'est un peu trop lisse, trop entendu.

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La mélancolie de Sumiré

Je suis venue à ce titre uniquement parce qu'il s'agit d'une oeuvre de la mangaka de C'était Nous ! (une série que j'apprécie beaucoup) J'ignorais tout de l'histoire et je me suis lancée dans le vide. Pas déçue sur le coup, la couverture est jolie et donne le ton. L'histoire fait dangereusement penser à C'était Nous, et sans vouloir comparer, il y a un vieux réflexe qui revient au galop et nous force à relever certains détails.
Résultat, La Mélancolie de Sumiré récolte moins de points ! C'est l'histoire d'une fille qui tombe amoureuse d'un joueur de hockey, lequel est épris de son amie d'enfance. Celle-ci commence à le draguer, et dans le même temps Sumiré fait sa propre déclaration. Le garçon est alors partagé entre les deux, mais choisit son premier coup de coeur. Toutefois la porte n'est pas totalement fermée pour Sumiré et tous les espoirs sont permis.
Cela nous promet des scènes lentes, auréolées d'un charme évanescent. C'est typiquement la même recette que C'était Nous ! Ce qui cloche, ici, ce sont les personnages : ils sont pauvres, mous, incohérents, bref pas très attachants.
J'attends le deuxième tome, même si je devine l'issue de l'histoire.

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Desir C Max

Mio est une lycéenne qui travaille après les cours pour subvenir aux besoins de sa famille qui est pauvre (le père est décédé et la mère hospitalisée). Un soir, elle intervient dans une bagarre. L'un des protagonistes l'embrasse et lui donne de l'argent en lui annonçant qu'il l'achète. Le lendemain, l'ancien patron de son père, le richissime M. Jinnai, lui propose de venir travailler chez lui en tant que gouvernante. Mio découvre alors que le fils de la maison, qui est au lycée avec elle, n'est autre que le garçon qui l'a embrassée la veille.

Au début, la relation entre Mio et celui qu'on nomme Prince Jinnai est brutale. Elle le repousse tandis qu'il cherche à abuser d'elle. Elle ne le supporte pas et finit par lui demander pourquoi il s'obstine à la coller, alors qu'il remporte un succès fou auprès de toutes les filles. C'est ainsi qu'on perçoit un secret chez Jinnai, une lourde culpabilité. Mio aurait enfoui un profond traumatisme, Prince Jinnai semble lié à ce souvenir et sa façon de brusquer la jeune fille est faite dans l'intention de lui raviver la mémoire.

Heureusement l'histoire prend de l'ampleur, parce que le coup du "je t'aime moi non plus" n'allait pas tenir longtemps la route ! Il y a beaucoup de sensualité, de séduction et d'érotisme dans cette série (pour lecteur averti !). C'est assez chaud par moments. J'espère que l'intrigue, qu reste une version moderne et revisitée de Cendrillon, va s'étoffer grâce à l'intrusion de personnages secondaires (le jardinier et le petit frère). Toutefois, les dessins sont très beaux, Mio et le prince Jinnai forment un joli couple, convaincant. 

La série est en 7 tomes.

Edit après lecture du tome 3 :  Cela devient compliqué comme histoire ! J'ai failli abandonner en cours de route par la faute de ce qu'il se passe avec Hinata, le frère de Mio. D'abord on l'a connu comme détestant le Prince Jinnai, puis ce dernier a découvert son secret. Il décide de protéger Mio et son frère en les hébergeant chez lui. Hinata fait copain-copain avec son ennemi juré et fait croire à une attirance entre eux deux pour ébranler sa soeur. Oui, c'est tordu. Le Prince et Hinata, amoureux ? Mio perd un peu la boule (le lecteur aussi!). Quelques chapitres plus loin, Hinata a encore retourné sa casaque et jette son dévolu sur sa propre soeur ! Hmm, ça sent franchement le soufre ! Ce n'est pas facile de s'y retrouver, l'intrigue est un peu trop tirée par les cheveux. Et puis, autre chose qui me dérange, c'est cette contradiction chez Mio qui dit non aux assauts du Prince, alors que son corps dit oui. Un peu malsain, tout ça !

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Blood+

Blood+ était à l'origine une série télé animée, devenue une série manga.
Saya, une lycéenne ordinaire qui aime beaucoup manger, est amnésique depuis un an. Elle a été recueillie dans une famille où elle s'entend très bien avec Kai, la coqueluche du lycée, ancien joueur de base-ball devenu voyou en puissance. Or la réalité va bientôt la rattraper.
Car en coulisses, des personnages douteux ont l'air de s'intéresser au cas de Saya : il y a un jeune comte (vampire?) prénommé Charles, une équipe médicale, l'armée américaine et un violoncelliste qui prétend la connaître.
De scènes drôles en clash apocalyptique, l'histoire avance à tâtons. Saya va découvrir qui elle est, de manière violente. Les moments où surgissent les créatures monstreuses (des vampires peu glamour, ici) haussent d'un cran cette série qui cache bien son jeu.
Finalement l'intrigue bien ficelée promet d'autres aventures et des confrontations à venir, avec l'introduction de nouveaux caractères tout aussi inquiétants !

Série terminée, en cours de parution en France.

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(J'ai oublié le tome 2 de Blood+ dans un carton laissé chez mes parents ! Le tome 3 est déjà paru. Cela me fait penser que j'ai aussi oublié le tome 2 de la série Comme elles. Alors gros point d'interrogation sur cette série, qu'on a voulu présenter comme le pendant de Nana, et en fait c'est totalement à côté de la plaque ! J'ai lu le premier tome, mais je ne l'ai pas très bien compris. J'attends la suite pour juger.

De même, je déconseille fortement High School Girls - le premier tome est navrant ! C'est du cliché sur toute la ligne, et c'est assez obsédé dans le propos (je trouve). J'ai aussi été un peu désappointée par Red Garden. Pas trop aimé Diamond Head non plus. J'ai aussi été peu emballée par Honey Bitter, l'histoire ne m'a pas du tout marquée ! (je ne m'en souviens plus)

Mais le tome 4 du Sablier est prenant et vous laisse à cran - le cinquième doit paraître à la mi-novembre ! J'ai hâte.)

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*  C'est prouvé, non ?

31 août 2008

La vie pétrifiée - Nils Trede

Xavier, trente-trois ans, est un grand solitaire qui mène deux vies différentes, dans la même ville qui est séparée en deux îles reliées par un pont. D'un côté, il est serveur dans le restaurant de ses parents. Son père est mort et sa mère est gravement malade. Dans son autre vie, Xavier est médecin de police.

Un vendredi soir, un jeune couple passe la porte du restaurant et affiche un bonheur parfait et éblouissant. Xavier en a mal au ventre, pas de les jalouser mais de s'apercevoir que la demoiselle pourrait tout à fait lui correspondre. De fil en aiguille, il va la retrouver en ville et chercher à se glisser dans sa vie - en l'aidant à louer l'appartement de ses rêves, par exemple. Il est comme ça, Xavier. Il écoute, il ne dit rien et il agit. Il a très peu d'amis, il ne parle pas beaucoup et on a du mal à le cerner.

Le roman, de toute façon, est marqué du sceau qu'impose la personnalité troublante et taciturne de Xavier. Un climat d'inquiétude plane, avec la solitude de cet homme, sa mère malade, le froid glacial qui tombe sur la ville, la démence et la virulence derrière chacun de ses pas. Il marche dans la ville comme un animal en furie qui tourne dans sa cage, il traque sa proie et on se ronge les ongles d'être complice de sa folie furieuse. Jusqu'où va-t-on ?

Austère et silencieux, ce roman s'impose à nous en nous rappelant l'ambiance implacable d'un Pascal Garnier, sans aucune ironie, l'humour à plat, bien au ras des pâquerettes. Nils Trede est allemand mais vit en France et écrit en français. La vie pétrifiée est son premier roman. On retiendra de cette lecture une atmosphère suffocante, un personnage - Xavier - étrange et un peu effrayant. Un vrai roman noir.

La vie pétrifiée

Quidam éditeur, coll. Made in Europe - 135 pages - 15€

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30 août 2008

Vie érotique - Delphine de Malherbe

Une femme et un homme se livrent à un jeu de séduction hors du commun. Ils sont voisins d'appartement, ils se font face et se scrutent soir après soir. De la séduction, il en est question. Elle est danseuse, parle avec son corps et frémit lorsqu'il l'invite à la rejoindre. A travers la buée sur la vite, il lui adresse ce message : Toi Vénus, moi Eros.

Dans son atelier sous les toits, l'homme a décidé de la séquestrer. Aucune barberie dans ce geste, en fait il a reconnu en elle cette femme unique capable de l'éveiller à l'amour et lui ôter ses peaux de chagrin. Il lui a confié n'avoir pas été ému par sa danse et pense qu'elle doit briser sa carapace pour s'épanouir. De son côté, elle préférait inventer l'amour plutôt que de le vivre. En se donnant à lui, elle s'offre une deuxième naissance.

Ce très court roman est un éveil à la sensualité, un apprentissage du désir à travers les corps, les mots et les illustrations d'Isild Le Besco. Cette combinaison s'achemine vers une grâce voluptueuse, jamais canaille ou inélégante. On suit l'évolution de cette femme, en un ballet qui devient une performance érotique, pour se conclure vers "la petite mort" (en gros, une danse de la mort comme source de vie). Point de prouesses acrobatiques, beaucoup d'émotion à fleur de peau, de la douceur et un certain raffinement derrière une pointe quelque peu intellectualisée de la notion du désir.      

Vie Erotique

Editions Robert Laffont, août 2008 - 175 pages - 18€

Lire un extrait

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Delphine de Malherbe est écrivain. Après le succès de La femme interdite, Vie érotique est son deuxième roman. Journaliste au Journal du dimanche, elle écrit aussi du théâtre et des chansons. Isild Le Besco est actrice, elle écrit, réalise et produit aussi ses films. Sa peinture et ses dessins ont été exposés pour la première fois en 2007.

29 août 2008

La domination - Karine Tuil

La narratrice, écrivain d'une vingtaine d'années ayant déjà commis quelques livres, se voit offrir la proposition d'écrire un ouvrage sur son père. Son éditeur, un homme âgé et poussé vers la sortie pour cause de retraite (raison officielle), exerce une pression étouffante, qui vire progressivement à du harcèlement sexuel et à de grandes déclamations d'amour. La jeune femme tombe dans le piège de sa séduction diabolique et commence son manuscrit. Toutefois, paralysée par son écriture, incapable encore de se livrer totalement, elle décide de composer un roman factice - celui de Jacques Lansky, alias Lance - et se glisse dans la peau du fils, Adam.

Le père disparu était un homme précieux, un ogre effrayant et qui aimait exercer sur les siens une emprise avilissante. De façade, c'était un type exemplaire, un mari charmant et un père modèle. Côté coulisses, il était taciturne, colérique, collectionnait les conquêtes faciles et avait eu l'outrecuidance d'installer sa jeune maîtresse enceinte dans le foyer familial. Dans le roman de Jacques Lansky, elle porte le nom d'Elena Nordau. A l'heure des funérailles du père, cette amante maudite fait sa réapparition, quinze ans après son départ.

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Quête du père, décryptage de la judéité, relations abusées et intentions inavouables sont les thèmes abordés dans ce roman de Karine Tuil. Ecrite à la première personne, brouillant les pistes du début à la fin, cette histoire est brillante, jouant à fond le paradoxe. De domination, il en est question à tous les coins de pages, touchant tous les protagonistes de cette intrigue où résonne une touche amère. Le goût de la bile au fond de la bouche ?

Nullement dérangeant, malgré quelques flottements nauséeux, ce roman se révèle parfaitement magnétique. On se surprend à accompagner la jeune femme et son double fictif - Adam Lansky - vers les origines d'un homme auréolé de zones d'ombre. Ce n'est peut-être pas du père dont on parle uniquement, la figure de l'éditeur devient très vite importante et mystérieuse - liée au destin des Lansky ? D'une confusion admirablement menée, l'histoire nous agrippe jusqu'à sa dernière page - saisissante, émouvante, écoeurante.

Grasset, août 2008 - 230 pages - 16,50€

 

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28 août 2008

Petit déjeuner avec Mick Jagger - Nathalie Kuperman

Une adolescente de 13 ans, seule dans son appartement, prépare tous les matins le café et attend Mick Jagger. Ce qui relève du délire est en fait une manifestation d'un rêve de groupie, du moins c'est ce qu'on suppose au début. (Car après tout, le leader des Stones est-il oui ou non venu prendre le petit déjeuner ?) Ce fantasme colmate d'autres brèches, car Nathalie, la narratrice, est une adolescente traumatisée, angoissée et enfermée dans un cercle vicieux. Un soir après l'école, alors qu'elle n'avait que 8 ans, Nathalie a été victime d'une agression sexuelle.

C'est donc en gamine fragile qu'elle se pose. De plus, elle n'a aucune porte de secours, sa mère effectue de fréquents séjours en maison de repos pour dormir et son père a refait sa vie à Berlin. Seul Mick Jagger représente la vie et l'envie d'avenir.

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120 pages au compteur et une puissance foudroyante : voilà ce que m'inspire ce livre ! Est-ce un roman, un récit ou un exercice de style ? Nathalie Kuperman ne livre aucune piste, elle mêle le réel et la fiction avec une habileté déconcertante. Le personnage central se nomme... Nathalie Kuperman. Faut-il aussitôt conclure à un texte autobiographique ? Il apparaîtrait que non (après quelques recherches sur le net). L'auteur s'est amusée, purement et simplement. Elle nous livre une farce en dressant ce portrait de famille grinçant et pathétique.

Nathalie (l'adolescente) est un drôle de zèbre, tant par son obnubilation pour Mick Jagger que par son dégoût du sexe (pourtant elle se focalise sur le mot "pipe" qu'elle emploie à toutes les sauces, au point de lui valoir un renvoi de son école et un rendez-vous avec un psy). Tous les matins, penchée sur la cafetière à scruter le décompte du café, Nathalie est épatante, folle mais fascinante d'obstination. Son petit manège pour accueillir son idole ne nous semble plus désolant, mais cocasse.

Oui, voilà... Aussi grotesque que puisse paraître cette histoire si vulgairement résumée, jamais l'idée d'abandonner ne nous effleure, car dans le fond, on saisit très vite le côté doux-dingue du personnage. Et puis le style de Nathalie Kuperman est la petite cerise sur le gâteau : léger, fantasque, hystérique, désespéré. C'est le ton qu'on retrouve dans ses romans publiés pour la jeunesse, le côté "politically correct" en moins.

Petit déjeuner avec Mick Jagger

Editions de l'Olivier, coll. Figures libres - 120 pages - 14€

 

Nathalie Kuperman a notamment publié Tu me trouves comment ? et J'ai renvoyé Marta (aux éditions Gallimard), et plusieurs ouvrages pour la jeunesse (à l'école des loisirs).

27 août 2008

La tête en friche - Marie Sabine Roger

 

Germain, quarante-cinq ans, "cent dix kilos de muscles et pas un poil de graisse, un mètre quatre-vingt-neuf sous la toise, le reste à l'avenant", est inculte et analphabète, pas très futé mais pas débile pour autant. Toute son enfance, il a manqué de signes démonstratifs d'affection. A l'école, le maître le traitait comme un abruti et prenait plaisir à l'humilier. Très tôt, donc, il a renoncé aux études, à l'amour. Il exerce des petits boulots, est très habile de ses mains et aime tailler le bois avec son Opinel. Après une cohabitation difficile avec sa mère, Germain a choisi de vivre dans une caravane... au fond du jardin où il cultive ses légumes.

Un jour, dans le parc, il fait la rencontre de Margueritte, une petite vieille qui passe son temps à compter les pigeons. Ce détail les touche ; débute alors un timide rapprochement. Presque tous les jours, ils se retrouvent sur le même banc et discutent du bout de gras. De suite, Margueritte lui apparaît épatante, érudite, pleine d'éducation mais qui n'en étale pas. Elle est douce, l'écoute et commence à lui apporter des livres. Germain n'ose pas lui avouer qu'il n'aime pas ça (parce qu'il ne sait pas), par contre il prend plaisir à l'écouter lui faire la lecture à voix haute. Et de fil en aiguille, il imprime et se passionne, en redemande.

Depuis sa rencontre avec Margueritte, les choses ont bougé dans la vie de Germain. Il réfléchit beaucoup, il pense à sa mère, à ses potes de boisson, à sa petite copine Annette, à son père qu'il n'a jamais connu et à son manque de culture. Ce n'est pas qu'il se sent bête, mais floué de n'avoir pas reçu le décodage. Les heures passées à écouter Margueritte lui apprennent la puissance des mots, la liberté que cela offre et toutes les ouvertures possibles.

Sur ce constat, où jamais ne reflète la moindre pointe d'amertume, le roman devient un domaine de connaissances qui prouve qu'on a toujours besoin de labourer son champ de savoir. Le narrateur est un brave type qui n'a pas inventé l'eau chaude, on ne sent aucune pointe de misérabilisme derrière son histoire. Au contraire. Son franc-parler donne du peps au récit, c'est aussi assez drôle, avec des réparties pas mal balancées.

Et puis, je ne sais pas si on peut nommer "amitié" ce qui se tisse entre Germain et Margueritte, peut-être une adoption est-elle en cours, après un lent apprentissage. Mais c'est très joli, plein de tendresse et absolument extraordinaire. Cette histoire rappelle aussi la magie des livres et de la lecture - rien que ça, cela ne vous donne pas envie ?

La tête en friche

Editions du Rouergue, août 2008 - 237 pages - 16,50€

Marie-Sabine Roger est un auteur très connu pour la jeunesse. Ce titre est le premier pour "adultes", mais il peut également être lu par l'étiquette "adolescents - jeunes adultes".

 

 

26 août 2008

La maison des temps rompus - Pascale Quiviger

Au cours d'une longue promenade sur la plage, la narratrice découvre un panneau d'une maison à vendre, en bord de mer. Réfugié au coeur des dunes, prêt à être avalé par le roulement des vagues, cet endroit l'appelle et lui chuchote un message qu'elle seule peut entendre et comprendre. La maison des temps rompus, "c'est le lieu concocté par ce qui, en moi, demeure capable de vision, de guérison et d'espoir".

La narratrice s'y installe, perd la notion du temps et perçoit qu'elle habite un lieu hanté et qui - peut-être - n'existerait pas. Alors, un roman dans le roman voit jour : une histoire de deux amies inséparables qui vont grandir ensemble, être nourries de légendes aussi fantasques que fantasmées. On y croise une grand-mère irlandaise, qui travaillait dans les champs à pieds nus, une préceptrice anglaise, une aide-ménagère lourde de nostalgie, un amiral à la retraite, des jumeaux héritiers d'une clé d'or... Mais à quoi tout cela nous mène-t-il ?

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Ce roman, empreint de réalisme magique, nous raconte une très belle aventure de maternité, d'amour et de don de soi. C'est aussi une histoire de deuil, de séparation et de perte. Ce n'est pas foncièrement douloureux, c'est au contraire éblouissant et éclatant. Ce roman mène à la vie, j'en tiens pour preuve cette bouleversante déclaration d'une mère à sa fille :

"quand on tient un bébé dans ses bras, le jour de sa naissance, la minute de sa naissance, écoute-moi, ce jour-là, cette minute-là on tombe dans un puits sans fond et on n'en revient plus. On est condamné à aimer jour et nuit chaque battement de son coeur, on est condamné à se faire du souci sans arrêt, à souhaiter des choses impossibles, comme d'apprendre à marcher à sa place, comme d'attraper ses rhumes, sa varicelle, ses piqûres d'insectes, comme de percer ses dents, d'avoir ses peines d'amour et ses examens de fin d'année, mais c'est impossible. On imagine mille façons qu'il aurait de se blesser. On a peur qu'il meure. On a peur de ne pas pouvoir lui survivre. On le protège de toutes ses forces et pourtant on ne s'est jamais senti aussi vulnérable."

Pascale Quiviger nous offre un nouveau roman inquiétant, tordu et alambiqué. On y pénètre à tâtons, le temps de toucher les murs et de prendre ses repères. Cette maison des temps rompus crée un naufrage, celui de l'entendement. N'essayez pas de trouver Pirogue sur une carte, ne vous demandez pas ce qui est vrai ou imaginé, ne pensez surtout pas qu'un raz-de-marée va tout balayer et vous laisser exsangue... Non, c'est un livre qui se livre en douceur, camouflé sous mille couches à effeuiller avec délicatesse. Il y a un vent de folie entre ces pages, un souffle imaginaire et rêveur. C'est une très, très belle lecture qui confirme tout le bien que je pensais de cet écrivain déjà découvert avec Le cercle parfait.

La maison des temps rompus

Boréal pour l'édition en langue française au Canada, 2008
Editions Panama pour la présente édition dans le reste du monde, août 2008
190 pages - 18,50€

 

25 août 2008

Corniche Kennedy - Maylis de Kerangal

C'est l'histoire d'une bande de jeunes, "les petits cons de la corniche". Ils ont entre treize et seize ans, ils viennent tous les jours braver l'interdit, se réunissent sur la Plate (une portion de territoire, un amalgame de grosses pierres concassées au bulldozer, un territoire ingrat et nu). C'est leur quartier général, ils viennent frimer et se lancer des défis, notamment des plongées vertigineuses auxquelles ils donnent des noms torrides, comme le Just Do It ou le Face-to-Face.

Eddy se pose en chef de bande, d'un accord tacite et muet. C'est lui qui déclare la sentence, lorsqu'une fille pas très jolie et effrontée se fait surprendre la main dans le sac, en train de voler un portable. Aussitôt, le couperet tombe : elle doit sauter, qu'importe son vertige, sa trouille, sa morgue. Arrogante avec ses lunettes noires, Suzanne n'est pas une fille comme les autres. Avec son physique hors du commun, son allure qui dénote qu'elle appartient à la haute, elle montre aussi qu'elle va leur apporter des soucis. Eddy s'en doute, voilà pourquoi il n'ose pas la regarder droit dans les yeux.

Et puis un déclic se passe, il ne comprend pas. Mario, son pote, le chambre et toute la bande fait chorus. Or, d'autres ennuis vont se présenter aux jeunes de la corniche Kennedy. Sylvestre Opéra, le chef de la Sécurité du littoral, a la bande dans sa ligne de mire. De son bureau, il scrute ces têtes brûlées avec sa paire de jumelles et attend son heure pour leur tomber dessus. Le Jockey, son supérieur, a décrété une tolérance zéro et un nettoyage de la Corniche.

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Avec son écriture nerveuse, Maylis de Kerangal ajoute un peps étonnant à cette chronique d'un été, où des jeunes expriment leur art de vivre avec une insolence propre à leur âge - et leurs situations personnelles. On se cherche, on se teste, on veut être accepté et on fait tout son possible pour s'affirmer. "Puisque frimer précisément, tchatcher, sauter, plonger, parader, c'est ce qu'ils font quand ils sont là, c'est ce qu'ils viennent faire." La Plate est une scène où ils s'exhibent, avec son rituel et sa hiérarchie. C'est un théâtre et il ne peut se séparer de la vie. 

Le face-à-face avec les forces de l'ordre donne du piment à l'histoire, on tressaute, on flaire l'embrouille et la fin tragique. Qui sait ? On n'en perd pas une miette. Dans ce livre, on trouve - en vrac - un paquet de drogues, des Russes, une fille paumée qui se prénomme Tania, un affrontement par presse interposée, un hymne à la liberté et un affront aux règles établies. Ce roman se lit d'une traite, il est vif et enlevé, écrit d'une plume sensuelle et qui aime tremper dans une encre acide. Pour conclure, c'est bluffant.

Corniche Kennedy

Verticales / Phase Deux, août 2008 - 177 pages - 15,50€

Maylis de Kerangal est l'auteur de deux romans aux éditions Verticales : Je marche sous un ciel de traîne (2000) et La vie voyageuse (2003) et d'un recueil de nouvelles, Ni fleurs ni couronnes (2006). Aux éditions Naïve, elle a conçu une fiction en hommage à Blondie et Kate Bush, Dans les rapides (2007) et participé avec d'autres membres de la revue Inculte au livre collectif Une chic fille (2008).

24 août 2008

Laver les ombres - Jeanne Benameur

Au lecteur à venir, je lui souhaite la même sensation de gouffre qui s'ouvre sous les pieds et qui donne l'impression de vertige. C'est un roman qui parle de deux femmes. Il y a Lea, danseuse de trente-sept ans au corps rouillé, qui panique et ne comprend pas pourquoi toutes ses relations amoureuses se soldent par un échec. La dernière en date, celle avec Bruno, un peintre, est vouée à la même déconfiture. Lors d'une séance de pose, Lea s'est sentie oppressée et a pris la fuite au volant de sa voiture pour retrouver sa mère, Romilda. Par une nuit de tempête, seules dans cette maison pas loin de la falaise, les deux femmes vont beaucoup pleurer en mettant à jour des secrets enfouis depuis l'année 1940, dans une chambre, à Naples.

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Ce roman, au charme étrange, ne livre ses mystères qu'au compte-goutte. On suit de près l'héroïne, Lea, qui est une femme en perte d'équilibre, qui refuse de chavirer, d'accepter le faux-pas. Pro de la danse, elle livre son corps à une discipline de fer. La simple idée de se mettre à nu - dans tous les sens du terme - l'empêche d'avancer. Cette conversation qu'elle va avoir avec sa mère est ainsi un moyen d'expurger les démons qui rongent leurs âmes. C'est bénéfique pour l'une et l'autre, désespérant pour le lecteur extérieur à cette histoire. On se prend tout dans la figure, c'est violent, de cette rage impuissante et frustrante. L'émotion de la mère est palpable, elle touche et laisse bras ballants. Que faire de tout ceci, sinon rien ? Tout ranger, proprement, et refermer ce court récit, poignant.

C'est de l'amour dont il est question, aimer conjugué à tous les temps, dans plusieurs langues mais dans une symbolique qui dépasse l'entendement... "Apprendre la marche imparfaite de tous ceux qui ont dans le corps un poids qui se déplace et les entraîne. Sans qu'ils y puissent rien. Et danser avec ça. (...) Elle fait partie maintenant de ceux qui articulent leurs pas comme on parle après être resté trop longtemps silencieux. Avec peine. La seul grâce possible. Partageable."

Laver les ombres

Actes Sud, août 2008 - 160 pages - 15€

Le coup de coeur de Vanessa (Eliabar)

 

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