Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Chez Clarabel

22 juillet 2008

Les Chroniques de Pont-aux-Rats - Tome 1 : Au Bonheur des Monstres

IMGP5864

Par une nuit de pleine lune, une silhouette se faufile de sous une plaque d'égout et s'envole aussitôt vers les toits des maisons. Avec son bonnet-casque et ses ailes mécaniques, jamais on ne soupçonnerait qu'il s'agit d'un petit garçon. On le connaît sous le prénom d'Arthur, il vit seul avec son Bon-Papa dans le monde de l'En-dessous. Il profite souvent du soir tombant pour aller à la cueillette, autrement dit chercher quelques victuailles dans les jardins du Dessus.

Mais cette mission va prendre un tour particulier, Arthur sera témoin d'une chasse aux Fromages sauvages, qui est pourtant devenue une activité prohibée. Poussé par sa curiosité et guidé par la prudence, le garçon suit de loin ce remue-ménage mais est surpris par Grapnard et sa clique. La bande lui confisque ses ailes et fonce sur lui pour le mettre sous les verroux, mais l'enfant parvient à s'échapper et trouve refuge chez Willbury Chipott, avocat de la couronne, en retraite. Ce dernier vit entouré de bricoliaux, de choutrognes et autres fifrelins.

Peut-être faut-il ouvrir une parenthèse pour présenter cette étrange cité qu'est Pont-aux-Rats... Un monde imaginaire, peuplé de créatures aussi loufoques que des vaches aquatiques, des blaireaux courvites, des lapinelles et des rats qui oeuvrent à bord de la Laverie Automatique Ratipontaine. Il existe aussi un monde souterrain où se cachent Arthur et Bon-Papa, mais où s'organisent des travaux d'entretien sur les canalisations et autres tâches maraîchères...

Depuis le Grand Krach Fromager, la chasse aux fromages sauvages est donc formellement proscrite, entraînant la dissolution de la Guilde Fromagère Ratipontaine. Tout cela est bien obscur et il semblerait que Grapnard combine quelques vilains tours pour contourner les règles établies. Arthur et son nouvel ami Mr Chipott découvrent avec horreur que toutes les plaques d'égout ont été condamnées avec de la forte glu. Il se passe vraiment de drôles de choses à Pont-aux-Rats, avec notamment des disparitions, des enlèvements et des mascarades à la barbe du peuple nigaud (Madame Froufrou et sa mode de Parii). Cela devient plus qu'inquiétant quand Mr Chipott constate avec tristesse que ses fidèles compagnons sont tous portés disparus, avec une maison mise à sac.

Ce sont 540 pages du même registre que nous offre Alan Snow, auteur totalement déjanté - si l'on se base sur le contenu de cette brique jaune !  Auteur, mais illustrateur de renom, car Alan Snow fournit son texte d'une centaine d'illustrations qui allège l'impression de lecture. Le jeune lecteur sera happé par l'ambiance et aura maille à quitter cet univers farfelu. La folle du logis a sorti ses plus belles parures pour s'étaler de long en large et en travers dans ce premier tome. On ne se lasse pas de tourner les pages, impatient de découvrir ce que nous réserve le chapitre suivant. Et c'est hallucinant la somme d'imagination que nous sert l'auteur, ce n'est jamais redondant ou gavant, il n'y a pas de surenchère non plus, et c'est encore moins débile. C'est un joyeux fourre-tout, avec un côté rétro qui pourrait laisser penser que l'histoire se passe au 19ème siècle... mais un autre détail nous rattrape et nous fait revoir nos calculs élémentaires.

Finalement, il faut se laisser porter par ce livre, aussi beau et chouette à l'intérieur qu'à l'extérieur, original par son contenu (et pas seulement), bien écrit et traduit, étourdissant par sa fantaisie et son lot d'aventures. On ne s'ennuie pas, on rigole beaucoup et on devient forcément curieux de ce que l'auteur peut nous réserver à l'avenir !

Les Chroniques de Pont-aux-Rats, tome 1 : Au Bonheur des Monstres - Alan Snow

Editions Nathan, (mars) 2008 pour la traduction - 540 pages. 19,50€

traduit de l'anglais par Rose-Marie Vassallo

Le site : http://www.nathan.fr/chroniquesdepontauxrats/ (avec le premier chapitre à découvrir)

IMGP5865

(aperçu)

Pour acheter :

 

Publicité
Publicité
21 juillet 2008

Les Cavaliers des Lumières : Le règne de la Barbarie *

Si seulement sa mère n'avait pas eu cet accident, peut-être Théo ne se serait jamais intéressée à ce jeu maudit. Pour effectuer son travail de deuil l'adolescente a choisi de couper tout contact avec l'extérieur, de ne plus parler à personne, de rompre avec ses amis. Elle vit désormais dans sa bulle, accrochée à un jeu online où elle s'est révélée prodigieuse, atteignant le niveau 5, comme quatre autre joueurs dans le monde. C'est exceptionnel, et Théo n'en est pas peu fière.

Après une fâcherie avec son père, qui s'inquiète (à juste titre), Théo est privée d'ordinateur jusqu'à nouvel ordre. L'ado doit remonter la barre et obtenir des résultats scolaires plus brillants. Elle s'aperçoit alors de sa terrible addiction au jeu et passe outre l'interdiction paternelle en se connectant en cachette. Là, un soir, elle surprend des scènes qu'elle n'aurait pas dû voir. Mais elle s'imagine aussitôt qu'il s'agit d'un léger bug, ce n'est pas méchant et ne porte pas à conséquences. Erreur !

Les jours suivants, d'étranges événements surviennent dans la vraie vie de Théo. Sont-ce des hallucinations, des alarmes (trop de jeu, des neurones embrouillés)... ? Elle décide alors de se connecter sur le site du jeu et contacte les autres joueurs du niveau 5. Bizarrement, ces derniers partagent les mêmes doutes : la terrible armée des Barbarians est-elle sortie de la sphère ludique et virtuelle pour s'immiscer dans leur monde ? !

IMGP5862

Je vous laisse découvrir ce qu'est exactement le jeu d'héroïc fantasy (les Barbarians Killers) qui est devenu la principale nourriture de notre jeune Théodora. C'est un monde étrange, menacé par des forces obscures, et les cinq meilleurs joueurs mondiaux se verront attribuer le titre honorifique des cavaliers des lumières, avec pour charge de protéger, de combattre et de résister. De longues descriptions s'ensuivent, mêlées au récit par les terrifiantes menaces qui frappent le Monde Nouveau (ainsi est appelée l'humble société dans laquelle nous vivons !).

Préparez-vous à quelques surprises de taille, car la vicissitude de ces créatures sournoises s'attaquent à toutes les personnes qui cherchent à aider Théo et les Barbarians ne mettent pas de gants pour dissuader et faire peser la menace !!! Leurs armes sont redoutables, car le commun des mortels ne voit pas la même chose que Théo, qui se retrouve ainsi isolée, incomprise et totalement déboussolée. Elle seule détient la preuve que les Barbarians s'incarnent sur Terre avec pour mission d'éliminer tous les Cavaliers.

Après son père, c'est son ancien meilleur ami qui est touché, puis des camarades de chambrée. Accident de voiture, incendie volontaire, bain de sang... la liste ne finit pas de s'allonger. Théo choisit de partir sur l'ile de Wight, dans un manoir austère, de style victorien. Elle aura recours à la bonne vieille méthode de compulser des livres dans une bibliothèque pour ses recherches avant le grand rendez-vous avec ses pairs. Car Théo a découvert qu'elle pouvait s'introduire en personne dans le jeu et franchir la frontière séparant l'irréel du réel... Incroyable !

Mêlant la quête épique, le tourbillon fantastique et le souffle d'aventure, ce roman brasse moults références et légendes pour alimenter son intrigue haute en couleurs. C'est entraînant, aidé de quelques pauses bénéfiques dans le coeur de l'action, mais le suspense est toujours entretenu à un train d'enfer. Le climat de terreur rampante par la menace des Barbarians est bougrement efficace, on s'accroche, on guette et on attend au tournant la suite de l'épopée...

Un deuxième volume va paraître courant Novembre 2008 (la série est en cinq tomes). Ce livre porte la signature de deux auteurs fort remarqués pour leurs romans policiers : Brigite Aubert et Gisèle Cavali.

Les Cavaliers des Lumières, Le règne de la barbarie * - Aubert & Cavali

Plon, mai 2008 - Coll. Jeunesse / Heroïc - 300 pages. 13€

A également été lu par Marie

20 juillet 2008

L'été solitaire - Elizabeth von Arnim

 

Début mai, Elizabeth annonce à son mari, l'Homme de Colère, son intention de rester seule durant l'été "afin de retrouver les racines mêmes de la vie". Bougon, l'homme discrédite ce projet mais l'accepte par respect pour sa douce. Il parie intérieurement que son épouse ne pourra se plier à pareille restriction et finira par craquer lorsque la pluie et l'ennui la gagneront.

Les mois passent et Elizabeth se prélasse dans le calme et la pureté de son jardin, respirant les bonnes odeurs, se délectant de la lecture de ses auteurs fétiches. La jeune comtesse savoure le bonheur de son jardin allemand, car en fait, ce journal est la suite d'un titre précédemment paru (Elizabeth et son jardin allemand).

Dans la vraie vie, Elizabeth est mariée à un aristocrate prussien rencontré en Italie et s'installe avec lui à Berlin. Cinq ans plus tard, le couple emménage à la campagne où la comtesse se découvre une vraie passion pour la vie rurale et le jardin. Elle commencera à écrire et publiera anonymement son premier ouvrage où elle confie ses réflexions sur "la rudesse de cette Allemagne du nord et ses tentatives de création d'un jardin à l'anglaise".

Enhardie par ce succès, Elizabeth von Arnim offrira une suite à cette chronique... gentille, contemplative et assez sentencieuse, toute imprégnée d'un luthérianisme rigide qui pèse sur toute la vie sociale (un missionnaire lui rappelle sinistrement qu'elle habite dans la Vallée des Larmes et qu'elle aura, tôt ou tard, son lot de malheurs pour fouetter sa béatitude présente...). Brrr.

J'ai été un peu déçue par ce livre, je n'ai pas retrouvé le peps savouré dans Avril Enchanté par exemple (et que je conseille plus fortement!). Cela reste toutefois l'appréciation d'un style élégant et guindé, joliment poétique, que j'aimerais comparer à la touche anglaise, mais non. Elizabeth von Arnim demeure un auteur à découvrir coûte que coûte !

 

L'été solitaire

Salvy éditeur, 1991 pour la traduction française / 10-18, 1997

traduit de l'anglais par François DUPUIGRENET-DESROUSSILLES

A été lu par Nanne, plus sensible à cette contemplation

18 juillet 2008

Tokyo - Mo Hayder

IMGP5856

Qui est Grey ? Derrière la façade de l'étudiante anglaise, qui a tout plaqué pour venir à Tokyo et rencontrer un homme censé la renseigner sur un sujet qu'elle bûche depuis neuf ans, sept mois et une dizaine de jours, qui est-elle ? De prime abord, Grey est une jeune femme mystérieuse, mal fagotée, les cheveux plaqués derrière les oreilles, obnubilée par la guerre en Chine et le massacre de Nankin par l'armée japonaise. Sans argent ni bagages, Grey accepte d'être hébergée chez Jason, dans une vieille bicoque délabrée, et trouve un emploi d'hôtesse dans un club privé, le Some like it hot.

Ce ne sont pas ses charmes qu'elle offre, mais sa compagnie, sa prévenance à servir des verres, allumer des cigarettes et faire la conversation pour égayer des messieurs venus se distraire. Cela fait passer le temps, car elle espère toujours que son professeur Shi Chongming change d'avis et accepte de la revoir pour négocier ce qu'elle attend de lui. C'est alors que celui-ci fait volte-face et propose de monnayer le précieux film qu'elle brûle d'avoir contre un autre objet de sa convoitise. Objet non identifié, bien sûr. Chongming sait d'avance que Grey parviendra à mettre la main dessus, mais où ? Dans l'antre de l'enfer. Elle doit se faufiler chez un redoutable yakuza, client du Some Like It Hot, un dénommé Junzo Fuyuki, bloqué dans son fauteuil roulant et toujours affublé de sa Nurse, une personne étrange au physique tout aussi impressionnant.

Entre-temps, se mêle le récit d'un journal intime rapportant le sinistre désastre de l'automne 1937 à Nankin. C'est dans ce sombre décorum qu'on s'enfonce en retenant tantôt un hoquet de dégoût ou en haussant les sourcils de stupéfaction. Le livre peut mériter toutes les appelations, il n'en demeure pas moins bluffant. Accroché aux basques de la jeune héroïne, on découvre les travers d'un Tokyo malsain, où fleurissent la transgression, la perversité et la sensualité. Et croyez-le ou non, mais impossible de décrocher !

Cette histoire est fascinante, derrière son goût de l'interdit et de l'horreur. Je ne vous cache pas qu'au début j'ai eu un peu de mal, j'étais dégoûtée, non pas par l'atmosphère poisseuse, mais plutôt par la personnalité complexe de Grey. Son jeu d'effarouchée est inquiétant, limite agaçant. (On comprend mieux après de longs, longs chapitres, mais en attendant il faut serrer les dents.) J'ai craint aussi le pire avec l'introduction de la pègre nippone, du club privé (la propriétaire a remporté toute ma sympathie, derrière sa pâle imitation de Marilyn), des locataires russes dans la grande maison abandonnée, et "du pas de deux sophistiqué" avec Jason (personnage encore plus tordu que Grey !). Or, finalement, tout se place plutôt bien, comme des morceaux de puzzle.

J'ai été séduite par Tokyo, mais j'admets que c'est un roman qui peut déconcerter. Sa violence sournoise gronde longtemps avant de nous exploser dans les dernières pages, et les révélations de cette intrigue nouée sont assommantes. C'est tout à fait le genre de lecture qui ne nous épargne pas... (à lire, donc !)       

 

Tokyo

Presses de la Cité, 2005 - traduit par Hubert Tézenas

Pocket, 2007 - 475 pages.

Je me rappelle combien Tatiana avait été scotchée par ce livre...

17 juillet 2008

Le temps n'est rien - Audrey Niffenegger

"Claire, très peu de personnes rencontrent l'âme soeur à l'âge de six ans. Du coup, il faut bien passer le temps d'une façon ou d'une autre." Mais une année dans la vie d'Henry ne ressemble pas du tout à celle du commun des mortels ; la première fois qu'il rencontre Claire, elle a six ans et lui trente-six. Dans leur présent, il en a vingt-huit et elle vingt ans. Il est bibliothécaire, elle étudiante avant de devenir artiste. Cette incroyable histoire d'amour trouve son explication dans le fait que Henry est un voyageur dans le temps. Ce n'est pas un conte à dormir debout, le phénomène s'explique... mais en attendant Claire passe toute sa vie à attendre Henry. Vous vous imaginez pareille dévotion ? Et pourtant, c'est possible.

IMGP5846

Lorsqu'on découvre cette histoire, sur papier, on se surprend à vibrer et partager les mêmes émotions que nos deux protagonistes. Ce n'est pas gagné, pour autant, entre les passages longuets, le scénario abracadabrantesque, le sent-bon à la guimauve, le tout sur 500 pages, il faut un scénario en béton pour nous accrocher. Et j'ai tout gobé ! Cette version moderne (et de très loin revisitée) du mythe d'Ulysse et Pénélope est aussi un hymne à l'amour intemporel. Cela fait deux ans que je souhaitais lire ce livre, que j'avais commencé en anglais, et maintenant que c'est chose faite, je peine à en parler convenablement.

D'abord, il ne se passe pas beaucoup de choses dans ce livre, à part suivre le fil invisible que tissent Claire et Henry à travers les sauts dans le temps. C'est aussi le propos du roman : comment vivre l'instant présent, lorsque votre amoureux connaît déjà le passé et le futur ? Et comment supporter cette frustration qu'implique l'absence de votre moitié, les soirs de Noël en famille, le jour de votre mariage ou au moment d'accoucher ? Tout est possible, rien n'est rattrapable... le temps file, mais le temps n'est rien.

Voilà comment on ressort de cette lecture : on peine à y croire, puis on mord à pleines dents, et on s'étonne de tout lire d'une traite (500 pages, ce n'est pas rien!). Ce livre vous enveloppe dans une bulle, hors du temps. L'aventure de Claire et Henry promet toute une gamme d'émotions : on rit, on râle, on frémit, on s'émeut et on pleurniche. Oui vraiment, c'est une très belle histoire. (Et encore un très bon conseil pour vos lectures de vacances !)

Lily n'a pas tout compris ; l'autre Lilly a été déçue ; Jules et Karine ont eu la gorge nouée...

Editions Michel Lafon, 2005 pour la traduction française - J'ai Lu, 2006.  520 pages.

traduit de l'américain par Nathalie Besse et Jean-Pascal Bernard.

Publicité
Publicité
16 juillet 2008

Le plaisir de dire non - Sylvie Del Cotto

Arrière-salle du Café des Parieurs à Jouy-en-Josas, soirée déguisée sur le thème des héros populaires : il y a là un Superman ventripotent, un Zorro bien éméché, une Janis Joplin avec un faux pétard, un Tarzan suant à grosses gouttes qui enlace une Cléopâtre aux cheveux grisonnants. Tout ce beau monde s’élance sur la piste pour danser un madison bien aligné, tous ensemble. Quand ils enchaînent sur La Macarena, c’en est trop pour Fantômette, alias Billy. Elle se réfugie dans les toilettes et fait un point sur sa drôle de vie : elle déteste passer une soirée seule chez elle, voilà pourquoi elle se retrouve dans des soirées improbables, à devoir supporter des plans drague à deux balles…
Souvent, elle surfe sur Patetic.com où elle fait des rencontres plus ou moins cocasses. Elle voit régulièrement Antoine qui, lui, fait semblant de croire qu’il ne la connaît pas, passe la nuit avec elle et s’empresse de l’oublier.
Billy ne veut surtout pas grandir, juste s’amuser…
Et dire non à tout ce qui l’embête, la carrière, les fiançailles, les cheveux gris. Tiens, voilà encore Antoine, l’amant amnésique. À lui aussi, elle dit non. Jusqu’à quand
?

IMGP5839

Le Plaisir de dire non est le genre de lecture idéale pour les vacances : une héroïne drôle, à qui les aventures cocasses et sentimentales ne manquent pas. C'est une célibataire de 31 ans, elle s'appelle Billy et travaille comme pigiste dans un magazine people où elle s'occupe de la rubrique Courrier des lecteurs. Loin d'être farouche, elle aime les rencontres et les contacts virtuels sur le site Patetic.com où elle a justement fait la connaissance d'Antoine, le bel amnésique (chaque jour il l'approche, semble ne jamais la reconnaître, il la retrouve le soir et l'oublie le lendemain).

Billy a une incapacité chronique de dire non, elle suit donc sans conviction Sabine, la copine boulet rencontrée pendant les vacances, et collectionne les fiestas en banlieue, les mauvais plans en rase campagne ou les week-ends avortés sur la côte normande. Billy la tornade dissimule sa peur panique de s'engager dans ce tourbillon d'activités complètement stériles.

Alléchée par cette très sympathique quatrième de couverture, je me suis jetée à l'eau en espérant passer un moment de lecture totalement dépaysant. Pari réussi. Ok, le roman n'est pas parfait, mais ce n'est pas grave. On retient surtout la sensation survoltée d'une aventure désopilante et très drôle. La narratrice, alias Billy, est une jeune femme excentrique, elle aime discuter le soir avec son miroir à faces (où en fait elle a collé les photographies de Mireille Dumas, Raymond Devos et les Bee Gees). Véritable bout-en-train qui ne manque jamais de souffle, Billy est une héroïne qu'on suit donc avec joie. Avec elle, découvrez le plaisir de dire OUI !

Le plaisir de dire non - Sylvie Del Cotto

Calmann-lévy, mars 2008 - 265 pages. 

Autre particularité du roman, sa bande originale : 

 

15 juillet 2008

(lectures de vacances - 3)

IMGP5838

Qu'est-ce que j'ai été déçue par ce livre ! Au menu, on trouve sept nouvelles, aussitôt précisées comme étant caustiques, féroces et intraitables avec le dogme de l'apparence, le féminisme et le poids de la société qui influence l'estime de soi. Et franchement je n'y crois pas aux critiques, "On se tient les côtes. Ces femmes sont drôles, tordues, actuelles." (Madame Figaro) "A lire pour se réconcilier avec sa cellulite." (Biba)... Ah bon ? Autant le dire de suite : non je n'ai pas ri. J'ai plutôt senti combien ces histoires étaient tristes, sans appel et pitoyables pour les êtres mis en scène.

Au choix : dans une société du futur, dirigée par le bistouri, le Botox et la silicone, les hommes pleurent d'être de plus en plus privés du moelleux de la femme ; aux élections présidentielles, une femme a décroché le poste suprême et décide d'ouvrir des maisons closes pour femmes respectables ; une épouse devient l'objet sexuel mis au centre des contrats à négocier par son mari et son patron ; un anniversaire de mariage met à plat les coucheries des uns et des autres ; une femme au foyer a choisi de briser l'habitude en couchant à droite et à gauche avec le postier, le boulanger, le boucher etc.

Je suis passée totalement à côté. Je n'ai pas souri un instant, je me suis pratiquement ennuyée. J'ai trouvé les portraits de ces femmes pas loin d'être pathétiques, mais surtout ça m'a fichu un voile glacial sur tout le corps. Plus je lisais les nouvelles et plus je m'enfonçais dans une énorme tristesse. La vision du couple, par exemple, est terriblement amère, désespérante. Non désolée, ça ne prend pas avec moi...

Eloge de la cellulite et autres disgrâces - Dominique Dyens

Editions Héloïse d'Ormesson, 2006 - Livre de poche, 2008. 180 pages.

... sur un conseil de Laure ;o)

IMGP5841

Celui-ci est un roman, mais il est constitué de dix courtes histoires pré-publiées dans des magazines sous forme de nouvelles. Le tout assemblé se lit d'une traite, se cogne, se fait signe et se répète... c'est la règle. Mais ce n'est jamais redondant, au contraire. On souligne combien la mort du père, par exemple, a morcelé la vie des deux garçons, dont le narrateur, le cadet. Il y a eu un avant, et il y aura ensuite l'après, les restes, la vie qui tente de continuer...

Au centre, demeure cette figure céleste et sublime de la mère. Son nom, Maria Dolorosa. En espagnol, cela signifie la Mère des Chagrins. Coquette, féminine, la touche de Shalimar dans les airs, rêveuse, pointilleuse et secrète, cette femme est l'image même de la fascination pour le jeune garçon. Avec son nouveau copain du quartier, Denny, le fiston aimait se faufiler dans les placards de la mère et se pavaner avec ses toilettes. A onze ans, avec le décès brutal du père, le garçon reçoit une gifle cinglante quand ses cachotteries sont mises à jour... Tu seras un homme, mon fils. C'est la phrase qu'on peut lire entre les lignes, jamais noir sur blanc. La mère pressent, tremble et pourtant elle refuse de l'admettre. Promets de ne jamais devenir homosexuel, lui souffle-t-elle lorsqu'elle le surprend en train d'écouter des disques de Piaf.

Les derniers chapitres du livre concernent de loin en loin les souvenirs d'enfance, ciblent les deux fils devenus adultes. Davis va connaître une morte violente et prématurée, la mère va vieillir en perdant la tête et le narrateur, au centre, cherche à assumer son identité sexuelle, malgré les réminiscences d'une enfance encadrée de reproches, de non-dits et d'évidences tues :  "Je savais déjà , je suppose, que j'étais le fils de ma mère, tout comme Davis était le fils de notre père." Une nostalgie sourde résonne, un arrière goût de chagrin mêlé à un sentiment d'observation. Le narrateur partage avec le lecteur son portrait de famille et la peinture d'une époque (l'Amérique des années 50) avec tendresse et mélancolie. C'est joli, mais la fin est désolante et a gâché mon plaisir...

La mère des chagrins - Richard McCann

Editions des Deux Terres, septembre 2006 pour la traduction française / Points, 2008

traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne Damour

Les avis de Lily & Cathulu

IMGP5843

Et si l'amour n'était qu'un rêve ? La question est posée, elle nourrit sept textes assez courts et dont l'autre point commun est de mettre en scène des personnages féminins. Elles se prénomment Harriet, Anna, Madame, Ellie Pearl et Rupe Pearle. Elles n'ont pas le même âge, ne sont pas issues du même rang social mais elles attendent toutes l'amour. Ce n'est pas un sentiment qui les sauve, parfois cela les plonge dans un profond désarroi, mais cela procure quelques pages de divertissement pour le lecteur impassible que nous sommes (ou que je suis, tout simplement).

Car hélas, ces sept histoires sont trop vites lues. C'est bien la première fois que je m'entends me plaindre d'un livre trop court ! En fait, ce qui frustre ici, c'est que j'ai l'impression qu'on a raclé les fonds de tiroir. Ce sont les derniers récits, inédits, de Kressmann Taylor. Je me rappelle avoir lu et beaucoup apprécié Ainsi mentent les hommes, son précédent recueil, sauf que les nouvelles me paraissaient plus consistantes. Ou peut-être aurait-il été plus judicieux de compiler les textes dans un seul ensemble.

Bref, je retiens de ce maigre butin une très bonne impression avec Ellie Pearle. Cette jeune fille a grandi dans les montagnes, un milieu rudimentaire et difficile pour les conditions féminines. Par le soutien de sa mère, elle est partie en ville suivre des leçons de dactylo, gagner son propre argent et s'élever coquettement. De retour chez les siens, pour une semaine de vacances, Ellie Pearle retrouve son ancien petit copain Tige Tagard, le fermier rustre par excellence, et voit là un conflit d'attirance - sa vie rêvée en ville ou ses amours passionnelles dans les montagnes. Personnellement, je pense que ce texte aurait pu nourrir un début de roman plutôt appétissant... Dommage.

Ainsi rêvent les femmes - Kressmann Taylor

Editions Autrement, 2006 pour la présente édition /  Livre de Poche, 2008

Nouvelles traduites de l'anglais (Etats-Unis) par Laurent Bury

Lu par Lilly (très enthousiaste) ; Laurence (déçue, comme moi)

13 juillet 2008

Old-fashioned, but delicious !

 

 

IMGP5823

Dans le quartier des Batignolles, le corps d'un petit vieux est retrouvé dans un bain de sang... La victime a juste eu le temps de griffonner les premières lettres du nom de l'assassin : il s'agit de son neveu, Monistrol. Ce dernier avoue aussitôt les faits, le juge et la police se frottent les mains de conclure une affaire aussi vite. Mais Méchinet, agent de sûreté, n'est pas du même avis. Il est secondé par Godeuil, un jeune officier de santé. La rencontre entre ces deux personnages n'est pas sans rappeler la paire sympathique de Sherlock Holmes et Docteur Watson, ou Hercule Poirot et le commissaire Japp.

Bref, Méchinet devine d'instinct que l'enquête ne fait que commencer. Il va rencontrer la blonde et délicieuse Mme Monistrol, trop belle pour être honnête, trop cupide, trop ambitieuse et trop rayonnante auprès d'un époux au physique peu attrayant. La dame a un alibi, le mari plaide coupable. Mais alors ? Les petites cellules grises de nos deux compères s'activent. Cette intrigue est rondement bien ficelée, classique et décrit un Paris du 19ème siècle guindé, suranné mais charmant.

Emile Gaboriau est un pionnier du roman policier français, auteur d'une oeuvre qu'on compare facilement à celle de l'anglais Wilkie Collins par exemple. Le petit vieux des Batignolles inaugure un cycle de nouvelles (l'histoire ne fait que 86 pages). Le texte est suivi de deux nouvelles qui composent Mariages d'amour : Monsieur JD de Saint Roch, ambassadeur matrimonial et Promesses de mariage.

Ces deux récits dénoncent la spéculation des sentiments humains et des mariages arrangés. Monsieur JD de Saint Roch est un brocanteur du mariage, comme il se décrit. Il embobine le fils d'un avoué, qui a déjà créé le scandale de démissionner de son poste d'ingénieur des Ponts et Chaussées, puis a su construire une honnête fortune à force de spéculations. L'entremise de petites lettres qui dénoncent, conspuent et colportent des vérités à demi cachées ou avouées va semer la zizanie dans le coeur des jeunes gens épris. Promesses de mariage permet à l'auteur de s'attaquer aux mariages arrangés qui sont encore monnaie courante sous le Second Empire. Gaboriau se livre ici à un anti-marivaudage féroce et réjouissant.

(Personnellement j'ai plutôt apprécié la première histoire, car on y perçoit bien le policier qui va ouvrir la voie à d'autres personnages ou influencer des futurs auteurs. Cf. Simenon et Maigret, encore un exemple.)

S'il n'est pas l'inventeur du genre, Emile Gaboriau a su incontestablement donner au genre policier ses premières lettres de noblesse. Et même créer un archétype de personnage débonnaire qui poursuit l'enquête sans trop avoir l'air de s'y intéresser, qui sait toujours où il va mais laisse tout le monde perplexe. La liste des personnages qui doivent à Gaboriau leur caractère propre est vaste, ici naît sans aucun doute aussi bien Holmes, nous l'avons dit, que Colombo, dont le faux-air ahuri est le meilleur piège à vérité. Et tout est ici, dans une langue savoureuse et simple, qui met le quotidien dans un roman et parvient à en faire toute une histoire.  Source : Boojum-mag.

Le petit vieux des Batignolles, et autres nouvelles - Emile Gaboriau

Editions du Masque, coll. Labyrinthes - 2008. 345 pages. 8€

IMGP5824

Lady Angatell et son époux reçoivent pour le week-end quelques amis dans leur splendide domaine du Vallon. Des amis, certes, mais toute cette petite communauté réussira-t-elle à cohabiter ? Voilà que Lucy Angatell commence à en douter. Et les domestiques eux-mêmes sont sens dessus dessous, rien n'est prêt pour le déjeuner alors qu'un invité de marque est sur le point d'arriver au château : le célèbre Hercule Poirot en personne. Son métier est de démasquer les assassins, mais il vient cette fois pour se reposer, du moins le croyait-il : le médecin, John Christow, est retrouvé tué par balles au bord de la piscine. Les soupçons se posent sur Gerda, l'épouse qu'on a retrouvée près du corps, le revolver dans une main. Or, les preuves font défaut.

Naturellement cette dernière avait toutes les raisons d'être jalouse (Christow collectionnait les conquêtes féminines), et la dévotion de l'une d'elles, qui dans l'ombre oeuvre pour masquer les indices, va compliquer l'enquête criminelle menée par notre cher Poirot. 

Ambiance serrée par ce huit-clos efficace où, très vite, on soupçonne tout le monde, Le Vallon échappe au genre du whodunit dont les règles sont ici un peu chamboulées. Agatha Christie s'attache à décrypter les personnages, les psychologies et distille une atmosphère mêlant l'intrigue amoureuse à la résolution de l'énigme policière. Ce titre de la très productive reine du crime est quelque peu méconnu, mais gagne à être découvert sans tarder !

Le Vallon a été adapté au cinéma par Pascal Bonitzer sous le titre Le grand alibi. (au cinéma le 30 avril 2008)

Le Vallon, d'Agatha Christie

Librairie des Champs Elysées, 1995 pour cette traduction

(traduit de l'anglais par Alexis Champon). titre vo : the hollow

IMGP5827

Joan Scudamore, anglaise d'une soixantaine d'années, est coincée dans un relais en plein désert, à la frontière turque, pour rentrer dans son pays. Elle vient de rendre visite à sa fille Barbara qui vit avec son époux à Bagdad. Dans cet endroit coupé de son petit monde confortable, Joan rencontre une ancienne amie d'école, Blanche Haggard. Celle-ci a toutefois subi les foudres du temps, devenant plus vulgaire, âgée et mal vêtue (selon les critères de la très respectable Mrs Scudamore). Très vite, on devine une suffisance chez cette femme, malgré la sympathie qu'elle nous inspire. On ne peut s'empêcher de pincer les lèvres et les narines : c'est une épouse dévouée, une mère accomplie, une femme exemplaire. Un peu trop ?

Car derrière cette façade trop lisse, on cherche les failles et les fêlures. Et c'est en voulant la taquiner, en lui prédisant d'être bloquée dans son relais à cause des pluies qui s'annoncent et du terrain impraticable pour les trains, que Blanche va provoquer son temps de réflexion. Or, elle soulève un point délicat : "si l'on n'avait rien d'autre à faire que penser à soi-même pendant plusieurs jours de suite, je me demande ce que l'on découvrirait..."

Totalement désoeuvrée, Joan va donc devenir "détective lancée sur la piste de sa propre vie passée" et soudainement ce voyage l'entraîne à éclaircir des contrées mises - dans son subconscient - en abîme. Cette femme s'enorgueillissait d'avoir réussi sa vie, quitte à regarder de haut Blanche Haggard en la méprisant. Elle va s'apercevoir qu'elle a occulté ses propres erreurs.

Sous le pseudonyme de Mary Westmacott, on retrouve Agatha Christie, auteur de ce roman d'introspection qui est aussi le monologue enfièvré d'une femme blessée par la vie. Ecrit en trois jours et trois nuits dans une sorte de transe, selon les dires de la grande dame, Loin de vous ce printemps dévoile un talent caché d'Agatha Christie, celui de broder sur un sujet autrement bateau qu'un indécrottable whodunit (genre très appréciable, sans nul doute). A noter pour vous en persuader !

Loin de vous ce printemps - Mary Westmacott (Agatha Christie)

Robert Laffont, 1951 pour la traduction - Livre de poche, 1990

roman traduit de l'anglais par H. de Sarbois - titre vo : absent in the spring.

Avait été conseillé par Patricia (dans sa cuisine rouge)

11 juillet 2008

(lectures de vacances - 2)

Quelques romans (faussement) policiers, ou dont les histoires s'approchent d'une intrigue flippante, captivante et/ou avec fil rouge...

IMGP5821

Scream Test : Cela commence par une série de disparitions, puis par l'étrange coincidence que ces jeunes gens, à peine âgés de vingt ans (au plus), ont tous été recalés lors d'un casting pour une émission de tv-réalité. L'affaire prend un tour dix fois plus inquiétant lorsque le lieutenant Clara Redfield découvre que ces sept disparus sont les protagonistes d'un show diffusé sur le net, intitulé The last one. Le principe est clair : deux nominations, jour après jour, un seul gagnant au bout. Mais ce que les participants ignorent, c'est qu'à minuit tapante, le sortant sera exécuté en direct, une balle entre les deux yeux.

C'est un cauchemar, c'est glauque et horrible à la fois. C'est une critique vive et entendue sur les programmes de tv-réalité. C'est aussi, et en quelque sorte, une parodie de polar gore, un "slasher" littéraire, en hommage à ce cinéma qui veut qu'un tueur sadique décime un groupe d'adolescents à intervalles réguliers tout au long du métrage (les références ne manquent pas, et l'auteur est un féru en la matière !). Les chapitres sont courts, maintenant une cadence soutenue et haletante. Résultat, on s'imprègne de l'atmosphère étouffante et écoeurante de cette histoire. On reconnaît que les personnages manquent de dimension, sont trop stéréotypés. Mais c'est dans la continuité du dessein orchestré par Grégoire Hervier : Scream Test est un roman bluffant, qui nous accroche par sa fascination de l'horreur. Du bon boulot. 

"Lui, Stanley, avait compris que le public, pour étancher sa soif de voyeurisme, ne pouvait plus se satisfaire du narcissisme, de l'oisiveté décadente et de l'exhibitionnisme ludique de candidats impudiques. Les émissions successives de télé-réalité engendraient des candidats formatés, fins connaisseurs des règles du jeu ou sachant parfaitement s'y adapter quand on les changeait, pleinement conscients du parcours à effectuer pour réussir leur médiatisation. Le résultat en était une perte inéluctable de vérité, de spontanéité, une dissolution de cette réalité même qui était le centre d'intérêt du jeu. Une réalité biaisée, artificielle, avariée, mais dont le public adorait se repaître, s'il parvenait à y croire encore un peu."

Scream Test - Grégoire Hervier

Editions Au Diable Vauvert, 2006 / Livre de Poche, 2008 - 285 pages.

Je trouve que la télévision est très favorable à la culture. Chaque fois que quelqu'un l'allume chez moi, je vais dans la pièce à côté et je lis.

Groucho Marx
Cité dans Halliwell's Filmgoer's Companion

Pierre de Gondol détient la plus petite librairie de Paris, un bouclard d'une douzaine de mètres carré où se retrouvent des passionnés et autres allumés de tout bord. Parmi eux, un client lance un défi à notre amateur de Série Noire et Raymond Queneau : retrouver les cinq personnes oubliées dans la traduction du texte de Jim Thompson qui, en anglais, se nomme Pop 1280 et, en français, 1275 âmes. Voici une enquête littéraire comme je les aime : trier les livres, traquer les références, mettre bout à bout les notes, les indices et partir en voyage aux Etats-Unis pour percer ce mystère qui ne remuera pas la scène parisienne. Oui, mais j'ai été plutôt déçue. Ce livre n'a pas la figure d'un réel roman policier, au lieu de ça, on a entre les mains un guide érudit où Jean-Bernard Pouy fait l'étalage de sa culture et de ses connaissances (sur les romans noirs, la Série Noire, etc.). Le résultat est embarrassant, frustrant. Le lecteur lambda se sent dépassé et spectateur, pas du tout embarqué. Et puis la langue de Pouy est, certes, piquante et franchouillarde, mais elle ne me séduit pas complètement. A long terme, je trouve que le ton devient lourd. Peut-être n'ai-je pas commencé par le meilleur titre de cet auteur, je n'abandonne pas pour autant de lire un autre livre de lui ! (Parce que, à croire Cathe, il le vaut bien !)

"La culture, ça sert. Et c'est bon pour le moral."

Idée de lecture piquée chez Michel (Serial Lecteur)

1280 âmes, Jean-Bernard Pouy

Editions Baleine / Le Seuil, 2000. Points, janvier 2002. 168 pages.

Qui a tué George, le berger ? Sur une pâture d'Irlande, George Glenn est découvert assassiné, une bêche plantée dans le ventre. Les premiers à se trouver sur les lieux sont ses moutons. Ce ne sont pas des moutons comme les autres, pas seulement parce que George aimait les bichonner en leur lisant des romans d'amour par exemple. Le troupeau va mener l'enquête, en observant ces étranges humains.

La direction de l'enquête est confiée à Miss Maple, la brebis la plus intelligente du troupeau, voire de tout Glennkill, et peut-être même du monde entier. Aidée d'Othello, le bélier noir, de Zora, la brebis qui aime le goût du risque, de la vive Heidi et de Mopple la baleine (en fait, un mérinos aux cornes en tire-bouchon qui a toujours faim), Miss Maple va fouiner, bêler, dormir et faire des cauchemars, brouter et hocher du museau.

Certes originale, cette histoire peut se targuer d'être la première intrigue ovine (ovni?), assez sympathique car le troupeau de bêtes réfléchit comme des humains et porte même des jugements sur ces derniers qui nous renvoient dans nos basse-cours ! Il manque cependant un plus infime pour acquérir mon plein enthousiasme, moins de longueurs aussi, du blabla infini qui empèse l'intrigue. Et puis, cette histoire n'est pas du tout palpitante, pas dans le sens policier. C'est gentil, surprenant, surtout au début, et puis ça devient limite rébarbatif... Dommage.

Qui a tué Glenn ? - Leonie Swann

Nil éditions, 2007 pour la traduction française / Le livre de poche, 2008. 375 pages.

traduit de l'allemand par Frédéric Weinmann

IMGP5819

 

 

Prenez la photographie d'une maison. Grande. Sombre. Délabrée. Son décor atypique ouvre la voie à mille questions, et dix auteurs ont choisi de se pencher sur cet exercice : rédiger une nouvelle inspirée de cette photographie. Maïté Bernard a choisi d'écrire une histoire de couple et d'amour. Alain Demouzon met en scène une jeune fille qui étudie son piano et se balade dans les dunes lorsqu'elle croise le spectre de cette maison abandonnée et qui s'enfonce dans le sable. Magali Duru place trois personnages dans un huit-clos oppressant : un homme accueille une jeune fille venue louer la chambre du sous-sol, un camarade arrive avec des idées arrêtées. Denis Flageul fait rencontrer une jeune assistante qui travaille dans le cinéma et un commercial en immobilier. Karine est venue en repérage, Jacky est un "queutard" fini. La fin ne manquera pas de soulever quelques hoquets de stupeur (avis aux estomacs fragiles).

Joël Hamm expédie deux adolescents dans l'antre de l'enfer. Hervé Leclerc & Cathy Lecruble ont écrit à quatre mains cette histoire d'une famille de quatre personnes qui emménagent dans une nouvelle maison. Le plus jeune, Maxime, est un garçon turbulent et chahuteur. Les nerfs de ses proches sont tendus à l'extrême, mais en marge une voix en italique conspire contre ce diablotin qui ruine l'ambiance paisible de ces murs. Pour une histoire de pain de mie, Florent Liau fait de son acteur principal, Bernard, un pauvre type privé de boulot, d'argent et de petite copine qui le quitte sur le champ. Un soir, il rencontre une clocharde et décide de se servir d'elle pour liquider ses grand-parents, pleins aux as. Annelise Roux excelle à tracer le portrait d'une génération qui s'est nourrie de Twin Peaks et a connu la guerre (Afghanistan, Irak, 11 septembre). On ne voit pas bien l'intérêt de la maison, puis ça apparaît, en pleine nuit, lorsque le couple, qui accuse la quarantaine, doit courir à la maternité. Romain Slocombe nous met dans la peau d'une profileuse qui enquête sur un psychopate. Les réminiscences du suspect vont conduire la jeune femme vers une maison abandonnée, peut-être le lieu du crime...

Je me rappelle avoir acheté ce livre car je cherchais d'autres références de Maïté Bernard (je venais de lire Et toujours en été, et j'avais été emballée). Je trouvais que ce recueil de nouvelles proposait un alléchant menu, une ambiance assez noire et dix textes de choix, triés sur le volet (cinq lauréats du concours La Noiraude / Noir sur la ville sont publiés avec cinq auteurs reconnus de la littérature noire). Et puis le thème d'une maison, élément fondateur pour lancer l'intrigue, avait fini de me convaincre. J'ai bien évidemment été récompensée car ce livre propose dix plongées vertigineuses dans l'opacité, les recoins absolus et les coups de gong à faire dresser les cheveux sur la tête. Cette atmosphère digne de la bicoque de Norman Bates, dans Psychose d'A. Hitchcock, ne pouvait que nourrir les plus folles imaginations et autres esprits retors... Vous ne serez pas déçus du voyage.

A saisir ! recueil de nouvelles du septième concours La Noiraude

- M. Bernard ; A. Demouzon ; M. Duru ; D. Flageul ; J. Hamm ; H. Leclerc & C. Lecruble ; F. Liau ; G. Parmentier ; A. Roux ; R. Slocombe.

Coordonnée et présenté par Frédéric Prilleux

Editions Terre de Brume, novembre 2006. 160 pages.

Photographie de couverture : Jean-Yves Le Goff.

10 juillet 2008

A cinq ans, on pleure pour un bonbon. A quinze ans, on pleure pour un garçon.

L'adolescence est le seul temps où l'on ait appris quelque chose.

Marcel Proust
Extrait de A l'ombre des jeunes filles en fleurs

Depuis son entrée au lycée, Hatsu n'arrive pas à s'intégrer aux autres, à accepter d'appartenir à un moule. Même son ex-meilleure amie peine à la ramener vers son cercle de copains branchés et à l'aise dans leurs baskets. Hatsu s'isole, mange seule le midi et pratique de l'athlétisme en club. Un jour, son attention est attirée vers un garçon coupé du reste de la classe, Ninagawa. C'est un otaku. Il vit dans sa bulle de fascination, les yeux prêts à sortir de leur orbite à fixer des magazines de mode, histoire de sustenter sa passion énorme et dévorante pour le mannequin vedette Oli Chang. Hatsu lui annonce avoir croisé cette fille trois ans auparavant. Son coeur faisant un bond de dix mètres, le garçon invite Hatsu à venir chez lui pour lui donner des détails.

C'est étrange... L'histoire est livrée sous forme de journal intime et raconte la chronique d'une amitié faite de sentiments complexes et contradictoires. D'abord intriguée par le personnage, Hatsu va vite alterner des émotions d'agacement, d'attirance et d'atermoiement sans fin. Puis, n'en pouvant plus, elle lui donne un coup de pied dans le dos pour crever la bulle. Ninagawa est un type qui vit dans son rêve duquel il ne se réveille pas. C'est lent, passif et assez triste. On vit l'histoire à travers le regard de Hatsu, une adolescente qui est également mal dans sa peau, qui se cherche et va connaître les premières palpitations amoureuses, bien avant de pouvoir les nommer. C'est un récit qui se lit vite, qui possède du style. Cela traite avec sensibilité du passage de transition entre l'enfance et l'âge adulte, cet entre-deux qu'on appelle l'adolescence (ou l'âge ingrat) avec son lot de turpitudes existentielles.

Ce court roman (de 160 pages) peut également être lu par un jeune lectorat, dès 13 ans. L'auteur Wataya Risa n'avait d'ailleurs que dix-neuf ans au moment de recevoir le Prix Akutagawa 2003, le goncourt japonais. On retrouve cette innocence, cette fraîcheur et cette impression d'expérience personnelle dans ce livre.

"La solitude me sonne dans la tête. Un son de clochette, très aigu, à me casser les oreilles."

Appel du pied, Wataya Risa

Picquier poche, 2008 (pour la traduction française, 2005)

roman traduit du japonais par Patrick Honnoré.

Avait été conseillé par Cathulu

IMGP5816

Vincent a dix-sept ans, il est au lycée, récolte de bonnes notes mais il fait partie des Invisibles, avec ses copains Alex et Fred. Il a un gros souci avec son physique : blanc maigrichon épaules de serpent et encombrement d'une crevette. Acnéique pour couronner le tout. Des bubons infâmes plein la figure et le dos comme une cerise sur le gâteau. Il a coutume de raser les murs, de ne pas chercher à transparaître ; il se laisse couler. Puis un jour, le conseil d'un pote plus l'arrivée en fanfare de la tante Paulina, exubérante et éclatante de vie, vont changer son monde. Un traitement de choc pour son acné et une virée dans les boutiques le font entrer dans la cour des miracles : celle des fashion victims ! Avec son nouveau manteau, taillé sur mesure, Vincent se sent dans la peau d'un autre. L'habit fait définitivement le moine, selon lui. C'est comme une peau qui mue, un papillon qui sort de sa chrysalide. Vincent gagne en assurance, mais autour de lui ses maigres repères s'effondrent : les larmes de Paulina cachent une certaine détresse, et Fred va choisir la fugue à force de ne plus supporter son mal de vivre.

Fashion Victim pourrait être un roman léger, en apparence. Il croque le portrait d'un adolescent mal dans sa peau, qui va connaître le déclic grâce à un bout de tissu. En fait, on ne décrypte pas le phénomène de la superficialité, du matérialisme et du règne de l'apparence. Les soucis des personnages du roman sont profonds, peut-être cachés sous des couches ou sous une incapacité à se faire comprendre. Par ailleurs, le roman va même démontrer qu'il faut être libre des codes, s'afficher selon ce qu'on ressent et ne pas se soucier des autres ni des modes. C'est une histoire qui traite de la quête de soi, à travers des appels de détresse (changement de style, tentative de suicide, fugue). C'est effectivement moins futile que ne le prévoyait le titre, mais c'est une analyse (sur l'adolescence, le jugement de soi et des autres) fort intéressante à lire.

"Marre des étiquettes qu'on vous colle sur le dos et dans le dos. Etiquetage. Jugement. Condamnation. Pas le droit de changer de peau. De bouger de la place qui t'est assignée une fois pour toutes. Sous peine de se faire traiter de gonzesse, d'être traité de trahison de frivolité d'imbécillité !"

"Moi-même je ne sais qui je suis. Alors qui peut dire que je ne suis plus le même !"

Fashion Victim, d'Irène Cohen-Janca.

Editions du rouergue, 2006 - coll. doAdo. 150 pages.

Côté cinéma, il existe un film qui parle du même sujet : règne de l'apparence, importance des classes et des clans à séparer, quasi mission impossible de muter d'un rang à l'autre. On ne bouge pas de sa case, à moins de... perdre sa foi. Can't buy me love est un film qui date de 1987, une comédie américaine sans prétention, mais on y retrouve Patrick Dempsey archi-inconnu et débutant de première !

 

C'est l'histoire de Ronald, lycéen de 18 ans, intellectuel binoclard et coincé, qui rêve de devenir populaire et d'être adulé par les filles comme ses copains. Cindy, belle et sophistiquée, est son idole. Celle-ci, à la suite d'un incident, a besoin d'argent. Elle accepte à contre-coeur de faire semblant d'être sa fiancée et en profite pour le transformer : nouvelle coupe de cheveux, tenues branchées etc. Résultat : Ronald, libéré, devient soudain populaire et très demandé par les filles. Il ne s'aperçoit meme pas que Cindy est amoureuse de lui...

Publicité
Publicité
Chez Clarabel
Publicité
Newsletter
2023 Reading Challenge
Clarabel has read 8 books toward her goal of 200 books.
hide
Sauveur & fils
Quatre sœurs : Geneviève
Audrey Retrouvée
Le sourire étrange de l'homme poisson
Calpurnia et Travis
L'homme idéal... ou presque
Trop beau pour être vrai
Tout sauf le grand amour
Amours et autres enchantements
Ps I Love You


Clarabel's favorite books »
Publicité