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Chez Clarabel
12 mars 2007

La nuit retient ses fantômes ~ Shashi Deshpande

Apprenant la mort de sa mère, Saru rentre chez elle, retrouve son père, après quelques quinze années d'absence, d'un départ houleux, fâché avec les siens. Parce que Saru s'est toujours sentie responsable de la mort de son jeune frère, noyé presque sous ses yeux à elle. Donc, responsable de sa mort, reponsable d'être toujours vivante, elle, au lieu du frère chéri. Saru a pris le parti de fuir cette maison où le silence et le ressentiment avaient pris place. Saru a fait des études de médecine, s'est réfugiée à Bombay, a rencontré Manohar, poète charmeur, mais de caste inférieure. Allant une nouvelle fois à l'encontre de sa famille, Saru va épouser Manu/Manohar, avoir deux enfants et devenir médecin, gagnant plus d'argent que son époux, confiné à un poste d'enseignant dans une université de seconde zone...

Shashi Deshpande constitue brique par brique un portrait de femme qui s'est fissuré au fil du temps, depuis une enfance saccagée et meurtrie. Saru représente cette nouvelle femme d'une Inde moderne, contemporaine, la figure d'une femme active, dans sa vie professionnelle et dans le cadre de son épanouissement personnel. Femme, avant tout. Mais son histoire montre combien il est difficile, toujours, de combiner son bien-être intime au paraître de la société, encline au traditionnel et à l'image de la virilité masculine. Saru se dessine d'un chapitre à l'autre, la femme qu'elle est devenue, réfugiée chez son père, traumatisée par son passé, désormais déboussolée dans sa vie de couple. Car les fantômes, la nuit, l'assaillent : il y a celui de son frère, de sa mère mais aussi de son époux, un individu méconnaissable au sein de la couche. Saru tente de panser ses multiples blessures, d'ouvrir un dialogue de sourds avec son père, de comprendre, d'être pardonnée... bref de trouver une voie qui la guidera vers la félicité. "La nuit retient ses fantômes" se révèle vraiment passionnant et montre l'Inde beaucoup plus proche, plus contemporaine et accessible. Loin de l'image traditionnelle et des clichés. Une belle découverte ! (un peu tardive, certes, le roman étant paru en 1980, en édition originale). 

lu en mars 2005

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12 mars 2007

Vacances indiennes ~ William Sutcliffe

Du bonheur, ce roman ! Frais, pétillant, drôle et cynique, il nous entraîne aux trousses d'un jeune anglais de 19 ans, Dave, parti trois mois en Inde, avec une compatriote, Liz... Mais avant tout ça, remontons les rouages de la machine : Dave a un meilleur ami, James, qui sort avec Liz. James part huit mois faire le tour du monde, Liz et Dave se rapprochent, deviennent intimes et se fâchent trois jours avant leur départ commun pour l'Inde. Laquelle aventure est particulièrement entreprenante pour Dave, typiquement flegmatique et sacarstique dans l'âme, loin d'être baroudeur de surcroît !

Bref, l'épopée en Inde ne va pas manquer de piquant pour ces deux personnages. Le dépaysement, l'isolement et la solitude se joindront parfois à l'excitation et la rencontre d'une culture différente, la chaleur accablante et les dérivés cosmiques du pays. Aussi ce roman présente de manière délirante les divagations des routards, tous rompus à la lecture du Lonely Planet par exemple, et le psychédélisme souvent stéréotypé, mais pas loin de la réalité, très probablement ! JETEZ-VOUS DESSUS !!! UNE BONNE CLAQUE !!!

lu en mars 2005

3 mars 2007

La pochothèque du mois de Mars (En poche ! #3)

... Et une sélection de titres parus en format poche (idéal pour les budgets et pour trimballer dans son sac à main !) :

petite_trotteuseAnne est mystérieuse. Que fait-elle dans la vie ? Elle visite des maisons ! C'est sa trentième villa, elle se situe au bord de la mer, avec les volets clos et désertée de ses occupants. Avant de se rendre à son rendez-vous, Anne séjourne dans un hôtel tenu par une mère et sa fille, un couple attachant, entouré d'ombres également. Anne semble d'ailleurs être fascinée par leurs activités nocturnes, elle épie les silhouettes, les bruits et elle pense à des tas de choses. A l'hôtel elle rencontre également un homme qui laisse la porte de sa chambre toujours ouverte, où elle s'y faufile discrètement pour cerner le personnage. Et c'est finalement avec lui qu'elle va visiter la villa. En fait, Anne ne compte pas acheter de maison. Elle visite, demande à rester plusieurs heures seule pour s'imprégner des murs. Mais cela va au-delà, car aussitôt les souvenirs affluent, la nostalgie d'un passé - une enfance née avec la guerre, des parents éteints, absents, déjà partis... De son père mort, Anne a hérité une montre dont le tic-tac réveille des émotions assoupies et sonne un rappel vers le passé entouré de secrets, encore une fois. Ce sont ces résurgences, embriquées à l'instant présent, qui ponctuent cette histoire.
Il y a cette belle citation : "L'esprit des murs ressemble parfois à un miroir imaginaire où vacille le reflet éteint du passé". Elle résume en gros l'esprit du livre, elle aussi. "La petite trotteuse" est un roman intimiste, avis aux amateurs. L'ambiance est ouatée, sucrée, pleine d'arcanes, de pas feutrés, de suppositions, de questions et de longues interrogations sur la personnalité d'un père, d'une mère et de soi-même au milieu de ces spectres. Ceci est un beau roman qui me passionne, tout personnellement.  La petite trotteuse, Michèle Lesbre (folio)

 


 

harraga"Harraga" signifie "brûleur de routes", celui qui part de son pays pour un ailleurs plus mirifique. L'harraga devient un exilé de son plein gré, qui quitte ainsi sa famille, sa ville ou son village. Les "harragas" sont prêts à tous les riques pour atteindre l'eldorado et fuir l'Algérie qui saigne, souffre et n'offre plus rien. Surtout plus de rêves. L'héroïne de ce roman en sait quelque chose, d'abord son frère Sofiane a tout quitté pour l'ouest et "brûler la route". Lui aussi est un harraga mais il ne donne aucune nouvelle, et est-ce un message la visite de Chérifa, une jeune fille de seize ans, enceinte jusqu'aux dents ? Sofiane l'envoie chez sa soeur pour qu'elle y soit protégé. Mais Lamia, elle, a trente-cinq ans, elle est docteur en pédiatrie, elle vit seule dans sa grande maison hantée par les fantômes du passé, et d'elle on peut facilement dire que c'est une vieille fille méchante, grincheuse et vilaine. Jalouse aussi de la pétulance de Chérifa qui déboule chez elle, chamboule ses habitudes et lui renvoie à la face sa cruelle solitude et le vide de son existence. Entre elles deux, la cohabitation est difficile, Lamia mène la vie dure mais finalement elle s'attache à la jeune fille. Sauf qu'un jour, celle-ci aussi part et ne donne plus de nouvelles !

Et il s'en passe encore dans ce foisonnant roman, mais je me garde d'en dire davantage! C'est exaltant, passionnant, ça raconte du vrai, du beau, du touchant et ça met en décor une Algérie réaliste, tenaillée par l'islam nouveau, ses rigueurs et ses inepties. J'ai du mal à croire qu'un homme puisse être l'auteur de pareil roman ! Boualem Sansal s'est mis dans la peau d'une femme "aigrie, intolérante, méchante, querelleuse, intempestive mais romantique" - Lamia est tout ça et à la fois elle reste attendrissante, touchante et attachante. Elle dit les choses vraies, elle est cynique et franche, drôle aussi. C'est un beau portrait de femme. Et puis, son amour pour sa maison fait aussi partie d'elle. Ses fantômes, son voisinage, sa solitude cultivée avec minutie et jalousie... C'est une femme complètement seule, abandonnée par ses parents, ses frères, sans nouvelles du seul survivant de la fatrie. Normal qu'elle s'accroche à la Chérifa comme à une bouée ! Il y a dans le roman un instinct de survie qui concerne les clandestins, mais aussi les femmes d'Algérie. "Harraga" rend une très honorable peinture à tout ce petit monde. De la poésie aussi teinte l'écriture de Boualem Sansal... Pour une première approche de l'univers de cet auteur, je suis éblouie, complètement séduite! Harraga, Boualem Sansal (folio)

 


 

 

 

couple_ordinaireBenjamin et Béatrice sont mariés et parents d'une petite Marion. Il est pharmacien, elle écrit des livres pour enfants. Un jour, en achetant une table basse pour le salon, l'esprit de Benjamin décroche - il se sent creux, vide à l'intérieur. Et du coup les rapports du couple se déglinguent. Ou plutôt le déclic a lieu : Benjamin ressent l'oppression que lui fait subir son épouse. Car sous des semblants de femme intelligente, belle et modèle, Béatrice se révèle totalitaire, tyrannique ! Dans son couple, elle agit en supérieur hiérarchique, use des larmes et du chantage pour faire vaciller son homme. De son côté, Benjamin est un type simple, pas mauvais, assez nonchalant et facile à vivre. Mais Béatrice en veut plus : une ascencion sociale, une vie sexuelle active, une communication permanente entre eux deux, l'affirmation de son compagnon. C'est trop pour un seul homme !

Attention : livre dangereux ! Cette histoire est un cliché de votre vie, de votre couple. Le portrait est effrayant d'authenticité, on a du mal à l'admettre. Il montre les détails du "couple ordinaire", dans son amour, sa lassitude, son quotidien et sa longévité. Toutefois, il faut reconnaître que le personnage de Béatrice est fort, poussé très loin dans les limites du supportable. Cette femme est démoniaque et machiavélique, mais elle accroche notre intérêt. L'auteur a réussi là un coup de maître (s'attacher à pareille harpie, du jamais vu !). A noter que ce roman n'est ni un guide de survie, ni une invitation au divorce - c'est une peinture actuelle, terrible, froide et fatale, dans laquelle on se retrouve, aussi bien chez la femme ou chez l'homme ! Et toc. Un couple ordinaire, Isabelle Minière (le livre de poche)

 


 

 

 

insecteLe court colle au style caustique et insolent de Claire Castillon. "Insecte" était son tout 1er recueil de nouvelles, avec 19 textes basés sur les rapports entre mère et fille. Un lien très vicieux, sulfureux et au goût amer. Se mêlent des sentiments divers : le copinage, la connivence, la confidence, et la haine, l'agacement, l'énervement, le dégoût !
Dès la première histoire, "J'avais dit une", l'ambiance est là. Une femme, très amoureuse de son mari, accepte de lui "faire" un enfant, mais un seul, et à condition que ce soit une fille. Or, elle accouche de jumelles !
Au fur et à mesure qu'on avance dans le livre, un autre électron se faufile sous les mauvais auspices de la maladie. Très vite, cela devient indissociable. Une fille est agacée du cancer de sa mère, une mère ne supporte plus sa fille "noeud-noeud", une autre gave son enfant de médicaments pour la rendre "super - opérationnelle", une fille place sa mère en institut, une autre attend le retour de sa progéniture pour mourir... On y perd son latin !
Claire Castillon pousse très loin dans les clichés mais, connaissant son univers, c'est imparable ! Elle est méchante, cruelle, injuste et mauvaise, mais quel plaisir à lire tout cela ! Claire Castillon a de plus le génie de la nouvelle avec un art de la chute fort honorable !  Insecte, Claire Castillon (le livre de poche)

 


 

sangliersDes sept nouvelles comprises dans "Les sangliers", j'ai halluciné en ouvrant la première page : "Le clignotant".. ou comment envisage-t-on de se faire "élire" par le futur/éventuel/potentiel embryon en tant que "bons parents". Du moins, je le pense, à moins que... Car c'est l'une des principales qualités de Véronique Bizot, elle écrit des petites histoires en apparence toutes simples, et pourtant elles donnent l'impression d'avoir la berlue. On n'y comprend pas à l'instant la portée, le lieu, les personnages, et leurs divagations. Cela donne à penser qu'on flotte en pleine quatrième dimension tellement le contenu des sept nouvelles est opaque, laisse perplexe et plombe l'entendement. "Pauline au téléphone" et "Danton" sont également deux bons crus du lot. Bref, déroûtant, déconcertant, d'une banale platitude et certaine amertume, et pourtant... l'ensemble surprend ! Aussi pour conclure, comme dirait l'auteur : "pour la fiction je ne crains personne" ! Les sangliers, Véronique Bizot (le livre de poche)

 


 

 

 

pres_du_corpsDans une villa en bord de mer, Daddy (le grand-père de 91 ans) vient de mourir. La famille est réunie pour une ultime fois, coincée dans cette grande maison aux volets fermés, en pleine canicule. C'est l'occasion pour le narrateur de se rappeler les bons moments passés dans ce lieu inoubliable, avec ses cousins, et de prendre ainsi conscience du poids que le temps trace en filant comme l'éclair... C'est un album de souvenirs qui se feuillette, en couleur sépia, dans une grande maison où d'autres corps explosent de vie dans la mer, à deux pas de là. "Près du corps" a l'odeur d'eau de cologne retrouvée au fond d'un placard, ou le bruissement du vent dans les arbres, des mots qui se chuchotent, des confessions qu'on dévoile une première et dernière fois. C'est un univers clos, un microcosme rempli de photos jaunies, de rires d'enfants et de sanglots étouffés.  Près du corps, Arnaud Guillon (pocket)

 


 

Ceci est juste une sélection de titres déjà lus... D'autres suivront dans le courant du mois. A signaler aussi que le mois de Mars salue la parution en poche d'autres très bons romans (occultés dans cette liste). A suivre !

8 février 2007

Geneviève Brisac en romans

brisac_genevieveParce que Geneviève Brisac vient (enfin!) de publier son nouveau livre pour adultes (oui, c'est également un auteur pour la jeunesse et une éminente traductrice) : 52, ou la seconde vie (L'Olivier), il est temps de faire un peu le point sur cette plume et cet univers qui me touchent particulièrement.

Ma rencontre a eu lieu suite à la critique élogieuse de Flo sur Les soeurs Delicata, le charme commençait déjà à s'opérer, j'étais intriguée, attirée par cette atmosphère qui détonnait de mes lectures habituelles. Je le sentais, oui, je le savais : j'allais succomber.

Je ne vais pas parler en détails de sa vie, de sa bio, etc. Il existe le site de l'auteur pour en savoir plus.

Moi je m'intéresse à ses écrits. Ses romans, ses albums pour la jeunesse, ses essais, sa passion pour Virginia Woolf, sa culture anglo-saxonne, véritable mine pour découvrir des auteurs comme Flannery O'Connor, et son énergie à défendre l'étiquette de la littérature féminine.

Passons en revue ses romans :

les_filles__brisacLes filles : "Nouk a décidé de planifier la guerre. Elles minutent, avec Cora, quelques escarmouches légères. Si aucune jeune fille ne peut rester, si toutes elles fuient, ou meurent, il n'y en aura plus. Donc être atroces. A tout instant, invivables." L'esprit retors de Geneviève Brisac se met en branle : pour son premier roman l'auteur impose déjà ses personnages fétiches, à jamais présents dans le reste de ses romans. Pour "Les filles", Nouk, Cora et le Bébé sont de jeunes enfants redoutables. Elles ne veulent plus de nourrice, c'est décidé. Lorsque Pauline débarque un matin, ses heures sont comptées. Avant elle, il y avait eu Maryse qui était cruelle, cinglante et violente. Elle est partie, on dit d'elle qu'elle est morte juste après... mais Pauline n'en saura pas plus. Déjà l'ambiance est assez glaçante, les filles sont trop intelligentes, elles pensent beaucoup, s'expriment peu ou ont des mots terribles. Ce sont des coeurs de béton armé, surtout Nouk. La jeune fille a décidé de créer une symbiose avec Cora comme un couple de jumelles. Et puis tout va se fissurer : une mort atroce dans un square, une séparation, un deuil et la maladie ... bref le roman ne se contente pas de lapider la nurse, l'histoire est morbide dans l'ensemble. Geneviève Brisac signe son premier livre d'une plume très sèche, par mots hâchés, le rythme général est saccadé, parfois l'on croit à des phrases coupées net. Point à la ligne. C'est aussi ironique, cruel, parfois drôle et moqueur. (1ère entrée en scène d'un des personnages fétiches de G. Brisac : Nouk !).

Madame Placard : Grosse déception. C'est une vague histoire de terrier où se sont nichées Martha et ses filles, Evangéline et Bérénice. C'est Evangéline la narratrice du récit (lequel est complètement décousu et dérangeant). Sa soeur ne marche pas, c'est elle qui s'en occupe à longueur de journée car elle dit de Martha que c'est une mauvaise mère. Le père est parti, comme beaucoup d'autres hommes, car dehors c'est la guerre et les hommes sont tous partis au front. Mais de ce départ du père, la famille n'a pas su se relever, la mère s'est effondrée, rejetée, bafouée. Evangéline a séjourné à l'hôpital, rancunière, haineuse et nourrissant un complexe sentiment d'amour et d'amertume pour sa soeur. Un jour, dans le terrier jonché de piles de photos, de linge à repasser et de crasse indéfinissable, débarque un couple ! Un homme, mystérieux, une femme, belle, prénommée Dora. Ils deviennent les nouveaux parents de Bérénice, aux yeux d'Evangéline, qui se terre dans la cave, avec les poules. C'est une étrange histoire pleine d'allégories où Geneviève Brisac explore son terrain familier des relations entre soeurs, avec la mère, le père, bref des relations familiales. Cela flirte avec l'amour, la haine, la mesquinerie ou la jalousie, c'est très alambiqué, teinté d'humour noir et ce livre, confus et à tendance mystique, me laisse bougrement perplexe !

petitePetite : Nouk a 13 ans et décide de ne plus manger. "Petite" c'est toute cette histoire d'une adolescente intelligente et douée qui cesse de s'alimenter du jour au lendemain, l'histoire d'une anorexie qui empoisonne une existence et une vie de famille. Geneviève Brisac parle à travers la petite Nouk qui confie ses états d'âme, ses victoires, ses résolutions et ses angoisses. C' est une histoire poignante, détaillée et finement construite. L'auteur prend un soin particulier à décrire la maladie et sa perversité, à souligner que Nouk n'est pas folle ni méchante, qu'elle ne fait pas exprès, qu'elle ne veut pas torturer sa famille, ni se rendre intéressante. C'est un mal qui ronge le corps et l'ossature de la jeune fille, mais pas seulement. "Petite" en révèle toute l'étendue ... C'est joliment écrit, finement exprimé, surtout à travers la voix de la jeune Nouk de treize ans. Il est juste (un peu) dommage de hâter la fin, notamment avec le passage des années, ce qui rend la fin du roman un peu hoquetante. (Un des romans les plus connus, réédité en 2005 dans la collection Medium de L'école des Loisirs.)

weekend_de_chasseWeek-end de chasse à la mère : Dans ce roman, on retrouve avec bonheur Nouk, une maman paumée, décalée et limite un peu folle, et son fils Eugenio, petit garçon exigent, ogre, lucide, intelligent et vorace. Tous deux vivent trop l'un sur l'autre, alimentent une relation étouffante que l'entourage juge anormal et mauvais pour la mère et l'enfant. Nouk passe son temps à écouter les exigences de son fils qui, la veille de Noël, ordonne à sa mère de leur organiser une fête "différente", non plus un tête-à-tête mère/fils qui le gonfle. Au programme : l'achat d'un vrai sapin de Noël, un réveillon au Bon Marché, la rencontre d'un type qui a de Tchekov le prénom d'Anton, l'enterrement saugrenu du canari Eve, des vacances en bord de mer en Bretagne, etc... Mais Eugenio n'est pas satisfait. Même les blagues potaches sur la reine Elisabeth le laissent de marbre, alors Nouk se pose des questions. Et si son amie Martha avait raison ?.. si l'eau était finalement trop grise et impossible à peindre ?.. Et qui disait cela : je marche des cailloux dans les poches ?..  Là, Geneviève Brisac prend véritablement plaisir à broder autour du sujet de la relation maternelle, la relation filiale, l'amour vautour, l'enfant roi, etc. C'est parfaitement jubilatoire, pour l'écrivain de l'avoir écrit, d'avoir exploser son délire, et donc pour le lecteur, de ricaner, de déchanter, etc.  (Prix Femina 1996)

voir_les_jardinsVoir les jardins de Babylone : On retrouve Nouk qui approche de la trentaine, elle est maman d'un bébé (Eugenio) et vit avec Berg. L'histoire de Nouk démarre lorsqu'elle apprend qu'elle fait partie de l'échantillon pour une enquête sur la vie sexuelle des Françaises. D'abord réticente, Nouk va progressivement se confier et raconter ses premières amours, souvent catastrophiques, avortées ou saugrenues. Car Nouk a fait Mai 68, adhéré aux groupes féministes, revendiqué des changements radicaux, manifesté, rédigé des tracts etc.. Insidueusement, ses idées sont tout aussi provocantes, anti-bourgeoises: ne jamais déclamer son amour, être dans le doute perpétuel de trouver le bon amoureux, ne pas se marier, tout se dire dans le couple etc. Car au fil de ses aveux, Nouk va introspectivement analyser ses sentiments, sa vie et son amour pour Berg et au fil des chapitres l'amertume va poindre... Portrait sans complaisance d'une jeune femme, de sa vie amoureuse, de ses loupés, ses manques et ses incertitudes. Car Nouk est compliquée comme sa vie : est-elle une bonne mère, son bébé est-il idiot, Berg est-il l'homme de sa vie. S'ajoutent ses questions sur son implication au sein de son groupe des Adélaïdes, ses amitiés, sa vie alentour, etc. Texte grinçant et sarcastique, à compléter avec "Week-end de chasse à la mère".

pour_qui_vousPour qui vous prenez-vous : Le monde de Geneviève Brisac n'est pas édulcoré, tout est souvent sinistre et railleur. Ses personnages s'appellent Max, Gerbert, Melissa Scholtès, Mélinée ou Madame Archer. Ce sont des êtres qui souffrent (en silence), qui frisent la folie ou le désespoir. Ils témoignent d'une société qui vote l'inconscience, téléphone par mobile, part skier près d'un pays en guerre ou part un week-end à la campagne. Au fil des pages, la narratrice, aidée par l'auteur très en verve, regarde le monde et nous ouvre les yeux. Avec elle, on sent la honte de la puérilité, le trouble de la mort et on regarde ces oiseaux noirs de malheurs : les corbeaux. ("C'est l'un des animaux les plus proches de l'être humain. ça les rend intelligents, névrosés, cruels, intéressants, tendres aussi.") Le livre de Geneviève Brisac est tout ça aussi : tendre, violent, intelligent et attachant. La lecture n'en laisse pas moins perplexe mais "Pour qui vous prenez-vous?" recèle un charme indicible, un peu poète et beaucoup désespéré. "Dans l'eau, je me suis mise à pleurer sans crier gare. Des litres de larmes dans des litres d'eau. Les larmes faisaient des trous dans la mousse, comme des puits creusés par des puces de sable, par des lombics. Des tunnels de larmes pour aller nulle part."  (Recueil de 11 textes.)

Les soeurs Delicata :  Les soeurs Délicata sont Paloma, Evangéline, Clotharia, Esther, Nouk, Judith et Mo. Sept petites filles qui vivent dans un appartement "qui ressemble à un boa". L'histoire commence le 20 décembre. Nouk, la narratrice, parle de ses soeurs, des anges qu'elles confectionnent, de sa grand-mère (l'extravagante Grand-Mère Oiseau qui vit dans sa chambre, "sa grotte", et en sort parfumée, maquillée, accoutrée avec exubérance). Rencontres mystérieuses, disparition des uns et des autres, arrivée fracassante de la grand-mère Tchaïka, une Villa blindée et nimbée de secrets ... Que se passe-t-il chez les Délicata? Entre hallucinations et croyances, l'histoire des "Soeurs Délicata" plonge le lecteur dans un mystérieux conte à consonnance mystique, à la croisée des Contes Gothiques de Karen Blixen et des contes d'Andersen. L'ambiance est inquiétante, intéressante, palpitante et un rien gothique, le tout sur un mystère qui grossit, dans un univers à la fois onirique et surréaliste.

  • Les publications pour la jeunesse concernent surtout la série Olga, une petite fille très intelligente et complètement attachante, qui ne manque pas de répartie et à qui il arrive de bien sympathiques aventures, pleines d'humour et de facétie !  (Plus de titres en jeunesse sur son site)

Alors, je suis désolée pour la longueur du billet ! ...

2 février 2007

L'hypnotisme à portée de tous ~ Marie Nimier

Cora, dix ans, découvre un manuel d'hypnotisme "à la portée de tous" dans les toilettes d'une maison louée pour les vacances. L'enfant cache sa trouvaille, se fascine par cette théorie et décide de lire le livre jusqu'à ses dix-huit ans. Après des premiers exercices convaincants mais équivoques, Cora va tout de même réussir à guérir son oncle Paul, fort malade, d'un mystérieux syndrome. Le rapport qu'elle tisse avec celui-ci devient d'ailleurs très ambigu, poussant presque à l'inceste ! C'est vers ce passage que j'ai passablement égaré mon intérêt... Car le livre raconte également l'éducation sentimentale de la jeune fille. A seize ans, elle rencontre Katz, le Roi de l'Hypnose. Elle comptera les jours qui la séparent de sa majorité pour le rejoindre en tournée et devenir son assistante. Mais aussi, il y a Léo, le prof de gymnastique. Troublant, troublé, ce dernier aussi est sous le coup de l'hypnose face au charme dévastateur de la jeune fille. C'est impondérable, faut-il le croire ? J'ai failli pousser des cris d'exaspération tellement l'histoire exagérait. Je suis donc déçue et j'ai fini la lecture carrément en diagonale. C'est vrai, cependant, qu'il y a beaucoup d'humour et de second degré dans l'ensemble, mais cela n'empêche... Trop décalé, finalement décevant.

lu en février 2006

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29 janvier 2007

En poche ! #2

"Elle nous nourrit de galettes. C'est sa façon à elle de donner de l'amour." C'était la devise de Karine Fougeray, bretonne d'une quarantaine d'années, dont le 1er livre va enfin paraître en poche :

les_galettes_rectoles_galettes_verso De l'amour, elle en donne  au cours de ces 14 nouvelles, toutes plus touchantes, drôles, attendrissantes, pitoyables ou cyniques. Karine Fougeray évoque sa Bretagne natale de long en large et en travers, par les portraits truculents des mémés et leurs coiffes blanches, des marins, des pêcheurs, des bonnes, des crustacés etc... J'adore ! Envie de fraîcheur, de truculence, d'espiéglerie ... adoptez vite ces héroïnes qui délirent car elles ont perdu leurs petites sur la plage, ce garçon qui ne peut décemment pas sortir avec une fille incapable de regarder un bulot dans les yeux, ou ce couple de vieux sur la plage, ce type pas du coin qui demande l'heure des marées, avec tout le côté : week-end en mer, appel des sirènes, les vieux amants de la Saint-Jean, etc... Ce livre, c'est une bonne bouffée d'air salin et marin, de cet air unique qu'on ne trouve qu'en Bretagne ! Là, l'auteur aime son pays et le lui rend sacrément bien ! C'est du bon produit, ce livre-là !!!

 

  • Vous connaissez Karine Fougeray sous sa Plume Salée  (un blog qui ne chipote pas et vous donne des couleurs ! miam !!!)

22 janvier 2007

Envie de relire

la_visiteQuatrième de couverture
Une célibataire de trente-six ans se fait braquer sa voiture, un soir glacé d'hiver. De retour chez elle, elle est encore sous le choc lorsqu'on sonne à sa porte. Troublée par une apparition pour le moins inattendue, elle accueille l'étrange visiteuse sans poser de questions. Deux jours radieux en compagnie de cette femme remettent peu à peu en question sa vie, ses choix, et la réconcilie avec elle-même.

Un roman troublant, oppressant où l'héroïne passe deux jours avec sa surprenante visiteuse. Baigne-t-on dans la douce illusion, l'utopie de croiser des fantômes ou l'angoisse du cauchemar sans fin ?  J'ai lu ce roman en avril 2004, pourquoi je songe à le relire ? ... Une envie soudaine, là.. brusque et vorace. (Non ça ne fait pas mal !)

13 janvier 2007

Crépuscule ~ Susan Minot

J'ai souvent considéré Susan Minot comme l'héritière de Sylvia Plath et Laurie Colwin. Un regard vif, une plume sèche mais enlevée, des histoires simplettes avec toujours une profondeur d'âme chez les héroïnes... Souvent l'introspection donne de l'eau au moulin et dans le cas de "Crépuscule" le procédé est assez bien mené, même s'il peut déconcerter certains lecteurs. La narration n'est jamais linéaire, les voyages dans le temps incessants. Les souvenirs de 1952 ont un peu une image fitzgeraldienne, donc assez plaisante et batifoleuse. Pourtant il y a un drame derrière cette palissade. On le découvre vers la fin, évidemment. Par contre, j'ai trouvé et moyennement apprécié que l'auteur cherchait à comparer Ann à l'héroïne des "Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë, bof ! S'ajoute aussi un sentiment de quelques longueurs. Sans quoi, ce roman se lit de bout en bout avec plaisir !

lu en janvier 2006

11 janvier 2007

En poche ! #1

Quelques mots pour saluer la parution en format poche de deux lectures fort appréciées :

femme_en_vert_points

musee_de_la_sirene_pocheLa suprématie anglosaxone est terminée, il faut ouvrir sa bibliothèque aux nouvelles voix venues du Nord, dont l'islandais Arnaldur Indridason. Son livre La femme en vert est disponible en format poche, paru chez Points. Voici ma critique ici .

Je signale aussi qu'aux mêmes éditions Points est paru le roman de Cypora Petitjean-Cerf : Le musée de la sirène  (dont voici mon avis ).

 

6 janvier 2007

La première habitude ~ Marie Lefèvre

Ce roman est autobiographique et rapporte les débuts amoureux de l'auteur avec un homme quelque peu ... ingrat ! Dans le roman, Françoise Lefèvre est Marie, compagne de Raphaël, peintre sans le sou, qui peine également à vendre ses toiles. Tous deux vivent une vie de nomades. De ville en ville, ils vont et viennent, lui peint, elle démarche pour gagner quelques sous, pour vivre. La vie n'est pas toujours rose, Marie raconte leur misère, dans des bicoques sans confort, parfois infestées de rats ! Pas toujours les moyens de se remplir le ventre, ni d'avoir chaud. Mais jamais ils ne s'installent, ils partent toujours plus loin chercher la fortune.

Le langage de Françoise Lefèvre est prodigieux, très pur et poétique, malgré les mille misères qui font leur lot quotidien. C'est avec recul qu'elle revient sur ce moment de sa vie. Elle est seule dans une petite chambre à la Bastille, sans ses enfants, et Raphaël est parti. Ecrire, pour elle, c'est survivre, c'est vivre aussi. Elle raconte tout ça avec souplesse et sensibilité. Elle dit l'amour, le dévouement, l'abattement furtif et la désillusion. Mais elle conclue aussi sur l'envie de s'en sortir malgré tout, d'être la plus forte et de ne plus dépendre de quiconque. Et même si l'histoire de Marie est sombre, son parcours douloureux, ce premier roman de Françoise Lefèvre est un coup de fouet contre la morosité et les bras baissés. C'est un formidable hymne (à la vie, à l'amour, à la force d'y croire encore et toujours) qu'elle nous offre là ! A LIRE, bien évidemment.

lu en janvier 2006

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Sauveur & fils
Quatre sœurs : Geneviève
Audrey Retrouvée
Le sourire étrange de l'homme poisson
Calpurnia et Travis
L'homme idéal... ou presque
Trop beau pour être vrai
Tout sauf le grand amour
Amours et autres enchantements
Ps I Love You


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