Le bracelet, d'Andrea Maria Schenkel
Printemps 1938, à Rastibonne, près de Munich. La famille Schwarz sent grossir la haine antisémite et décide de quitter le pays pour se rendre à Shanghai. Mais au dernier moment, le père renonce à fuir et abandonne les siens sur les quais de Gênes, en Italie. Le jeune Carl a une dizaine d'années et souffre en silence de la défection paternelle. Pourtant, une nouvelle vie l'attend, auprès de sa sœur et sa mère, et avec leurs compagnons de voyage, qui vont former une petite communauté solidaire face à leur destin de réfugiés dans l'océan Pacifique. En 2010, Carl est un vieil homme qui coule une retraite paisible dans la banlieue de New York avec sa femme Emmi. C'est après avoir reçu un coup de fil par des agents travaillant pour le futur musée de l'Holocauste qu'il va replonger douloureusement dans son passé et réveiller des souvenirs enfouis.
En presque 400 pages, l'auteur Andrea Maria Schenkel nous plonge dans une saga passionnante, convoquant des personnages aux destinées bouleversantes, entre la Bavière, le bassin méditerranéen, la ville de Shanghai et les États-Unis, durant les années sombres de la guerre. La construction est habile, brassant les visages et les rebondissements, s'imprégnant au mieux des ambiances et des changements de décor, pour un rendu efficace car on tourne les pages avec curiosité et impatience. La révélation finale tombe un peu comme un cheveu sur la soupe - inattendue et stupéfiante, elle nous laisse un peu sur notre faim mais nous plonge aussi dans une profonde réflexion teintée de tristesse et d'amertume. Ceci n'enlève, toutefois, en rien l'excellente appréciation qu'a su m'inspirer ce roman ! La lecture est en effet prenante et instructive, éclairant parfois des chapitres méconnus (Shanghai devenu un centre pour les réfugiés et les juifs d'Europe, mais aussi les enlèvements d'enfants en Allemagne pour gagner les précieuses croix des Mères).
Très bon roman, assez marquant et poignant. Je conseille.
Actes Sud (2018) - traduit de l'allemand par Stéphanie Lux
Le Bois des Ombres, de Barbara Dribbusch
À la mort de sa grand-mère, Anne, sa seule héritière, s'installe dans sa petite maison à Innsbruck, pour faire du tri dans ses affaires, et découvre ainsi une dizaine de vieux cahiers d'écolier, griffonnés au crayon, se révélant être les journaux intimes de Charlotte.
Durant l'hiver 1943, cette dernière a fait un séjour dans un sanatorium psychiatrique, le Bois des Ombres, un établissement privé dirigé par le Docteur Carl Amberg. Charlotte était trop bouleversée par la mort de son frère jumeau, ses parents l'avaient donc envoyée se faire soigner dans les montagnes. Le lieu d'aspect rudimentaire offrait des méthodes de thérapie hors normes, basées sur les tâches domestiques et les activités artistiques. Charlotte y côtoyait une communauté bigarrée et attachante, hantée par ses propres fantômes, et néanmoins auréolée de nombreux mystères.
De son côté, Anne apprend à mieux connaître sa grand-mère en plongeant dans un chapitre de sa jeunesse qu'elle ne soupçonnait pas. Personne dans la famille n'avait évoqué son existence. Une vraie énigme enfin mise à jour. Toutefois, cette découverte semble également compromettante car Anne se rend compte que deux carnets ont été subtilisés dans la maison et rares sont les personnes qui en avaient connaissance - une voisine, une amie de sa grand-mère, une femme de ménage et un neurobiologiste rencontré dans l'avion. Saisie de paranoïa, Anne s'enferme chez elle mais poursuit son enquête...
Comment ne pas succomber au pouvoir de ce livre qui rassemble tous mes ingrédients fétiches ! Il a, de plus, suffi de quelques pages pour adhérer complètement et suivre avec avidité cette histoire captivante. Secrets de famille, fantômes du passé, contexte historique pernicieux et troublant, faux-semblants et suspense s'entrechoquent avec intelligence et font de cette lecture une très agréable surprise. J'ai beaucoup aimé. S'il fallait juste chipoter, je viserais la fin beaucoup trop lisse et hâtive à mon goût. Mais le roman n'en est pas moins réussi ! Il vous happe dans ses filets et vous propose une intrigue romanesque sombre et fascinante. Parfois bouleversante. C'est en tout cas à lire d'une traite.
Les Escales éditions, 2017 - Traduit de l'allemand par Jean Bertrand
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Monsieur Jean a un plan, de Thomas Montasser
Après une longue carrière en tant que concierge de nuit dans un prestigieux hôtel de Zurich, Monsieur Jean prend enfin sa retraite et décide de consacrer son temps libre à aider les autres. C'est d'abord la mort de son vieux camarade Jacques, patron d'un petit bistro, qui lui fait prendre conscience du caractère vulnérable de la vie et du temps présent à profiter pleinement. Il se réjouit ainsi de découvrir les lieux revisités par une jeune femme dynamique, et probablement inconsciente, alors qu'elle ouvre un nouveau salon de thé cosy et charmant, mais hélas boudé par la clientèle. Qu'à cela ne tienne, Monsieur Jean sera son ange gardien ! Il est comme ça, Monsieur Jean, discret, affable et charitable. Il remet aussi un jeune pickpocket sur le droit chemin, offre des fleurs à la concierge esseulée, réconcilie deux anciennes ballerines fâchées à mort... « Parfois, il ne faut pas grand-chose pour imprimer une nouvelle direction aux rouages compliqués de la vie. Un petit geste, un conseil subtil ou un signe du destin suffisent. Parfois, aussi, c'est la simple humeur d'un monsieur d'âge respectable qui possède un peu d'expérience dans les relations humaines et un grand cœur. Il arrive qu'un esprit bienveillant s'immisce directement dans notre vie, mais c'est aussi à nous de donner un sens plus profond à notre existence - ou à celle d'un autre. Au moyen d'un bon conseil, d'une aide invisible, d'une petite supercherie. Ou d'un brownie, au chocolat naturellement. »
Après Une année particulière, Thomas Montasser nous propose un nouveau rendez-vous fait de simplicité, de partage et d'entraide. La prouesse n'est pas exceptionnelle, mais empreinte d'une véritable sincérité qui fait qu'on adhère instinctivement au propos. J'ai trouvé ce roman doux et apaisant, vraiment pas mièvre, à moins d'être un incurable cynique. Pour ma part, j'ai souri avec candeur à la lecture de cette belle aventure humaine, qui nous fait croiser des personnages attachants, aux vies tendrement chahutées et aux solutions heureuses. La recette est facile, mais fait un bien fou ! J'ai beaucoup aimé.
Presses de la Cité, 2017 - Trad. Leïla Pellissier [Monsieur Jean und sein Gespür für Glück]
Toujours maudit ! de David Safier
David Safier renoue avec le succès en reprenant la même formule qu'à ses débuts, lorsqu'en 2008 il débarquait avec son Maudit Karma, un roman burlesque et déjanté qui traite de la réincarnation non sans humour et ironie.
Cette fois, nous faisons la connaissance de deux acteurs aux parcours diamétralement opposés, Daisy Becker et Marc Barton. Tous deux se rencontrent sur le plateau de tournage du nouveau James Bond et se détestent cordialement. Daisy est débutante dans le métier, elle crève d'envie de décrocher un cachet pour payer ses traites, mais voilà que la superstar Barton plombe tous ses rêves en lui sucrant son rôle. Retour à la case départ pour notre comédienne maladroite, qui accomplit l'exploit de zigouiller le chien de Marc et multiplie par dix sa fureur. Résultat, à force de chamailleries et d'amaretto ingurgité à haute dose, le couple envoie la Lamborghini se crasher dans un camion. Clap de fin pour ces deux-là. Adios amigos.
C'est là que notre histoire s'engage sur les sentiers de la comédie loufoque. Car Daisy et Marc se réveillent dans la peau de petites fourmis au cœur d'un conflit guerrier hyper sanglant. En plus du choc de la réincarnation, la rencontre avec Bouddha et l'affreux constat d'être copains de galère, se pose aussitôt la question du karma et des bons points à récolter pour gravir les échelons dans le processus de la renaissance (et ainsi reconquérir leur forme humaine).
Cette seconde chance est aussi l'occasion pour Daisy et Marc de faire table rase du passé, du moins en théorie, puisque notre duo infernal conjugue un caractère de cochon à un tempérament d'âne bâté et ne cesse de se disputer, en se renvoyant mutuellement la responsabilité de leur manque de fortune. Mais un événement inattendu va pourtant les rapprocher : l'idylle naissante entre la femme de Marc et le meilleur ami de Daisy. Et ça, aucun des deux n'est prêt à accepter l'impensable.
À partir de là, l'histoire nous régale de séquences désopilantes et enchaîne les situations ubuesques avec des personnages de mauvaise foi, qui avancent au hasard de leur destinée, sans totalement se débarrasser de leurs mauvais penchants pour le mensonge, l'individualisme, la rancœur et la jalousie. Le chemin pour redorer leur blason est long, long, long mais source d'anecdotes mordantes et cocasses qui font souvent ricaner ! ^-^
Certes, la recette est éculée mais la lecture offre un formidable moment de lecture à voix haute (pour la version audio lue par Pascale Chemin). C'est convivial, fantasque et délirant, en plus de rappeler les valeurs qui rendent la vie plus belle (amour, courage & lâcher prise), avec aussi une dose de pandas pour se blottir tout contre !
Un roman frais et distrayant, à défaut d'être follement original (à moins de n'avoir jamais lu Maudit Karma).
Traduit de l'allemand par Catherine Barret pour Presses de la Cité
Texte lu par Pascale Chemin pour Audible FR (durée : 7h 51) / Octobre 2016
>> Téléchargement en exclusivité sur Audible. ©2016 Place des Éditeurs (P)2016 Audible FR
Sirius, Le Chien Qui Fit Trembler Le IIIe Reich, de Jonathan Crown
Ce roman ressemble à une farce sans en être une ! L'histoire raconte le parcours sensationnel d'un jeune fox-terrier depuis les rues de Berlin jusqu'aux studios hollywoodiens où notre animal à quatre pattes va devenir la nouvelle gloire montante du cinéma. Compagnon d'une famille allemande juive, les Liliencron, contrainte à l'exil avec la montée du nazisme et des persécutions antisémites, Sirius va également traverser l'Atlantique pour aller à la rencontre de son destin. Ce chien exceptionnel, qui comprend les humains et parvient à communiquer avec eux à sa façon, fait grand bruit et séduit les agents, les producteurs et même des stars comme Clark Gable, Carole Lombard, Humphrey Bogard ou Rita Hayworth. La carrière de Sirius atteint des sommets étourdissants. Mais son aventure ne s'arrête pas qu'au monde des paillettes, puisque notre toutou va malencontreusement être l'objet d'un cafouillage lors d'un numéro de cirque et être expédié sur un paquebot à destination de l'Europe. Retour à la case départ. Sirius rentre à Berlin, côtoie des dignitaires nazis et se trouve aux premières loges au moment où ces derniers élaborent leurs stratégies militaires. Il n'en faut pas davantage à notre prodigieux clébard pour partager les informations en envoyant des messages codés à Londres ! Cette histoire totalement improbable ne nous arrache pourtant pas des cris de révolte car il se dégage de l'ensemble une sensation grisante et primesautière qui rend la lecture entraînante, fraîche et enlevée. Les aventures rocambolesques de Sirius procurent autant d'enchantement que d'incrédulité, sans compter qu'au farfelu se mêlent aussi des anecdotes historiques véridiques qui vous replantent le décor en deux temps trois mouvements. C'est une lecture sans prétention, qui se découvre juste pour le plaisir d'un bon moment partagé et qui vous laisse une franche sensation grisante. Nicolas Justamon accorde son interprétation au vent de folie qui souffle sur le roman et rend du mieux qu'il peut son ambiance grand-guignolesque sans jamais forcer le trait. Très agréable, simple et joyeux.
Texte interprété par Nicolas Justamon pour Sixtrid (durée : 6h 23) - Juin 2016
Traduit de l'allemand par Corinna Gepner pour les éditions Presses de la Cité
Le Tabac Tresniek, de Robert Seethaler
À la fin de l'été 1937, le jeune Franz Huchel a dix-sept ans et quitte ses montagnes, et les jupes de sa mère, pour venir travailler à Vienne avec Otto Tresniek, un buraliste unijambiste, qui tient haut et fort des discours libertaires dans un contexte politique particulièrement agité (montée du nationalisme, de l'antisémitisme, annonce imminente de l'Anschluss). Au Tabac Tresniek, les classes populaires et la bourgeoisie juive ont coutume de se fréquenter dans un joyeux tohu-bohu, d'où une effervescence stimulante pour notre jeune héros mal dégrossi. Franz ressemble à un Candide perpétuellement émerveillé par ses découvertes et ses rencontres. Celles-ci ne manquent d'ailleurs pas de prestige, car Franz va croiser à plusieurs reprises le professeur Sigmund Freud, dont la réputation n'est plus à faire, et va échanger avec lui son cas d'école : il est fou amoureux d'une inconnue, la voluptueuse Anezka, une artiste de cabaret qui occupe toutes ses pensées, mais ne sait pas comment l'approcher. Otto Tresniek aussi lui confiera quelques leçons de séduction de son cru, tout comme il lui enseignera la lecture des journaux et le monde des cigares. Cette insouciance générale ne sera hélas que passagère, vite rattrapée par la colère ambiante, celle qui gronde dans la rue et incite à la vilenie. Le temps de la fête n'est plus, les commerces sont vandalisés, les réfractaires sont rués de coups, les amis plient bagage et l'amertume s'installe.
Le roman parvient à raconter, avec une certaine virtuosité, cette ambiance sournoise et délétère de la ville de Vienne à la fin des années 30. Au début, l'histoire est en apparence guillerette et niaiseuse, à l'image de son héros, l'ingénu Franz, en plein apprentissage de la vie. C'est insidieusement qu'elle bascule dans une atmosphère plus sombre et poignante, nous confrontant à une réalité fielleuse et mordante. Ce volte-face, sans tambour ni trompette, est déstabilisant et peut inspirer autant d'inconfort et de malaise. Seulement, l'auteur reste toujours à la surface et ne creuse jamais son sujet. Son style elliptique relate des faits, des changements, la poussée de tension sur le même mode, sans force ni âpreté. Même l'émotion est contenue mais reste hélas sur l'estomac comme une lourde pâtée à ingurgiter. La lecture se termine donc en demi-teinte, malgré l'interprétation éloquente de Marc Henri Boisse.
Traduit par Élisabeth Landes (Der Trafikant) pour les éditions Sabine Wespieser
Lu par Marc Henri Boisse pour les éditions Sixtrid, Octobre 2015 - durée : 6h 28
Disponible en format poche chez Folio (Février 2016)
Une année particulière, de Thomas Montasser
Par une froide soirée d'hiver, Tante Charlotte quitte sa librairie, tourne la clef dans la serrure, serre son sac à main contre elle et trace sa route sans se retourner. Sans nouvelles de celle-ci, sa famille envoie la jeune Valérie, étudiante en économie et gestion d'entreprise, pour liquider son commerce poussiéreux et croulant sous les dettes. Notre ambitieuse et pragmatique héroïne ne s'avoue pas vaincue, même si l'ampleur de la tâche est conséquente. À peine débarquée dans l'antique librairie, Valérie s'effondre dans le fauteuil usé de sa tante et pousse un profond soupir. Elle songe alors qu'une bonne tasse de thé, préparé dans le précieux samovar, lui redonnera un coup de pep's avant de plonger son nez dans les registres et les catalogues. Attendant que le liquide infuse dans les bonnes proportions, Valérie patiente en prenant un livre au hasard et retourne s'installer dans son fauteuil... pour seulement s'en extraire en fin de journée, 248 pages lues, la goutte au nez, un sourire hébété sur les lèvres. ;-)
Pour Valérie, qui entretient un rapport très éloigné avec les livres, la littérature, l'imagination, les rêves, la poésie etc, cette plongée dans l'univers de sa tante, libraire par vocation, par goût et par envie, est un choc culturel d'amplitude considérable. Et pourtant, la magie a déjà fait son chemin. Au fil des jours, la jeune femme s'installe dans une routine, thé, fauteuil, lecture, et revoit progressivement sa perception des lieux. La librairie a fait son temps, perdu de nombreuses batailles, loupé le coche de la modernité et se débat désespérément contre la fatalité. Pour Valérie, pourtant, l'aventure ne fait que commencer. Un soir, un jeune homme déboule à l'improviste, cheveux en pétard, imperméable chiffonné, l'air pensif et recueilli devant les rayons. Et tout se scelle autour d'un petit bouquin, jugé défectueux, écrit par un auteur inconnu, avec pour titre Une année particulière...
Alléchée par le résumé, j'ai dévoré ce roman en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Et si le contenu n'a pas su me séduire totalement (l'écriture est peu folichonne, l'histoire assez creuse), j'ai totalement succombé au charme du lieu, la librairie désuète et oubliée de tous, où on imagine s'y perdre, prendre un bouquin et s'affaler dans le fauteuil usé durant des heures, à boire du thé, croiser des figures aimables, des personnalités excentriques et attachantes (le môme Timmi qui ne craque que pour les BEAUX livres, le grand acteur Noé ou l'ouvrier du bâtiment, venu d'Iran, qui voue à la poésie perse une vénération sans borne). Autant de rencontres colorées, dans un endroit apparemment mis sur pause.
C'est un peu ça, finalement, qu'il faudra espérer du roman, une lecture hors du temps et des considérations sur la vie qui font réfléchir, une foule de livres à noter, une touche de fantaisie, pas mal de sensibilité, et un roman qui fait la part belle à cette passion de lire et de la lecture en général.
Presses de la Cité / Mars 2016 ♦ Traduit par Leïla Pellissier (Ein ganz besonderes Jahr)
Quand souffle le vent du nord, par Daniel Glattauer
Deux inconnus entament une relation épistolaire (par mail) tout à fait anodine, mais au fil du temps celle-ci ressemble de plus en plus à du badinage amoureux. Après tout, pourquoi pas ? Leo se remet tout juste d'une rupture sentimentale difficile, par contre Emmi... c'est beaucoup plus compliqué. La jeune femme est mariée, elle l'affiche d'emblée, se dit comblée et épanouie. So what ? Qu'est-ce qui la pousse, jour après jour, à consulter sa messagerie pour y glaner un message de son correspondant anonyme ? Affamée, insatiable, impatiente, excitée, bref une véritable amoureuse ! Le jeu est également pimenté par leur refus de se rencontrer en vrai. Ils demeurent ainsi deux fantasmes, parfaitement intouchables. Contrairement à la plupart des lecteurs, j'ai très peu adhéré à l'histoire, qui me pose un réel cas de conscience. À partir de quand estime-t-on être infidèle ? peut-on se sentir libre de tout dire, sous prétexte que c'est par écrit, et parce qu'on ignore tout de l'autre, derrière son écran ? Je n'ai absolument pas capté les motivations de la jeune femme, Emmi est entière, limite capricieuse et exigeante, sa relation avec Leo est pour moi tout à fait illogique et incongrue. (Son correspondant est devenu “sa chose”, mais elle lui propose de rencontrer sa meilleure amie célibataire, très belle et sensuelle, là elle pique une crise de jalousie sitôt qu'elle comprend que ces deux-là se sont trouvés et lui échappent ... !) J'ai donc beaucoup soupiré, trouvé le temps long, pas compris l'engouement pour ce livre. Seule la fin a su trouver grâce à mes yeux, enfin un choix judicieux, qui en appelle à l'imagination du lecteur. Mais l'auteur a succombé à la facilité en publiant une suite. Hélas.
Audiolib, mai 2010 ♦ texte intégral lu par Jean-Marc Delhausse, Nathalie Hugo et Robert Guilmard ♦ traduit par Anne-Sophie Anglaret pour les éditions Grasset & Fasquelle
"... l'oubli n'est pas seulement une forme du souvenir, mais le souvenir est une forme de l'oubli."
C'est probablement un livre qui a été écrit pour moi. Il est en effet question d'une maison et d'une famille où il n'y a que des filles. Le reste, c'est de la poésie, de la gourmandise, de la nostalgie, de la tendresse et de la délicatesse. Comment résister ?
Iris vient d'hériter de sa grand-mère Bertha la grande maison de Bootshaven, dans le nord de l’Allemagne. C'est l'été, le jardin regorge de couleurs et de senteurs, subrepticement tous les souvenirs d'enfance lui reviennent à la pelle : la maladie de Bertha, à la mémoire défaillante depuis sa chute du pommier, les balades dans la campagne, près de l'écluse, les heures à plonger ou nager dans le lac, sa cousine Rosemarie et leur amie Mira, les tragédies, la mort, les histoires d'amour naissantes, les trahisons, le désespoir, la jalousie...
Tout ça en un lent et langoureux va-et-vient avec le présent, où Iris fouille les placards, revêt les vieilles robes de bal de ses tantes ou sa mère, croise avec nonchalance Max, le jeune avoué qui doit régler les questions de succession. C'est une lecture qui doit se vivre, être ressentie comme un cadeau, ou être considérée comme un écho à vos propres souvenirs. Ce roman aborde d'ailleurs la délicate suggestion de la mémoire et de l'oubli, avec les histoires qu'on se construit à partir des souvenirs qu'on se force à faire renaître, ou qu'on tente d'inventer.
C'est une lecture que j'ai savourée, en regrettant sincèrement la fin et le moment de devoir dire adieu aux fantômes de Bootshaven, à Iris et à sa fabuleuse histoire familiale. Très belle et passionnante version Audiolib, comme d'habitude !
Le goût des pépins de pomme, par Katharina Hagena
Audiolib / Anne Carrière, 2010 (existe en format poche) - Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss
Texte intégral lu par Cachou Kirsch
"J'aimais lire et manger en même temps (...). C'était merveilleux les histoires d'amour avec une portion de gouda, les récits d'aventures avec du chocolat aux noisettes, les drames familiaux avec du muesli, les contes de fées avec des caramels mous, les romans de chevalerie avec des cookies..."
Un grand merci à Bladelor pour la découverte ! ♥
Sacrée famille !
Voilà un roman qui démarre sur les chapeaux de roue : Emma est libraire et mère de famille, atteinte d'un blues insurmontable (selon elle). Elle n'hésite pas une seconde pour se rendre à une soirée littéraire où se trouve Stephenie Meyer, dans le fol espoir d'attirer l'auteur à succès dans sa modeste librairie pour une séance de dédicace. La rencontre, finalement, se solde sur un fiasco. De plus, Emma et sa famille se sont couverts de ridicule en débarquant costumés en monstres. Dans une tentative (quasi désespérée) de ressouder les liens familiaux, Emma assiste, impuissante, à son naufrage. Et qu'est-ce que c'est drôle ! Le pire, ensuite, c'est d'avoir excité la colère d'une petite vieille, qui était en fait une sorcière, laquelle, pour se venger, leur a jeté un sort. Résultat, ils incarnent désormais le déguisement qu'ils portaient (vampire, loup-garou, momie, Frankenstein) ! Pour s'en sortir, seule solution : se serrer les coudes afin de retrouver cette Baba Yaga. Mais chez les Wünschmann, c'est une autre paire de manches ! ;) La suite du roman ressemble à une vaste farce, dans la plus pure tradition des comédies familiales complètement déjantées, avec des caractères grotesques et des situations parfaitement ridicules. C'est une chouette lecture de vacances, pour qui ne craint pas l'overdose du cocasse !
Sacrée famillle ! par David Safier
Presses de la Cité, 2012 - traduit de l'allemand par Catherine Barret