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Chez Clarabel
9 juin 2016

La Couleur du lait, de Nell Leyshon

La Couleur du lait

Dorset, 1831. Mary, une fille de ferme de quinze ans, est envoyée chez le pasteur pour tenir compagnie à son épouse malade. Avec ses manières frustes et son langage grossier, elle impose son style avec une naïveté touchante. Mary dit haut et fort ce qu'elle pense, au risque de chambouler ce petit monde replié sur lui-même, mais sa patiente est aussi une femme attentive, sensible et délicate. Elle est touchée par la jeune paysanne, lui raconte sa vie, ses blessures et ses chagrins, sa solitude aussi, alors qu'elle vit cloîtrée dans sa maison, sans recevoir la moindre visite. Son fils Ralph va bientôt partir à l'université et le cœur de cette maman affaiblie ne peut supporter cette déchirure. De son côté, Mary vaque à ses besognes, elle cure les sols, vernit les buffets, prépare le thé, cueille les fruits pour la confiture ou les légumes pour la soupe. D'abord peu à l'aise dans ce confort étranger, où elle découvre l'existence du boudoir, mais aussi des oreillers et des draps, elle s'empêche de penser à sa famille, au grand-père vieillissant et alité, aux vaches à traire, aux champs à semer... La vie était rude à la ferme, ses parents pas causants, ses sœurs utilisées comme des bêtes de somme. Mary peut s'estimer chanceuse de s'être extraite de sa condition. Vivre au presbytère est confortable et routinier. Et puis, on lui offre aussi la possibilité d'apprendre à lire et écrire. Mary. m.a.r.y. Une plume unique, une lecture coup de poing, une histoire qui nous fait vaciller, de l'espoir à l'enfer. Le portrait est sans artifice, la voix lucide et le destin poignant. Un roman marquant, mais qui suscite aussi un sentiment d'injustice et de tristesse. 

Traduit par Karine Lalechère (The Color of Milk) pour Phébus

Repris chez 10/18 Littérature étrangère, septembre 2015

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# Mois Anglais 2016 : Campagne anglaise

Mois Anglais 3

 

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3 juin 2016

Le Temps des métamorphoses, de Poppy Adams

Le temps des métamorphoses

Après des années de silence, Vivien rentre à la maison, dans le domaine familial de Bulburrow Court, un manoir victorien délabré, basé dans le Dorset. Sa sœur Virginia l'attend avec une certaine fébrilité. Que diable cherche-t-elle ? pourquoi ce retour ? Mais il ne sert à rien de tergiverser que les retrouvailles ont déjà lieu, des retrouvailles empruntées et maladroites, couvertes de faux-semblants et de bavardages inutiles. Dès son arrivée, Vivien ne cache pas son choc en explorant les lieux dépouillés et s'étonne de l'hygiène de vie de sa sœur, qui vit recluse dans cette grande demeure glaciale. Contrairement à elle, Virginia n'a en effet jamais quitté les murs de Bulburrow Court, emprisonnée dans les vestiges d'une enfance idyllique, auprès d'une mère élégante et fantasque et d'un père passionné d'entomologie, que Ginny suivra aveuglément en reprenant le flambeau. Les sœurs sont censées avoir tant de choses à se raconter, et pourtant le malaise entre elles est palpable. Pour le comprendre, il faut accepter le va-et-vient des souvenirs, entre présent et passé, à nous livrer une histoire de famille lourde de secrets, de drames et de mensonges. Le roman ainsi surprend, par son charme éthéré et ses manières dépassées, mais en impose aussi, par son atmosphère pesante et énigmatique d'une vieille demeure poussiéreuse. Et puis la relation entre Vivien et Virginia laisse également planer le doute sur des faits trop longtemps enfouis et que leurs retrouvailles vont déterrer involontairement. Par contre le rythme est nonchalant, il faut s'adapter à la lenteur, enclencher le rétroprojecteur de la mémoire et ne pas prendre toute confession prodiguée pour argent comptant... Pour qui aime les lectures d'ambiance, et pourquoi pas les longues théories sur les insectes, ce livre n'attend plus que vous ! Je garderai le souvenir du raffinement, de son refus de lâcher prise, ainsi que la belle galerie de personnages, qui continuent de hanter les couloirs de Bulburrow Court.

Traduit par Isabelle Chapman (The Sister) pour les éditions Belfond, repris chez 10-18, déc. 2011

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# Mois Anglais 2016 :  (Vieilles) dames indignes ou indignées

Mois Anglais 2

 

2 juin 2016

Comme si c'était toi, de Mhairi McFarlane

COMME SI C'ÉTAIT TOI

Anna est belle, intelligente et romantique. Célibataire, elle ne désespère pas de trouver l'âme sœur en tentant les rencontres sur internet. Elle bouscule sa petite routine en se rendant par hasard à la réunion des lycéens, seize ans après leurs seize ans, où elle recroise James Fraser, son ancien béguin qui ne la reconnaît pas. Il faut dire que Anna a particulièrement changé depuis le temps où elle était martyrisée à cause de son poids, avec en apothéose la soirée pitoyable du Mock Rock, où elle avait été humiliée publiquement, par la faute de James.

Aujourd'hui Anna est une jeune femme épanouie, au physique de déesse (des années de régime et de prise en main sont passées par là) mais a la rancune tenace. Au lieu de se présenter face à ses anciens tortionnaires, Anna rebrousse chemin en soupirant d'aise. Or, le destin s'acharne quand elle découvre qu'à l'occasion d'une exposition mise en place par son université, elle doit travailler en collaboration avec un conseiller en marketing numérique qui n'est autre que James Fraser. Son pire cauchemar. Anna fait profil bas et simule la sympathie, accepte de lui rendre service en prétendant être sa nouvelle petite amie et s'affiche à son bras auprès de ses collègues. Cette supercherie ne fait que les rapprocher et accentuer le malaise, car le souvenir de leur jeunesse plane au-dessus d'eux comme un spectre menaçant. Ni l'un ni l'autre n'aborde le sujet - James n'ayant toujours pas fait le parallèle, Anna se sentant encore trop sensible pour l'évoquer. James traverse en même temps une crise existentielle, son épouse vient de le quitter pour un jeune mannequin, son orgueil en a pris un coup et il se sent bafoué. Sa rencontre avec la pétillante Anna lui fait comprendre qu'il mène une vie superficielle, avec un boulot m'as-tu-vu qu'il déteste et une sublime femme qui flatte son ego. Lui aussi se trouve désormais à la croisée des chemins, mais James est particulièrement long à la détente. Une vraie plaie.

J'avoue avoir été déçue par son personnage et sa personnalité peu attachante, en comparaison de l'adorable Anna. Ce n'est pas facile non plus d'adhérer à leur relation, basée sur les non-dits, la rancune et l'hypocrisie, mais passons. J'ai quand même passé un agréable moment à écouter cette histoire simple et ordinaire, à l'instar des anecdotes qu'on se raconte entre copines. Cela m'a fait le même effet ici. On se sent proche des personnages, on suit une intrigue qui prend son temps, qui distille aussi un petit grain de folie appréciable, avec des personnages secondaires exubérants, une cérémonie de mariage savoureuse, des échanges de mails désopilants, de la tendresse, de l'amitié, de la cohésion et de la pertinence. C'est le deuxième livre que je lis de cet auteur, après Parce que c'était nous, et qui me touche une nouvelle fois. 

Texte lu par Véra Pastrélie pour Hardigan, avril 2016 (durée : 11h 59)

Traduction d'Odile Carton (Here's Looking at You) pour Bragelonne, 2014

Comme si c'était toi | Livre audio

 

>> Ce livre audio est en exclusivité sur Audible uniquement disponible en téléchargement.

©2015 Milady (P)2016 e-Dantès

 

1 juin 2016

Après toi, de Jojo Moyes

après toi

Dix-huit mois après sa bouleversante rencontre avec Will Traynor, Louisa Clark tente de reconstruire sa vie dans son appartement londonien, après une longue fuite à travers l'Europe et le besoin d'accomplir quelque chose sans déterminer exactement quoi. Au final, Louisa travaille dans un bar minable près d'un aéroport, n'a pas revu sa famille et s'enfonce dans une solitude déprimante. Un soir, après plusieurs verres d'alcool, Louisa traîne sur sa terrasse, plus mélancolique que jamais, avant de basculer dans le vide. Elle reprend connaissance dans une ambulance et découvre son secouriste (^Sam^) d'un air hébété. Louisa est en vie, un vrai miracle. Ses parents accourent aussitôt à son chevet et se font du souci pour elle.

Suspectant une grande fragilité et des envies suicidaires, ils lui conseillent de s'inscrire à un groupe de soutien psychologique pour personnes endeuillées. Louisa, par crainte d'être jugée, masque premièrement la vérité mais ne cache rien de sa profonde détresse. Pourtant, cette équipe de bras cassés viendra à bout de ses réticences et lui donnera les bons tuyaux pour ne plus couler. En attendant, la vie de Louisa est également chamboulée par l'arrivée de Lily, une adolescente en souffrance, en pleine quête identitaire, qui s'incruste chez elle et fait de son quotidien un enfer. Et là, ne cherchez pas à comprendre, Louisa Clark renfile sa panoplie de sauveuse des âmes perdues et part en campagne pour soigner ce chaton égaré.

Ouhlala. Cette nouvelle orientation m'a clairement laissée perplexe. J'ai trouvé l'introduction du personnage de Lily parfaitement incongrue, l'implication de Lou dans son parcours franchement exagérée. Et ce ne sont pas les seuls détails qui me posent problème, ça et là, l'histoire prend des tours et des détours déconcertants, souvent des longueurs inutiles, qui ne servent qu'à couvrir une intrigue assez faible et qui renvoient une image moyennement positive de Louisa - son ambition est toujours aussi inexistante, sa vie en mode off. Retour à la case départ. Et on imagine Will de là-haut en train de pester après les anges... Soupirs.

La lecture n'en est pas moins agréable à parcourir, puisqu'il est toujours appréciable de retrouver l'univers ouaté et confortable de Jojo Moyes, tout en gardant à l'esprit que cette suite est un pêché mignon. J'ai eu la grande faiblesse de la découvrir par pure curiosité, anticipant des retrouvailles réjouissantes avec des personnages qui avaient su me toucher. Certes, la famille de Lou manque également au décor, trop peu présente à mon goût, elle nous prive de son festival de dingueries à sa juste valeur. C'est dommage. Le roman reste principalement ancré sur Lou et ses éternelles incertitudes, son obsession pour Will et son chagrin incommensurable. Reste plus qu'à enduire tout ça d'artifices et de subterfuges plus ou moins convaincants pour avaler cette bonne soupe réchauffée. Slurp.

Texte lu par Emilie Ramet (durée : 11h 58)

Traduit par Alix Paupy pour Milady (After You), juin 2016

Après toi | Livre audio

En exclusivité sur Audible FR - uniquement disponible en téléchargement.

 

 

# Mois Anglais 2016 :  Un roman qui se passe à Londres

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19 mai 2016

Tant qu'on rêve encore, de Chris Killen

TANT QU’ON RÊVE ENCORE

Automne 2004. Lauren plaque son copain Paul et file sur un coup de tête au Canada. De cette rupture, le garçon en a conservé une profonde amertume et a publié un roman au succès d'estime. Dix ans plus tard, Paul enseigne un atelier d'écriture à l'université, vit avec Carole et flirte en ligne avec une étudiante. Il n'a pas rebondi après avoir cueilli les lauriers en librairie et souffre vulgairement du syndrome de la page blanche. Rien ne va plus dans sa vie. Il sent une grosseur dans sa bouche et s'imagine être à l'article de la mort. Il ment à sa compagne et hésite à la quitter mais accepte de lui faire un enfant. Le goujat dans toute sa splendeur. De son côté, Lauren est rentrée au pays et tente de faire carrière sans grande motivation. Elle n'a jamais revu Paul mais songe souvent à son ami Ian dont elle avait reçu quelques nouvelles lors de son escapade canadienne, avant qu'il ne s'évapore dans la nature sans la moindre explication. En fait, Ian est également au creux de la vague, obligé de partager l'appartement de sa sœur, sans un sou en poche. Il n'a aucune ambition, après avoir longtemps espéré percer dans la musique, et vivote dans un centre d'appel où il doit arnaquer, non sans scrupule, des petits vieux. Au vu de cette délicieuse couverture - clin d'œil à une scène particulièrement cocasse - j'avais naïvement l'espoir que l'histoire s'élève au rang de comédie sarcastique (façon David Nicholls ou Danny Wallace) et se charge de secouer ses protagonistes neurasthéniques pour les emmener dans une aventure plus transcendante. Au lieu de ça, elle se contente de nous servir trois portraits de trentenaires désabusés sans susciter la moindre émotion ou éveiller une étincelle de désir. Bouh. Quelle désillusion. Si le début a réussi à me convaincre et m'encourager à poursuivre, j'ai trouvé la deuxième partie décadente, pour ne pas dire triste et déprimante, malgré une fin pleine de charme et de douceur, survenant hélas trop tardivement pour raviver la flamme. Ce roman a contrarié mes attentes et m'a raconté une histoire qui démontre que la vraie vie est plus forte que les rêves, ignorant ainsi que c'était une vision en totale inadéquation avec mes aspirations. Soupir.  

Fleuve éditions, avril 2016 - Traduit par Amélie de Maupeou (In Real Life)

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9 mai 2016

Ainsi vont les filles, de Mary Westmacott

Ainsi vont les filles

Après un long veuvage de seize ans, période durant laquelle Ann Prentice s'est entièrement dévouée à sa fille Sarah, elle décide, à 41 ans, de se remarier avec Richard Caulfied, qu'elle vient de rencontrer lors d'un dîner chez des amis. Il lui tarde de le présenter à Sarah, partie trois semaines en Suisse. À son retour, pourtant, la nouvelle ébranle la jeune femme de dix-neuf ans, très attachée à ses habitudes et aux liens exclusifs qu'elle entretient avec sa mère. Aussi, fait-elle vivre un enfer au couple, forcé de repousser leurs noces. Cette tyrannie imposée par sa propre progéniture finit par oppresser Ann qui doute de l'avenir. Deux ans plus tard, on retrouve notre duo mère - fille dans une nouvelle posture. Sarah est courtisée par un homme fortuné, mais de mauvaise réputation. Même si elle est attirée par le luxe, elle n'est pas sûre de ses sentiments et quémande de l'aide auprès de sa mère, laquelle est trop accaparée par sa nouvelle vie mondaine pour lui prêter une oreille attentive et compatissante. Dans ce roman à l'atmosphère insupportable, où mère et fille se livrent une guerre d'usure, confondant l'amour, la dévotion à l'exigence et le despotisme, amertume et désespoir composent l'essentiel de cette histoire impitoyable. C'est à la fois hallucinant et agaçant de suivre Ann et Sarah se chamailler puis se réconcilier, et enfin donner le change en faisant semblant d'une paix retrouvée après tant de sacrifices ! Leur vie frivole ne masque hélas pas leur grande détresse (elles se pomponnent, sortent tous les soirs, boivent des cocktails, flirtent en toute insouciance). Les failles sont invisibles, même si les premiers signes sont sans appel (migraines, râleries incessantes). Le roman est, de ce fait, surprenant, poignant et rondement mené, avec un sens de la dramaturgie plus pointue et une sentimentalité plus affûtée. J'avais souvent l'impression de lire une pièce de théâtre - et n'ai donc pas été surprise d'apprendre que l'auteur avait initialement écrit son histoire sous cette forme. Agatha Christie dresse un portrait acerbe des rapports mère-fille teintés d'amour et de haine. C'est déconcertant, mais on se laisse vite prendre au jeu et emporter par cette relation vorace qui dépasse l'entendement. 

Le Livre de Poche, avril 2016 pour la présente édition

Traduit par Dominique Chevallier (A Daughter's a Daughter, 1952)

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6 mai 2016

Nous, de David Nicholls

NOUS

Pauvre Doug Petersen ! Lorsque son épouse Connie lui annonce qu'elle envisage de le quitter dès que leur fils Albie rentrera à l'université, il embarque aussitôt toute sa petite famille pour un tour de l'Europe concocté à sa sauce et espère ainsi raviver la flamme de sa chère et tendre, et se rabibocher avec son fiston qu'il ne comprend plus. Las, leur périple tourne à la débandade et renvoie notre homme désabusé dans une vilaine posture. Seul, abandonné, désemparé. S'engage alors une comédie cynique et grinçante, mais malgré tout désopilante. Certes, on sourit face aux déboires de Doug, déjà abattu par les critiques de ses proches, constamment ligués contre lui, à lui reprocher son esprit scientifique, cartésien, sans imagination, sans grain de folie. C'est d'autant plus un comble qu'on découvre les débuts de son histoire avec Connie, jeune artiste bohème, alors attirée par son contraire, pour finalement s'en lasser. En avant les montagnes russes ! On passe par tout un panel d'émotions en lisant ce roman, qui s'ouvre dans la joie et l'allégresse, avec un voyage cumulant les maladresses (dans les rues d'Amsterdam, Doug cherche à visiter le musée d'Anne Frank mais provoque un séisme chez les bikers et se décompose sous leurs yeux), avant de basculer dans le sordide, le touchant, le poignant. L'image du couple et de la famille prend un coup dans l'aile et laisse une saveur amère, sans toutefois rendre la lecture aux accents mélancoliques trop démoralisante. C'est frais, cocasse, subtil et riche en nuances, pour un récit à la fois sensible, pathétique et émouvant. J'ai passé un très bon moment !

10/18 Littérature Etrangère - Avril 2016 (Traduit par Valérie Bourgeois)

1 mars 2016

Opération Sweet Tooth, par Ian McEwan

Opération sweet tooth

Au début des années 1970, Serena Frome, une jeune anglaise, fille de pasteur, étudiante en mathématiques à Cambridge, fait la rencontre d'un éminent professeur, qui va la modeler intellectuellement, avant de la recommander aux services secrets du MI5. Son idylle se termine douloureusement et, pour oublier son chagrin, Serena travaille d'arrache-pied pour décrocher sa première mission : l'opération Sweet Tooth, qui consiste à encourager de jeunes écrivains, en subvenant à leurs besoins financiers, pour qu'ils publient des écrits dont les idéologies concordent avec celles du gouvernement britannique. Tout ceci dans la plus grande discrétion, naturellement. La cible de Serena s'appelle Tom Haley, une plume prometteuse et pleine de talent, mais à l'univers assez sombre et torturé. La jeune femme tombe néanmoins amoureuse de ses nouvelles, avant de connaître le personnage... et de succomber de nouveau au charme de l'intellectuel. C'est une récurrence chez cette héroïne, belle et vaniteuse, qui reconnaît son attirance pour la même figure masculine dominatrice. Et fatalement, en tombant amoureuse de son client, la jeune femme compromet sa mission et s'attire le courroux de son superviseur fou de jalousie...

Serena n'étant toutefois pas une figure très attachante, son histoire ne nous touche pas davantage, aussi admirablement écrite et fascinante soit-elle. Dans ce roman d'amour, sur fond d'espionnage, l'auteur tente d'exploiter une nouvelle palette de sensations, où les relations semblent plus douces, plus délicates et à la sensualité plus nuancée, mais l'ensemble sonne faux, froid, imperméable aux émotions. L'auteur se sert aussi de la littérature comme un outil de manipulation - l'univers sulfureux de Haley rappelle celui de McEwan - la cruauté et la perversité s'étalant dans toute leur splendeur. Les femmes, aussi, sont traitées comme de simples objets jetables, dans une société qu'on devine désœuvrée, en quête de nouveaux ennemis (la guerre froide s'étiole, mais les premières frictions en Irlande du Nord apparaissent). C'est donc un roman pour le moins troublant et poignant... mais tellement déconcertant. J'en sors quelque peu perplexe. 

Folio / Octobre 2015 ♦ Traduit par France Camus-Pichon pour les éditions Gallimard

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1 mars 2016

Expo 58, de Jonathan Coe

Expo 58

Thomas Foley, du Bureau de l’Information, se voit confier la mission de superviser la construction du Pavillon britannique, lors de la prochaine Exposition universelle qui aura lieu à Bruxelles. Nous sommes en 1958. Il doit ainsi partir six mois en Belgique pour administrer le fameux pub anglais, le Britannia, un fac-similé qui deviendra rapidement le bastion d'individus pittoresques. On y retrouve notamment son camarade de chambrée, Tony Buttress, un scientifique anglais responsable d’une machine susceptible de bouleverser la technologie nucléaire, Anneke, la jolie hôtesse belge, son amie Clara, Jamie la barmaid et Emily l'américaine volubile, sans oublier Andrey Chersky, un journaliste russe, peu gêné aux entournures de brandir sa fierté patriotique, même s'il craque copieusement pour les nouvelles chips anglaises. Cette joyeuse bande passe donc de longues soirées animées, à boire de la bière, flirter, danser et refaire le monde. Thomas, tout absorbé par cette ambiance de fête, en oublie même son épouse Sylvia, restée à Tooting, en banlieue londonienne, avec leur bébé sur les bras ! Totalement sous le charme de la blonde Anneke, il vient également de basculer dans une dimension surréaliste - impliquant un kidnapping dans les règles de l'art et une mission d'espionnage à la James Bond - et est clairement dépassé par la situation.

N'en doutez pas, c'est un roman tout simplement exquis. L'histoire au départ ne laisse absolument pas présager la tournure qu'elle va prendre, alors accrochez-vous ! Thomas est un type affreusement guindé, pas taillé pour le rôle de l'agent secret, mais son entourage et leurs péripéties valent franchement le détour. Résultat, on ricane beaucoup à la lecture des aventures folkloriques et truculentes de cet anti-héros qui marche sur les plates-bandes de l'agent 007 comme un automate dégingandé. On redécouvre aussi l'époque de la guerre froide dans une représentation complètement dingue et aberrante, très caricaturale aussi, mais tout ça est fait exprès. L'ensemble peut sembler inattendu, mais c'est absolument désopilant à lire. Frais et enlevé. Un vrai roman anglais qui se moque des codes et du genre.

Folio / Juin 2015 ♦ Traduit par Josée Kamoun pour les éditions Gallimard

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30 septembre 2015

Boomerang, de Tatiana de Rosnay (lu par Julien Chatelet)

Boomerang

Relecture à l'occasion de sa sortie au cinéma.

De retour sur Noirmoutier, l'île de leurs vacances, Antoine et sa sœur Mélanie se rappellent leur enfance et l'époque heureuse où leur mère était encore avec eux. Celle-ci, foudroyée par une rupture d'anévrisme, a laissé un trou béant dans leur famille où chacun s'est appliqué à ne plus l'évoquer. Sur la route du retour, alors que Mélanie s'apprête à lui révéler un secret, l'accident survient et le laisse dans l'ignorance. Antoine comprend, néanmoins, que le temps est venu de fouiller dans son passé pour être en paix avec sa vie d'homme, aujourd'hui, brisé. Abattu par son divorce, par ses enfants qui grandissent trop vite et qu'il ne comprend plus, Antoine est un homme défait. Sa rencontre avec la mystérieuse Angèle Rouvatier, qui s'offre à lui sans retenue, sera un autre élément déclencheur vers cette quête absolue de vérité et la traque des vieux démons.

Honte sur moi, j'avais complètement oublié cette histoire, lue en 2009, et ne me souvenais plus de son atmosphère pesante et macabre (cf. la scène dans le TGV). Par contre, j'avais en mémoire la personnalité peu amène du héros, dont le caractère morose et geignard a souvent été source d'agacement. Sans quoi, j'ai trouvé l'histoire toujours aussi agréable et captivante. Le style de l'auteur, tout en simplicité et élégance, n'a de cesse de nous séduire, jusqu'à nous repêcher dans notre grotte où l'on se terre pour échapper aux atermoiements de son personnage. (J'avais développé une allergie contre Antoine. Assez rédhibitoire. Donc, rien que pour ça, quelle prouesse !) La lecture s'écoule ainsi, sans agitation ni déconvenue.

J'ai aimé me balader entre Paris et la Vendée, dans le présent et le passé, dans les pas d'un homme en manque de souffle ou dans les rares miettes d'une silhouette floue et enfuie (l'énigme Clarisse). C'est un bon roman sur les secrets de famille qui vous empoisonnent l'existence sans même s'en apercevoir. Cela se lit, ou s'écoute, sans effort. Un bonheur simple. Du plaisir partagé. Un vrai puzzle bidouillé avec flegme et émotion.

Audiolib / septembre 2015 ♦ Texte lu par Julien Chatelet (durée : 9h 49) - Suivi d'un entretien avec l'auteur ♦ Traduit de l'anglais par Agnès Michaux

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Un film de François Favrat (2015) - Bande Annonce

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