Trois vœux, de Liane Moriarty
En bref : c'était bien, malgré quelques longueurs et la sensation d'étirer superficiellement l'intrigue !Le roman s'ouvre sur une scène volcanique, au restaurant, trois sœurs fêtent leur anniversaire quand soudain l'une d'elles se lève avec une fourchette plantée dans son ventre de femme enceinte. Eh ouais. Les petits meurtres en famille, ça me connaît.
Avant d'en arriver là, l'auteure procède à son schéma habituel en fouillant les souvenirs et en alternant personnages et situations pour planter le décor. Les trois sœurs, Lynn, Cat et Gemma, sont des triplées. Elles ont un peu grandi en étant des phénomènes de foire, exploitées par leur mère qui a bâti sa carrière sur leur dos.
Mais les filles gagnent à être connues, notamment pour leur parcours et leurs attentes qui partent dans tous les sens. Lynn maintient qu'elle peut gérer sa carrière, son couple et son enfant à parts égales. Cat découvre que son mari a eu une aventure. Et enfin Gemma enchaîne des déceptions amoureuses mais tombe sous le charme d'un serrurier aux cils incroyables.
Ces trois-là sont à la fois solidaires et garces entre elles. Elles ont le sens de la famille, se protègent et se soutiennent. Cependant, elles ne sont pas transparentes et souvent préfèrent un semblant d'apparence par peur d'être trop vulnérables.
En fait, j'ai bien aimé ce roman à travers son portrait des trois sœurs dont la relation est complice mais perfectible aussi. Je me suis sentie proche de l'une et l'autre à tour de rôle. Par contre, et c'est un reproche courant, le roman de Liane Moriarty est bancal avec des passages trop longs ou inutilement dilués. Pense-t-elle que ça alimente l'intrigue ou son suspense ? En tout cas, l'effet recherché est loupé. Ça casse le rythme et c'est limite ennuyeux par moments. Sans quoi, en comparaison des autres titres déjà lus, celui-ci est plutôt bon. Du moins, il ne déçoit pas !
©2021 Editions Albin Michel (P)2021 Audiolib
- Lu par : Audrey D'Hulstère
- Durée : 11 h 33
- Ce roman, mené comme un thriller, est un soap doux amer dont personne ne ressort indemne. Audrey D'Hulstère incarne à merveille ces trentenaires en pleine crise existentielle.
- La lecture audio est effectivement très bonne, grâce à sa comédienne aguerrie, qui joue subtilement avec les caractères et entretient savamment le doute et l'espoir au fil des chapitres. C'était très appréciable, et je pense que ça a contribué à ma bonne estime du roman.
⭐⭐⭐⭐
Neuf parfaits étrangers, de Liane Moriarty
En rejoignant le Tranquillum House pour une cure détox aux méthodes révolutionnaires, nos neuf pensionnaires n'imaginent pas encore le traitement de choc qui les attend. Le lecteur aussi doit être prévenu que le roman ne sera pas explosif en rebondissements. On est loin du schéma classique qui consiste à proposer faux-semblants et autres guet-apens. En effet, il n'y a aucun fil rouge ni nœud à démêler. Juste un programme qui va torturer les nerfs des personnages.
Le résultat est plutôt pas mal et étrange. Frances, Lars, Jessica et Ben, la famille Marconi, Tony et Carmel ont tous des bagages émotionnels à déballer - la romancière en manque d'amour, le couple en deuil, un autre qui s'est perdu après avoir gagné le loto, la jeune fille paumée et l'épouse bafouée. Tous ont en commun ce besoin de comprendre, de compenser, de panser. On devient aussi un peu des voyeurs en voulant débusquer leurs petits secrets. Mais point de gros suspense à l'horizon. Ou si peu.
Liane Moriarty a vraisemblablement choisi la dérision pour divertir son lecteur. Elle se moque des modes, des envies de changement, des réseaux sociaux, du coaching, du pur du bio de l'essentiel. Elle balance ses idées sur le papier, genre débrouillez-vous, elle suit son chemin sans se retourner. Elle s'en fiche si ça n'entre pas dans les codes. Elle peaufine même son art à travers Masha (la directrice exaltée et aux recettes fantaisistes). Euh, avouez qu'elle est flippante. Non ?
En fait, je ne sais pas trop quoi penser de ce titre. Ce n'était pas mauvais, mais pas époustouflant. Ce n'était pas dramatique, mais pas foufou non plus. C'était un peu décalé, et néanmoins vite recadré. C'était dingue et curieux et inattendu et creux. Bref. C'était bon et pas bon. Ceci dit, j'ai tenu à boucler ce roman car je voulais connaître son dénouement. Eh bien, jusqu'au bout la Liane M. se fout bien de nous !!! Hahaha.
©2020 Editions Albin Michel (P)2021 Audiolib
- Lu par : Colette Sodoyez
- Durée : 15 h 22
- Avec l'humour et la subtilité qui ont fait son succès, Liane Moriarty, l'auteur du Secret du mari et de Petits secrets, grands mensonges, traque les vérités cachées derrière les apparences et la quête parfois absurde du changement à tout prix. Du grand art.
Excellente performance audio de Colette Sodoyez : une interprétation limpide, une voix agréable et une intonation au plus juste. C'était un bonheur de découvrir ce roman grâce à son travail. Merci.
⭐⭐⭐.5
À la recherche d'Alice Love, de Liane Moriarty
Après une chute sur la tête en faisant du sport (alors qu'elle n'aime pas ça, pense-t-elle), Alice Love découvre dans la foulée qu'elle n'a plus vingt-neuf ans, mais dix ans de plus. Une décennie vient de s'effacer dans son esprit... et badaboum.
Son mariage prend l'eau, ses enfants sont des inconnus, sa meilleure amie a disparu, sa sœur file un mauvais coton, sa mère se découvre une nouvelle jeunesse et sa grand-mère est une blogueuse émérite !
Alice a la sensation d'avoir basculé dans un monde inconnu et tente de se réapproprier cette nouvelle existence. Au gré de ses tâtonnements, elle nous entraîne aussi dans un incroyable cheminement ponctué de révélations inattendues.
C'est d'ailleurs le point fort de l'auteure qui nous fait croire un truc (lequel se révèle complètement faux) et qui nous balade pendant tout le roman en allant de surprises en surprises.
C'est très, très bon ! Habile et prenant... vraiment captivant.
Par contre, Alice est agaçante. Elle se comporte d'abord comme une fillette immature et capricieuse. Puis quand les cases se remplissent, son personnage se peaufine, s'adoucit, gagne en nuances. C'est moins stressant.
On ne décroche pas tout du long de ses errements car on a envie de découvrir la suite de son parcours. J'ai peut-être quelques réserves sur le dénouement mais ce n'est pas insoutenable non plus. Pour moi, c'était donc un bon roman qui se lit vite et bien ! Il est distrayant, simple et sans prétention. OK pour moi.
©2019 Éditions Albin Michel (P)2020 Audiolib
- Lu par : Valérie Marchant
- Durée : 14 h env.
Comédienne habituée aux livres audio, Valérie Marchant offre une performance sans défaut en conviant le lecteur à lui faire confiance pour suivre cette histoire ! Voix agréable, intonation pondérée, personnages variés, interprétation sans chichis ni aucune exagération... le format audio est parfait ! J'ai également passé un très bon moment par ce biais.
⭐⭐⭐.5
La mémoire des embruns, de Karen Viggers
... Cette déception après lecture ! J'avais gardé ce roman bien au chaud sur mes étagères *depuis des années* et lorsque je tente enfin une plongée en me frottant les mains, je ne vous raconte pas le gros plouf de dépit.
Car l'histoire est mélancolique mais usante. Elle traîne en longueur et alterne deux parcours - celui d'une vieille dame et de son fils cadet.
Mary a choisi de retourner sur une île isolée pour revivre ses souvenirs de jeune femme mariée et épouse du gardien de phare. Tom a perdu le goût du bonheur après son divorce et ne sait plus sur quel pied danser avec une jeune scientifique - sans doute trop spontanée et indépendante pour convenir à son manque de confiance.
Cela nous donne un roman en mode contemplatif et néanmoins monotone.
Mais que de lassitude !
Par contre on nous vend du rêve pour les décors... Tasmanie, île Bruny, Terre Adélie... C'est là tout le côté sauvage et farouche du bouquin.
©2011 Titre original : The Lightkeeper's Wife. Édition française publiée par les Éditions Les Escales.
Traduit par Isabelle Chapman
(P)2019 Lizzie, Version intégrale
- Lu par : Pénélope Perdereau, Emmanuel Lemire
- Durée : 13 h env.
La voix de la comédienne, Pénélope Perdereau, est la plus prégnante et captivante à écouter... dommage de trouver trop de descriptions dans le récit.
Un peu, beaucoup, à la folie, de Liane Moriarty
Perplexe, je suis.
Liane Moriarty a repris le même principe que dans ses autres romans, cf. Le Secret du mari ou Petits secrets, grands mensonges, à savoir distiller un interminable suspense autour d'un événement anodin.
Ici, trois couples évoquent un barbecue auquel ils ont participé. Qui, comment, pourquoi... on nous explique tout très lentement. Seule certitude : un indicible malaise va en découler. Sur papier, l'idée est alléchante car on s'attend à se creuser les méninges et à retenir notre souffle. Mais concrètement la lecture est plate. Trop diluée. Elle donne le sentiment d'un plat réchauffé qui aurait perdu toute sa saveur.
Deux amies d'enfance vont se retrouver autour d'un désir d'enfant mais font également remonter à la surface des traumatismes de leur passé. Passant au crible leur mariage, leurs mères, leurs voisins ou leurs carrières, elles donnent une couleur assez terne au roman. Beaucoup d'amertume et de non-dits. De la frustration et peut-être de la jalousie.
Au final, nul n'est franchement sympathique dans le lot, à part le couple qui organise le barbecue sans réaliser dans quel bourbier ils ont mis les pieds. Eux aussi ont leurs petits secrets et estiment être assez en confiance pour s'épancher. Dommage que l'ambiance n'y est pas du tout. C'est tellement froid, très distant et acerbe. Je n'étais guère en empathie.
Les dernières révélations surviennent maladroitement : elles apportent une dramaturgie surjouée à un enchaînement de circonstances malheureuses. En bref, tout ça pour ça. Un peu décevant.
©2018 Éditions Albin Michel. Traduit par Sabine Porte (P)2019 Audiolib
- Lu par : Sophie Frison
- Durée : 14 h 50
Excellente lecture de Sophie Frison pour Audiolib : une écoute simple mais efficace. Très agréable.
La Maison des hautes falaises, de Karen Viggers
Karen Viggers est un auteur que je souhaitais découvrir depuis un moment, car je prévoyais une lecture riche en évasion, à l'instar des romans de Victoria Hislop. Le changement d'air est bien au rendez-vous - direction un coin paumé d'Australie, au bord de l'océan - par contre, l'histoire réserve des émotions contradictoires. On fait en effet la connaissance de deux personnages qui traversent l'existence en léchant leurs plaies mais qui refusent de s'épancher pour mieux chasser leurs vieux démons. Ils préfèrent, au contraire, les bichonner et les garder sous le coude. D'un côté, Lex avait une brillante carrière d'animateur et une vie de couple épanouissante, jusqu'à la perte tragique de son enfant. La soupape de sécurité ayant explosé, l'homme a tout plaqué pour s'installer dans un village de pêcheurs, à l'abri des regards. Un jour, il croise la route de Callista, une artiste locale, qui mène une vie de bohème. Elle aussi possède un passé parsemé de zones d'ombres, qu'elle préserve jalousement. Ces deux-là ont un coup de foudre. Ils vivent l'instant présent sans peur du lendemain, mais ne dévoilent rien de leurs fantômes. C'est dit comme ça, mais au fond c'est carrément borderline, et toute l'histoire ne cessera d'en faire la démonstration. Les personnages eux-mêmes ont conscience de leurs “émotions bordéliques”. Ce sont tous deux des êtres fêlés, handicapés sentimentalement, paralysés par le lâcher prise. Et bon sang comme c'est lourd à absorber ! J'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à suivre leurs dérives et à cerner leur valse des hésitations. Tout est trop compliqué et accablant. Malgré tous mes efforts, je n'ai pas su m'attacher à Lex et Callista. Leur histoire est longue et lente à se déployer - trop d'atermoiements, aucune perspective rayonnante, et cerise sur le gâteau, une interminable séance de sauvetage de baleine en guise de dénouement ! Débroussaillez tout ça et vous obtenez un roman bien amer, un poil mélodramatique, sur fond de douce sérénade mélancolique...
Valérie Marchant, lectrice pour Audiolib, sauve les meubles par son interprétation sensible et agréable à l'oreille. Car si le roman décline effectivement son ode à la nature et à l'océan, il manque cruellement de vigueur à nous transporter dans le parcours de vie des deux protagonistes. De la délicatesse, de la beauté et de la poésie... certes, mais l'envolée romanesque peine à décoller ! Une déception, donc.
©2016 / 2008 / 2017 Karen Viggers / Éditions les Escales, un département d'Edi8 / Audiolib. Traduit par Aude Carlier
(P)2017 Audiolib - Texte lu par Valérie Marchant (durée : 12h 39)
Le Secret du mari, de Liane Moriarty
En fouillant dans son grenier, Cecilia découvre par hasard une lettre testamentaire écrite par son mari. Surprise, puis curieuse, elle cherche à comprendre, à résister à l'envie de l'ouvrir pour la lire, puis finit par interroger le concerné. La réaction de celui-ci ne finira pas de la surprendre...
Tess apprend de la bouche de son époux qu'il est tombé amoureux de Felicity, sa cousine. Blessée, mais surtout vexée, la jeune femme plie bagage et part avec son fils chez sa mère. En inscrivant Liam à l'école de son enfance, elle tombe également sur Connor, son premier amour...
Rachel, vieille femme aigrie par la vie, est désabusée d'apprendre que son fils, sa femme et leur garçon quittent le pays pour New York où sa bru vient de décrocher un nouveau poste. C'est surtout sa séparation avec Jacob, son petit-fils, qui la meurtrit au plus haut point. Cela exacerbe également les souvenirs jamais éteints de la perte de sa fille, assassinée trente ans plus tôt. Son crime laissé impuni, Rachel n'a jamais cessé de spéculer sur l'identité du coupable, se méfiant de tous, accusant non sans honte, souffrant d'être incomprise, ruminant sa vengeance...
Ainsi, ce roman brasse et embrasse trois destinées de femmes bousculées par la vie, acculées dans leur coin, forcées de tout remettre en question et relancer leur fortune. À l'instar de Petits secrets, grands mensonges, le suspense est savamment distillé et donne à lire un roman où chaque lien est inextricablement noué, avec du fil invisible, car on ne voit généralement venir la répercussion qu'au détour d'un chapitre, ou dans les dernières pages du livre, dans un dénouement chaotique et fracassant.
Dans ce roman, Liane Moriarty se montre également plus grave en évoquant des sujets comme le deuil, le poids de la culpabilité, les secrets de famille, le sentiment de trahison, l'adultère et la rédemption. L'émotion est palpable, le désarroi des personnages contagieux. On ressent toute la solennité du roman, son aura dramatique et bouleversante. Implicitement, cela se lit avec beaucoup de retenue et de compassion.
Contrairement aux promesses vendues, je n'ai pas trouvé ce roman pétillant ou plein d'humour, mais plein de délicatesse, incitant aussi à la réflexion autour de thèmes d'une grande humanité. La lecture faite par Nathalie Hugo est impeccable dans ce registre. De la sincérité, de la sensibilité, de la justesse. C'est tout bon.
©2015 Albin Michel / Traduit par Béatrice Taupeau
(P)2017 Audiolib / Texte intégral lu par Nathalie Hugo (durée : 12h 06)
Petits secrets, Grands mensonges, de Liane Moriarty
Au cours d'une soirée quizz organisée par l'école du quartier, des parents anormalement émêchés se donnent en spectacle de manière scandaleuse et déplacée. Ils se lancent des noms d'oiseaux, en viennent aux mains, se bousculent. Puis la farce vire au drame, une victime est déplorée, la communauté est sous le choc. Commence aussitôt une enquête qui ne dévoile rien de l'identité de la victime ou des responsables de la cohue. Rien ne filtre, si ce n'est quelques détails distillés avec parcimonie.
Cette mise en scène redoutable, au suspense bien ficelé, est diablement efficace et rend la lecture captivante ! On plonge sans se douter dans une abominable histoire de harcèlement, d'injustice et de préjugés, alors que tout se passe dans une simple classe de maternelle au cœur une banlieue chic et cossue. Jane vient d'y emménager avec son fils Ziggy lorsque celui-ci est accusé de persécuter une petite camarade. La mère outrée monte au créneau et use de son influence pour intimider les nouveaux venus, tandis qu'une résistance s'organise autour de la jeune maman célibataire en dénonçant le lynchage en règle. La guerre des mères est déclarée et elle s'annonce sanglante.
On pourrait se moquer du sordide de la situation, si ce n'est que cela démontre aussi l'acharnement bête et méchant à entraîner les uns et les autres dans une ronde infernale qui exacerbe toutes les passions (divorce, famille recomposée, adolescence, carrière, procrastination, humiliation, coups et violence). On n'imagine pas les drames cachés dans ces doux foyers en apparence ordinaires et aisés. C'est tout à la fois poignant, révoltant, délicat et émouvant. On se croirait presque dans une nouvelle saison de Desperate Housewives ! De plus, le rythme est incroyablement bon, angoissant et haletant. On ne voit rien venir des révélations finales, on se fait même manipuler sur toute la ligne et on applaudit le tour de force.
Ce roman est addictif, ingénieux et surprenant ! Franchement top.
La voix de Danièle Douet peut vous paraître familière, puisqu'elle double notamment Nicole Kidman, Kristin Scott Thomas, Gillian Anderson et Felicity Huffman (Lynette Scavo dans Desperate Housewives). C'est une voix chaleureuse et très agréable à écouter, qui s'amuse ici à accentuer les défauts ou les particularités des uns et des autres, sans surjouer ou friser le ridicule. On assiste avec un certain effroi à cette comédie sinistre sur les drames domestiques en prenant note du poids des secrets et des mensonges qui peuvent parfois faire tout basculer. Malentendus, ragots, rumeurs alimentent le quotidien de ce petit monde qui vit en vase clos. Effroyable et sidérant. ☺
Texte intégral lu par Danièle Douet pour Audiolib (Janvier 2017) - durée : 15h 23
Sous la terre, de Courtney Collins
Une jeune femme couverte de suie et de sang s'agenouille dans la terre pour enterrer son bébé sans vie, avant de s'enfuir à dos de cheval dans les montagnes de cette province reculée d'Australie, laissant derrière elle un cadavre parmi les ruines d'une ferme en feu.
Jessie vient d'éliminer son tortionnaire et refuse de retourner en prison. Orpheline, en liberté sous caution, elle avait été recueillie par Fitz Henry pour s'occuper des chevaux et tremper dans des combines douteuses, croisant en chemin un cowboy au regard de braise, Jack Brown, avec lequel elle a vécu une brève et intense liaison. Leur dernier rendez-vous loupé va d'ailleurs amener celui-ci à partir à sa recherche, en compagnie du shérif Barlow, un pauvre type perclus de douleurs, qui pense se soulager dans la consommation abusive de l'héro. Drôle d'équipe de bras cassés... aux intentions assez troubles et troublantes. Jessie, de son côté, fuit toujours plus loin et se joint à une petite bande de voleurs intrépides, bien planqués dans les montagnes. Sa vie défile en flashbacks et dresse un parcours jalonné de coups et de larmes. Mais la jeune femme, animée d'un caractère farouche, a toujours bravé les obstacles et tracé sa route sans se retourner.
D'une poésie brutale et poignante, ce récit haletant se boit en une goulée. L'histoire est tout simplement envoûtante. Elle parvient à transmettre un éventail de sensations bouleversantes, en plus de nous planter dans un décor rude et un univers implacable, où souvent le rôle de la femme comptait pour des prunes (l'histoire se passe en 1921). À sa façon, Jessie part à la conquête de son destin et nous emporte au galop de son cheval Houdini vers sa quête de la liberté en une cavale infernale et vibrante d'émotions. Très beau, très fort ! Une vraie réussite.
Traduit de l'anglais (Australie) par Erika Abrams (The Burial) pour les éditions Buchet Chastel
Repris chez 10-18 en Avril 2015
Fiançailles, de Chloe Hooper
Partagée entre le désœuvrement et le désespoir, Liese accepte l'invitation d'Alexander à le rejoindre dans sa ferme au fin fond du bush. Depuis quelques mois, elle entretient avec lui une relation inattendue, en vendant son corps contre de l'argent, afin d'éponger ses dettes. Tout a commencé comme un jeu, se dit-elle, sauf qu'elle y perd pied et voudrait tout effacer, mais elle accepte un dernier weekend avec lui, avant son prochain départ.
Ce qui l'attend alors, chez cet inconnu guindé, est tout aussi déconcertant, troublant, captivant. La maison d'Alexander, isolée et silencieuse, impose son histoire familiale et sa décoration désuète, Liese est intimidée, voire effrayée par ce décorum gothique et inquiétant. Si l'on s'attendait à une ambiance sulfureuse, le lecteur a fait fausse route ! Liese est étourdie par la situation, entraînée par les révélations faites par son amant, qu'elle tente d'échapper, tout en continuant à donner le change. Un paradoxe qui conforte, là aussi, la sensation de malaise.
Ce livre est hyper déroutant, confondant, malicieux, retors, étrange... mais envoûtant ! Oui, oui. Le roman, construit comme un thriller, est d'une tension psychologique redoutable et pernicieuse. Faux-semblants, séduction, désir et jeux de rôles constituent les piliers de cette intrigue absolument insaisissable. On y perd tous ses repères et la narratrice elle-même est complètement à côté de la plaque ! J'ai beaucoup aimé les sensations de cette lecture, entre le vertige, l'ivresse et la frustration. Cela change, et c'est bien.
10/18 ♦ avril 2015 ♦ traduit par Florence Cabaret (The Engagement) pour Christian Bourgois éditeur